À sept ans, la narratrice emménage avec sa mère dans un nouvel appartement. C’est là que tout se passe. Elles vivent seules, enfermées dans un huis clos étouffant, sans regard extérieur pour venir poser des mots sur ce qu’elles traversent. Cette relation, faite de dépendance et de violence latente, va bien au-delà de la simple dysfonction familiale : elle devient un terrain où se mêlent des actes incestueux, non nommés mais profondément inscrits dans le corps et l’esprit de l’enfant. Ce n’est pas une violence qu’on hurle — c’est une violence qui s’installe dans les gestes, dans les silences, dans les regards. Une violence qui se mélange au désir, à l’amour, à la peur. Rien n’est clair, surtout pas pour une enfant. Tout est flou, instinctif, confus, et pourtant ça ronge de l’intérieur.


Peu à peu, quelque chose s’impose à elle : une sensation trouble, comme si le mal venait de plus loin, de plus ancien. L’appartement devient presque vivant, il enferme, il oppresse, comme les murs d’un puits. Elle comprend que ce qu’elle vit, sa mère l’a peut-être vécu aussi. Et sa mère avant elle. Comme une histoire maudite qui se répète, génération après génération, entre femmes, entre mères et filles, dans un mélange de soumission, de rage et de douleur rentrée.


Elle grandit dans ce climat, et quand une amitié naît timidement à l’école, elle ne sait pas comment l’habiter autrement que par ce qu’elle connaît déjà : la dépendance, la peur d’être abandonnée, la confusion entre tendresse et possession. Elle reproduit, malgré elle. Et puis, par éclats, quelque chose se fissure. Des mots apparaissent. La lucidité surgit. Elle commence à voir, vraiment. À nommer ce qu’elle n’avait fait que subir. Et à reconnaître, en elle, ce monstre transmis de femme en femme — et qui maintenant tente de vivre à travers elle aussi.

IIIMA
6
Écrit par

Créée

le 4 mai 2025

Critique lue 11 fois

IIIMA

Écrit par

Critique lue 11 fois

D'autres avis sur L'Âge de détruire

L'Âge de détruire

L'Âge de détruire

le 12 mars 2023

Critique de L'Âge de détruire par lireaulit

J’avoue que tout le long de la lecture de ce texte (à l’écriture délicieuse mais au sujet particulièrement éprouvant), je me suis demandé sur quelle terrible catastrophe allait déboucher ce...

L'Âge de détruire

L'Âge de détruire

le 4 mai 2025

L'âge de comprendre

À sept ans, la narratrice emménage avec sa mère dans un nouvel appartement. C’est là que tout se passe. Elles vivent seules, enfermées dans un huis clos étouffant, sans regard extérieur pour venir...

L'Âge de détruire

L'Âge de détruire

le 29 déc. 2023

Reste deux phrases surlignées.

Le premier roman de Pauline Peyrade est un pur bijou de littérature, la langue française y prend chair sous sa forme la plus pure. C'est bien ça qui m'a étonnée, étant donné que P. Peyrade est...

Du même critique

Delicatessen

Delicatessen

le 4 mai 2025

Délicieux miam!

Delicatessen est une comédie noire réalisée par Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, se déroulant dans un futur post-apocalyptique où la viande est devenue une denrée rare. Dans un immeuble délabré, un...

Flow - Le chat qui n’avait plus peur de l’eau

Flow - Le chat qui n’avait plus peur de l’eau

le 27 juin 2025

tellement reposant

Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau est un film d’animation muet d’une beauté rare, qui suit un chat noir solitaire dans un monde englouti, où il trouve refuge sur un bateau avec d’autres...

Snowpiercer - Le Transperceneige

Snowpiercer - Le Transperceneige

le 27 juin 2025

mi chemin décevant..

Snowpiercer de Bong Joon-ho captive d’emblée avec son concept fort et sa réalisation soignée, mais déçoit dès la moitié et perd en crédibilité au fil de sa conclusion.Au départ, le film est...