Meursault est un homme insensible et honnête. Pas de pleurs superflus, pas de course folle amoureuse, pas de remords, ni de rancœurs, ni d'envie. Pas de joie explosive ni d'amour profond. Chez Meursault, les choses sont ce qu'elles sont et existent sans qu'il soit nécessaire de s'en plaindre ou de s'en réjouir. Sa vie, il ne l'a pas choisie mais il n'a aucune raison de la haïr, ni de l'aimer d'ailleurs : son patron est désagréable : c'est ainsi. Sa maman est morte : ça ne l'empêchera pas d'aller au cinéma avec une jeune fille retrouvée le lendemain. Il a tué un homme, aveuglé par le soleil et anéanti par la chaleur : il ne pouvait pas vraiment faire autrement. Quatre balles en plus dans ce corps éclaté ne changeront rien à son cadavre.
Meursault n'est pas morose, ni triste, il est anesthésié. Les choses se passent sans qu'il ne porte de jugement. Le voisin bat son chien, Raymond est proxénète. Ils veulent sa compagnie ? Il l'offrira. Marie veut se marier avec lui ? Ils se marieront.
Les évènements ne sont que causes et conséquences. Il n'existe pas d'absolu, de bien ou de mal, de beau ou de laid vers lesquels il faudrait tendre. Meursault est l'homme lent, solitaire, discret et détaché, de tous, de lui-même. L'annonce de sa condamnation à mort ne changera rien, il est étranger à sa propre vie qui l'indiffère. Bien plus que ce cortège désarticulé de juges, procureurs, avocats et journalistes qui s’agitent pour tenter de prouver l'horreur ou la banalité de ses émotions. Il semble que Dieu ait comblé chaque homme de passions, sauf lui. Il subira son sort avec un détachement total.
Le pourvoi ? peu importe : il mourra aujourd'hui. Ou peut-être demain. Les étoiles lui suffisent, et c'est peut être ça le bonheur.