La Décision relate l'histoire d'une magistrate du parquet antiterroriste, nommée Alma. Elle est en charge du dossier d'un jeune homme emprisonné depuis son retour de Syrie, suspecté de radicalisation et de projeter des attentats sur le territoire français. Nous suivons tout au long du roman l'enquête qui est menée pour déterminer les véritables intentions de son retour. L'écriture de Karine Tuil est fluide et l'histoire se suit facilement. Le roman traite notamment du thème philosophique suivant : la faillibilité de la justice. Le dénouement de l'histoire prendra ainsi tout son sens lorsque la magistrate prendra une décision qui entraînera une tragédie.
Alma est une femme subissant une pression psychologique quotidienne, aussi bien dans son travail que dans sa vie privée. De son travail, on témoigne de la violence qu'elle regarde en vidéo pour l'instruction des dossiers, des menaces qu'elle reçoit par sms lorsque des individus cherchent à l'intimider et des agressions verbales et physiques pour avoir simplement fait son travail. Quant à sa vie privée, nous découvrons une femme émotionnellement instable, mariée à un homme désagréable et nocif qu'elle n'ose pas quitter, entretenant une liaison avec un avocat qui défend le suspect de son dossier. Epuisée par son travail et fragile psychologiquement, Alma semble prise dans un cercle vicieux dont elle n'envisage pas la sortie.
Il est intéressant de constater que le point de confluence de l'histoire réside dans sa relation interdite avec l'avocat de la défense. En entretenant cette liaison, elle décide bien malgré elle de mélanger sa vie personnelle et professionnelle au risque d'affecter la vie de ses concitoyens. Car au parquet antiterroriste, il va de soi que l'enjeu se mesure en vies humaines. Aucune légèreté ne saurait donc être tolérée.
Il est ainsi difficile de savoir après lecture quelle était l'intention sous-tendue par l'auteure. Notre justice est-elle faillible parce que nos magistrats manquent de discernement ? Ou est-ce que la faillibilité réside dans un aléa dont les répercussions sont imprévisibles ? Cette histoire est pourtant celle d'une magistrate irresponsable qui ne se retire pas d'un dossier alors que sa décision ne peut plus être qualifiée d'impartiale. La Décision couronne ainsi de multiples décisions et indécisions préalables menant au dénouement.
Une telle évidence n'est pourtant pas commune dans la magistrature. Une faute aussi lourde ne représente pas la norme au sein des parquets et c'est en cela que ce roman comporte sa part de grotesque, qui plaît au grand public. La complexité des décisions se trouve surtout dans la réflexion juridique et pratique que le magistrat s'évertue à articuler. Lier l'impartialité à une affaire intime reste une narration simple ne nous amenant pas à la réflexion mais à la constatation. Or, de nombreux magistrats ont fait face à des pressions professionnelles similaires mais dont l'impartialité était mise à l'épreuve par l'opinion publique et politique comme dans l'affaire Patrick Henry en 1976 ou plus récemment l'affaire Samuel Paty en 2024.
Tels auraient été des enjeux complexes, dignes d’appeler à la réflexion profonde sur une décision de justice.