le 24 mai 2020
Critique de La fin du monde n'aurait pas eu lieu par madametong
Drôle, caustique, un vrai plaisir de suivre la vie de ce conseiller de président américain. C est poétique en même temps, un vrai regal
SensCritique a changé. On vous dit tout ici.
Tour à tour Tchécoslovaque dissident, Tchèque francophile, traducteur d’une langue dans l’autre et de l’autre dans l’une, écrivain en tchèque et finalement en français, Patrik Ourednik est à mettre au rang des auteurs qui savent combien la langue est précieuse, et j’aime à l’imaginer tenant table à demi ouverte dans le bistrot le plus proche de chez lui. (J’en ai connu, des piliers de bistrot qui vous laissaient parler longtemps, avant de déclarer lapidairement « l’adoption d’un cadre autoritaire soulage du désarroi d’une responsabilité sans ressources », p. 151)
Pour le plaisir – partagé ? quelquefois oui ! mais jamais inconséquent – de commencer à danser sur les futures ruines de notre planète, La fin du monde n’aurait pas lieu se pose là. L’exercice n’est pourtant pas simple : il suppose une structure assez légère et solide en même temps pour aboutir à un texte qui ne tourne ni au délire postmoderne purement formel, ni à l’essai de plomb dans un gant romanesque de velours. Patrik Ourednik met en place cette structure, à la fois très différente de celle d’Europeana et dans une optique similaire.
Certains événements du récit ont beau être datés, La fin du monde n’aurait pas eu lieu est un gigantesque galimatias de dates (rien que ce titre !), de données statistiques ineptes (cf. le tableau à trois colonnes et une ligne, page 98), de pur baratin pseudo-technique (« Il aurait pu ajouter : “Nous allons prendre des dispositions fermes et énergiques qui devraient à terme nous permettre de pouvoir envisager à l’horizon de la prochaine prise de décision une sortie rapide de la crise.” », p. 109), de propos vaguement autobiographiques, de méta-littérature, de géographie, de politique et de géo-politique vagues. Avec une photo du Feyenoord kid.
Quant au succédané de héros qui tient lieu de fil rouge au livre, il a exercé la fonction de « conseiller auprès du président américain le plus bête de l’histoire du pays », ce qui laisse l’embarras du choix. (Précisons toutefois qu’une phrase comme « C’était faux, mais dorénavant vrai. » (p. 121) a été écrite alors que le président des États-Unis ne portait pas un nom de canard !)
Il faut s’y résoudre : La fin du monde n’aurait pas eu lieu est un jeu. Comme tous les bons livres, il explore le langage. « Le Sauveur était venu au monde en tant que Verbe incarné mais, comme l’écrivit plus tard l’un de ses amis, le monde ne l’avait pas entendu. Après le Logos inaudible, le temps était venu de l’Epilogos fracassant : maltraité, lapidé, éventré, assassiné, accablé : tel était le verbe à la charnière des siècles. » (p. 109) : même quand il joue à être Léon Bloy, Ourednik joue, précisément. Dans La fin du monde n’aurait pas eu lieu, les croyants sont appelés « les craignant-dieu », Hitler « Adolf le Boche », et échanger est « un autre mot très à la mode à l’époque » (p. 93)
Et un éloge de la littérature, sous la plume de Patrick Ourednik, donne ceci : « Les livres ont pour objectif premier d’éviter le suicide collectif. Leur rôle est social. Il arrive que quelqu’un se suicide après avoir lu un livre : il s’agit d’un accident. La majorité des lecteurs ne se suicident pas, car ils savent que leur envie de renoncement est partagée par l’ensemble des lecteurs sensés. Ça soulage, et provoque en même temps un sentiment de solidarité : je ne peux pas leur faire ça, à mes compagnons d’infortune, mes frères en souffrance. » (p. 73)
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 3 mars 2017
Critique lue 414 fois
le 24 mai 2020
Drôle, caustique, un vrai plaisir de suivre la vie de ce conseiller de président américain. C est poétique en même temps, un vrai regal
le 6 août 2013
Je suis sociologiquement prédisposé à aimer Desproges : mes parents écoutent France Inter. Par ailleurs, j'aime lire, j'ai remarqué au bout d'une douzaine d'années que quelque chose ne tournait pas...
le 4 avr. 2018
Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...
le 12 nov. 2021
Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...
NOUVELLE APP MOBILE.
NOUVELLE EXPÉRIENCE.
Téléchargez l’app SensCritique, explorez, vibrez et partagez vos avis sur vos œuvres préférées.
