Romain Gary (ou plutôt Émile Ajar) était un auteur dont je n'avais jusqu'ici rien lu, et dont je ne connaissais que l'anecdote selon laquelle il aurait gagné deux fois le Goncourt. J'ai choppé le roman chez ma mère qui m'avait dit que le roman était "difficile."
Pourtant ça s'avale sans difficulté tant le roman est fluide et que le style ne laisse pas indifférent. Le roman est écrit par Mohammed, un gamin arabe qui a passé sa vie à moitié dans la rue, à moitié élevé par une vieille juive qui acceptait de s'occuper des gamins des prostitués. Et le gamin à son style basé sur une compréhension lacunaire et très embrouillé du français, sans doute dû à l'engloutissage d'expressions mal formulées. Gary s'amuse avec cette matière et nombreuses sont les phrases que j'ai envie de relever. Tiens, une au hasard : "Monsieur Hamil est un grand homme, mais les circonstances ne lui ont pas permis de le devenir."
Cette compréhension qui reflète aussi l'ironie de sa vie et son regard moqueur sur celle-ci. On est donc dans un monde assez dur : celui des immigrés africains et arabes dans le Paris des années 70, notamment au milieu des drogués et des prostitués (on y trouve aussi un personnage de transexuel) mais les horreurs y arrivent (meurtre, prostitutions, mal logements, folies, etc...) sont évoquées par lui comme des anecdotes de la vie, des accidents banals. Le livre prend un virage de plus en plus noir lorsque Madame Rosa, la femme chargé de l'élever commence à devenir folle de la maladie d'Alzeihmer.
Ce qui est difficile, c'est de se dire qu'en plus de 40 ans, il n'y a pas grand chose qui ai changé : je pourrais prendre un gamin des quartiers en bas de chez moi, on y trouverait des anecdotes similaires et une misère commune. Le pire, ça serait presque que si je racontais ça maintenant, on me taxerait limite d'angélisme.
Bref, pour le coup, c'est un Goncourt bien mérité !