Les Hérétiques de Dune est un tome extrêmement dense, présentant de nombreux personnages ayant chacun leur symbolique dans un univers post-tyrannie. Leto II est mort, mais son spectre hante encore le monde développé par Herbert. Son Sentier d'Or a rendu une partie de l'humanité imprévisible, a provoqué la Grande Dispersion, mais toute libération entraine des excès et des tensions, c'est le coeur de ce tome.
Je suis toujours fasciné à la fois par la qualité de l'écriture de l'auteur (notamment quand les personnages pensent ou conversent), par la manière avec laquelle il façonne son univers littéraire, et par les nombreux traits d'esprit qu'on peut retrouver tout au long du roman. Ce tome est rempli de réflexions sur comment gouverner, les structures figées face au chaos, les périodes politiques, la sexualité, le fanatisme, la manipulation de la foi, le piège du sacré, les écosystèmes, l'hérésie, la loyauté, la discipline, la recherche, l'histoire... au travers de différents organismes et individus qui agissent comme vecteurs de ces idées - sans être manichéens.
Mais cette force est aussi selon moi liée à la grosse faiblesse de ce cinquième opus : le manque de cadre. Plus que jamais, Les Hérétiques de Dune apparaît comme un élément d'une saga plus qu'une oeuvre littéraire à part entière, avec une fin très (trop) ouverte et une multiplication des enjeux qui dénote complètement du précédent tome qui était beaucoup plus singulier et s'articulait autour d'une trame plus profonde et plus travaillée. Plein de scènes du bouquin m'ont fait sourire, ou m'ont fait réfléchir sur les thèmes évoqués précédemment, mais je regrette un peu le manque de vision artistique globale et de force de proposition qui faisaient la force de L'Empereur-Dieu de Dune - meilleur tome de la saga selon moi. Disons que même si on a une toile de fond sur la manipulation des croyances et sur l'opposition entre les structures traditionnelles et le chaos / la Dispersion, on se perd un peu trop dans la volonté de créer un Univers détaillé qui multiplie les points de vue et qui se concentre un peu trop sur comment développer son lore.