[La version lue est une traduction française de Michel Cusin publiée dans la collection folio chez Gallimard]
À l'intersection entre un roman, une pièce de théâtre et un poème, le texte de Virginia Woolf revêt une forme inédite, qui lui permet de mettre en mots les non-dits d'une existence à tendance universelle. Ses personnages, semblables à des ombres dont seule la voix nous parvient, sont à la fois insaisissables et proches de notre réel par leurs rares traits de caractère. Cette oeuvre porte en elle la mélancolie de son autrice, qui l'essaime de références biographiques, et la lie à la mort de son frère. Le milieu naturel, qui occupe les interludes et rythme le texte, insensible aux bonheurs comme aux malheurs du monde humain, incarne aussi le passage du temps qui nous enchaîne (trop souvent) à l'indifférence, même face aux événements essentiels comme le décès d'un proche. Mais comment vivre sans poursuivre son chemin, comme les phalènes poursuivent la lumière d'un battement d'aile ?
Au delà de la forte dimension poétique et sensible du texte, l'arrière-plan politique se dessine et renforce le plaisir de la lecture, que ce soit par la critique du colonialisme britannique, par la représentation de la souffrance et du travail domestique féminins ou celle d'un amour homosexuel au début du XXème siècle.
Les vagues nous poussent ainsi vers les autres œuvres de leur autrice, et laissent, dans l'esprit de la lectrice, une trace indélébile de leur passage à la fois perpétuel et éphémère.