Mars ou Crève

« Mars » est un récit autobiographique posthume de Fritz Zorn (Zorn = la colère), pseudonyme d’un écrivain suisse, Fritz Angst (Angst = la peur), issu de la bourgeoisie zurichoise. L’auteur y raconte sa maladie existentielle née d’une éducation froide, déshumanisée, avec des parents « vides ». Il écrit en toute franchise qu’il a subi « une anti-éducation sexuelle ». Il a reçu toutes les valeurs chrétiennes les plus courantes : tempérance, renoncement, douceur, patience, et il ajoute « par-dessus tout le "non" sans appel à presque tous les aspects de la vie. » Ou encore : « Ma vie toute entière n’était qu’un problème sexuel non résolu » Pour ajouter plus loin et plus fort : « Je souffre d’une impuissance totale sur le plan de l’âme. »

Zorn dissèque la société bourgeoise, l’ayant privé d’émotions (sa tumeur serait constituée de "larmes ravalées"), jusqu’à faire de lui un être "mort-vivant", un être « jeune, célibataire, impuissant, névrosé, malade » avant même la maladie...

Le livre est un témoignage implacable, une introspection lucide. L’auteur s’observe et s’analyse froidement. Il se sait étouffé par le conformisme, c’est un homme empêché, un homme démoli.

Le texte est un récit personnel (oui, c’est une introspection ! message aux lecteurs imbéciles lui reprochant d’être autocentré ! J’aimerais les entendre disserter, ces lecteurs, - et sur quoi ? - s’ils étaient touchés, et par la dépression et par un cancer en phase terminale…) ; le texte est aussi une analyse sociale (critique de la bourgeoisie et de ses valeurs) et une réflexion philosophique (libre arbitre, sens de la vie, la mort, Dieu).

C’est dans la dernière partie, dans le chapitre « Le chevalier, la mort, le Diable » que Zorn se livre à ces réflexions philosophiques, considérations qui m’ont semblé un peu vaines et très répétitives (le récit est une logorrhée, un tourbillon de paroles construit un peu en spirale) mais cela n’empêche pas Zorn de porter très haut sa colère et d’être le porte-drapeau d’un drame humain partagé par beaucoup :

« Ma détresse est aussi une partie de la détresse universelle. Ma vie ne se réduit pas aux cris que jette un individu originaire de la bourgeoisie zurichoise, et à qui son éducation fut fatale ; elle se confond avec le hurlement peuplé de mille voix de tout l’univers où le soleil ne s’est plus levé. »

Zorn, dans un dernier sursaut, se veut porteur de glaive, tel Mars, Dieu de la guerre ou tel, le mois de Mars, mois du renouveau : « Je me déclare en état de guerre totale. » Un appel à vivre.

Fritz Angst, alias Fritz Zorn, est mort, en 1976, à 32 ans.

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⚠️ Dans la collection Folio, il y a une nouvelle édition et une nouvelle traduction de ce livre, avec une préface de Philippe Lançon. Préface (qui aurait dû être une postface !) surtout à ne lire qu’après le texte de Fritz Zorn.