Les nouvelles de Pétersbourg sont comme leur titre l'indique un recueil de nouvelles se passant dans cette ville au début du XIXe siècle. J'ai choisi de vous présenter la dernière nouvelle de l'œuvre : Le portrait, dont l'intrigue est la plus simple et selon moi la plus efficace.

Le portait:

Tchartkov est un jeune peintre non dénué de talent, mais comme pour la plupart de ses homologues, la vie est difficile. La richesse lui tend les bras car il lui serait aisé de devenir un peintre à la mode, mais son maître l'encourage à ne pas suivre la voie de la facilité et à continuer d'étudier les grands pour parfaire son art. Un jour qu'il se promène il est intrigué par une boutique de tableaux dont il se met à regarder les toiles, de plus mauvais goût les unes que les autre. Très vite, le marchand croit avoir ferré un client et tient absolument à ce qu'il ne reparte pas les mains vides. Avant qu'il ait eu le temps de prononcer un mot, le vendeur commence déjà à ficeler deux cadres... Mal à l'aise, Tchartkov se met en quête d'une toile à acquérir, se souvenant des rumeurs de trouvailles de grands maîtres dans certains bazars comme celui-ci. Il tombe sur un tableau représentant un vieillard drapé dans ds vêtements de style oriental, montrant un talent certain chez le peintre à l'origine de l'œuvre, cependant un détail trouble le jeune homme, les yeux du vieil homme paraissent vivants, ils brillent d'un éclat irréel, détonnant du reste du portrait. Il décide de prendre celui-ci afin de s'y pencher plus sérieusement une fois chez lui. Il le négocie pour 20 kopecks, qu'il regrette aussitôt se souvenant qu'il n'a pas encore payé son loyer et que sa logeuse menace d'appeler les autorités. Une fois le portrait nettoyé et installé dans son logis, Tchartkov ne peut en détacher les yeux, l'homme dans le cadre semble le fixer, et il en arrive à prendre peur. Il ne parvient pas à trouver le sommeil avant d'avoir recouvert la toile d'un tissu blanc. Cela ne suffira pas à éloigner l'influence néfaste de la peinture, le vieil oriental revient le trouver dans des rêves inquiétants, où il compte de l'or et laisse tomber un rouleau de mille ducats au pieds de son hôte qui s'en empare aussitôt. Même au réveil, celui-ci ne parvient pas à oublier la sensation du rouleau entre ses doigts. Peu après, sa logeuse toque à sa porte, et elle est accompagnée du commissaire de police, elle menace d'expulser Tchartkov si il ne paie pas son dû dans la journée. Le représentant des forces de l'ordre, bourru, donne un coup dans le portrait acheté la veille, et, un objet lourd tombe du cadre. Le jeune peintre ébahi découvre mille ducats qui avaient dû être dissimulés dans une cache, il règle aussitôt ses dettes, et promet de déménager, l'air offusqué. Depuis ce jour, sa vie change littéralement, il tombe dans les travers que craignait son maître et devient le peintre à la mode de St Pétersbourg, il est sollicité par tout le beau monde pour des portraits glorieux et délaisse ses anciens amis, et modèles. Son talent s'étiole ainsi que ses qualités morales, quand il s'en rend compte il devient jaloux des jeunes peintres qui ont le génie qui l'a abandonné, et grâce à la fortune qu'il a accumulé, il s'offre les plus belles œuvres d'art afin de les saccager dans des crises de folie destructrice. Heureusement pour le monde de l'art Tchartkov succomba à une phtisie foudroyante quelques temps après. Il s'était débarrassé du portrait qui avait fait sa fortune et son malheur, on retrouva celui-ci dans une grande vente aux enchères destinée aux riches amateurs d'art. Quand ce fut le tour du portrait, les offres atteignirent des sommets, mais un jeune homme coupa court aux discussions en prenant la parole pour expliquer l'histoire de cette étrange peinture. Il se présenta comme le fils du peintre à l'origine du portrait. Son père était tout comme Tchartkov un jeune peintre talentueux, il travaillait corps et âme et s'inspirait surtout des œuvres religieuses et des anciens malgré le mépris de ses confrères. Il vivait dans le même quartier pauvre de Pétersbourg qu'un usurier dont la réputation faisait froid dans le dos, il prêtait disait-on n'importe quelle somme, mais aucun de ses clients n'a voulu révéler les conditions de remboursement. Les habitants le craignaient et quand on le croisait dans la rue on pensait voir le diable lui même. Un jour, ce dernier vint voir le père du narrateur, ayant entendu parler de sa réputation et lui demanda son portrait. Il lui expliqua qu'il sentait la mort proche, et que n'ayant pas de famille, il pensait pouvoir trouver dans un tableau une forme d'immortalité, il semblait fébrile. L'artiste se mit au travail, et fut étonné de ce que son pinceau rendait, il commença par les yeux, voulant rendre le regard vif du vieil homme, mais il lui semblait que plus le tableau devenait ressemblant et plus le regard du vieillard s'éteignait. Il fut pris d'un malaise et refusa de finir la toile. L'usurier le supplia, essaya de l'appâter avec une plus grosse somme, mais il ne voulut rien savoir. En rage, le vieillard sortir de l'atelier. Il mourut le lendemain. La peinture changea son créateur, il devint lui aussi jaloux, et dans ses peintures angéliques les chérubins prenaient des figures démoniaques. Il comprit que l'esprit de l'usurier avait pénétré dans la toile, par sa faute, et il décida d'expier son pêché en allant s'exiler en ermite dans un monastère. La seule fois qu'il vit son fils fut pour lui faire jurer de retrouver le tableau et de le détruire. Son histoire finie, le jeune homme et la salle se retourna vers l'estrade, trop tard, le tableau avait disparu.

J'aime beaucoup la littérature états-unienne, surtout quand ça se passe dans le sud, au début du siècle dernier avec des alcooliques et des consanguins... Mais j'avoue avoir une petite faiblesse pour les auteurs russes aussi, même si les deux n'ont strictement rien à voir. Gogol est un auteur très intéressant car il sait combiner la droiture russe avec certaines excentricités plus occidentales. Dans ce recueil de nouvelles on peut dire de lui qu'il est un véritable précurseur de l'école surréaliste, surtout dans le récit Le Nez. Il décrit ses contemporains avec humour, leur petites manies, les travers de l'administration, les différents degrés sociaux, véritables "castes", qu'on retrouve aussi dans la hiérarchie militaire par exemple dans Récits de Sébastopol de Tolstoï. Un homme vouera un véritable culte à ceux qui sont plus haut gradés et traitera comme des moins que rien ceux qui sont en dessous de lui ne serait-ce que d'un étage. Cependant, Gogol aime son pays et ses contemporains, il s'extasie devant la Perspective Nevsky, lieu de rencontre de tout les citoyens de Pétersbourg. Ses nouvelles trahissent un véritable travail d'observation sociale, dans le récit éponyme à la rue sus-citée, il note d'heure en heure les changements de population selon les emplois du temps des uns et des autres. La structure de l'intrigue et leur contenu me fait penser à des contes traditionnels, et surtout le Portrait que j'ai résumé ci-dessus. Un jeune homme bon, puni d'avoir voulu s'enrichir par la facilité au lieu de suivre la voie de la vertu, et qui est ensuite puni. Le Journal d'un fou est sûrement la nouvelle qui diffère le plus des autres, et certains diront la plus intéressante. Un fonctionnaire est amoureux de la fille de son supérieur, il découvre que le chien de la jeune fille parle, et mieux encore qu'il échange une correspondance secrète avec une autre chienne. Il se trouve aussi qu'il est le roi secret d'Espagne, et il attend qu'une congrégation vienne le chercher pour le mettre sur le trône qui lui revient de droit. Le récit est écrit à la première personne, comme un journal intime, et les dates et les faits sont de plus en plus déjantés. C'est une expérience littéraire intéressante. Gogol est un auteur intelligent, subtil et très novateur pour son époque, même ceux qui ne sont pas fan de littérature russe apprécieront.
Diothyme
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le 21 févr. 2011

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