Ce n'est clairement pas le roman le plus abouti de Jean-Paul Dubois, assez loin de la réussite d'"Une vie française" ou du "Cas Sneijder", par exemple. Comme il se doit, le prix Goncourt vient donc couronner l'ensemble d'un parcours littéraire, plutôt que le dernier livre en date.
En effet, "Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon" s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Dubois, déclinant la plupart de ses thèmes fétiches (le noyau familial, la beauté sauvage de la nature, la critique du libéralisme...) dans une tonalité toujours autant empreinte de mélancolie et de dérision.
A nouveau situé au Québec, terre d'adoption de l'écrivain toulousain, le roman diffuse une grande douceur, la principale caractéristique du héros étant la bienveillance, une valeur récemment revenue au goût du jour après avoir été longtemps ringardisée.
En revanche, le goût du narrateur pour les sciences et leurs applications concrètes, si pertinent dans "Le cas Sneijder" et sa métaphore des ascenseurs, tombe un peu à plat cette fois-ci, avec un usage parfois gratuit et insistant (le moteur de la voiture paternelle, la moto du codétenu, les rouages de la résidence...).
Cet aspect illustre une tendance de Dubois à multiplier les pistes de réflexion et les anecdotes, sans traiter véritablement de thème central dans ce livre.
Plus gênant, certains personnages secondaires apparaissent également peu approfondis, à commencer par Winona l'épouse parfaite autant qu'abstraite, mais aussi la mère du narrateur ou son unique ami dans la résidence : on a plus affaire à des symboles qu'à de réels êtres de chair et de sang.
Par conséquent, j'ai eu du mal à m'investir émotionnellement dans ce roman agréable et bien écrit mais peu mémorable, d'autant que la trame narrative se révèle sans surprise.