Jesus
Jesus

Morceau de Amos Lee (2011)

Tous les chemins mènent au rhum

Lorsque j’ai auditionné pour le rôle de Stevie Wonder et qu’on m’a dit, d’une part, qu’il n’était pas mort et, d’autre part, que je n’étais pas noir, je l'ai eue mauvaise. À quoi bon organiser ce genre de simagrées si le gus est toujours de ce monde ? Ça se fait pas mais surtout : comment ça, je suis pas noir ?


Étant donné que je ne suis pas le genre à me décourager, je me suis pointé au casting pour le film qu’ils comptaient faire sur Michael Jackson.
J’étais venu sapé comme un Congolais engoncé dans mon costard 3 pièces bleu Dacia Sandero Stepway, le gant de cycliste sur lequel j’avais collé des brillants, un peu de khol sur mon regard triste, bref : Jackson de malade.
Quand j’ai attaqué mon moonwalk et qu’avant de les claquer, j’enlevai une perle de salive du bout de mes doigts, j’ai bien vu qu’il y avait comme un malaise sur le parquet.
Je me suis dit « Voilà, quelques passes et ils sont secs, l’indécente du talent flamboyant foudroie parfois les coeurs les plus endurcis»
On m’a dit « Écoutez, va falloir dégager »
J’ai fait mine.
« Oui, vous, là. Le chauve essoufflé, du balai ! »


Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage, la bave du poireau n’atteint pas la tronche de Colombo. C’est donc le coeur léger et l’air de rien, pour ainsi dire habillé d’une nouvelle virginité, que j’apprends qu’on tourne le nouveau «Fisting Impossible » avec Tom Cruise. À Paris, ville lumière où Dieu, dans un de ses rares éclairs de génie, a eu la bienséance de me déposer un jeudi de mars à peine naissant.
J’arrive sur le lieu de tournage juste au moment où ce pauvre Tom est poursuivi par tout plein d’asiatiques.
Je me suis dit : « Ils sont cons ou quoi ? C’est Tom Cruise, ils vont quand même pas l’agresser, bonjour le XIII ème ! »
Perso, j’ai rien contre les asiatiques mais c’est des coriaces. Les scènes d’action chez eux, sont souvent débridées.
Voyant que le nain à gros nez ne ferait pas le poids, je me propose d’intervenir, musique de bad guy, en sortant derechef mon gourdin et en arrosant l’assemblée.
Et Tom de me remercier d’un « Whadafuck ?!!! » que je balayai d’un revers de la main, ponctué d'un clin d'œil à son endroit, comme pour dire «T'inquiète, frérot, je m’acquitte juste de ma mission »
C’est alors qu’ une paire de malabars, sans doute pas mis au courant de mon récent acte de bravoure, me sont tombés dessus. Dans le dos, comme des lâches.
Ils ont eu de la chance, j’avais tout donné, j’avais plus une goutte, sinon j’aurais visé les yeux.


Je ne vais pas te mentir, après tant de péripéties, j’ai été à 2 doigts de broyer du noir.
C’était la misère dans ma caboche. Je me disais que j’étais peut être pas fait pour ça, que j’étais un usurpateur, tout juste bon à singer des gens à qui je ressemble même pas.
Je me suis même dit que c’était eux qui avaient raison, que ce talent que je sentais en moi n’était qu’une illusion, que j’avais pas un échantillon sur moi...
Moi qui voulais devenir acteur depuis que j’avais vu le Jésus de Zeffirelli en classe de Français, il pleuvait en moi ! Vieillir et voir ses rêves d’enfant s’évaporer... L’infortune, c’est rude.
J’en étais à projeter ma retraite dans le Sud, l’exil à cultiver la vigne, dans un monastère car oui, j’étais prêt à enfiler une robe de bure, à choyer le raisin tout en choppant l’accent, à l’écraser sous la plante de mes pieds pour en faire quelques bouteilles de rosé que j’irais vendre à des touristes sur les marchés.
À rouler des spliffs avec quelques potos, en multipliant les pains tout en marchant sur l’eau…
Non mais attends, j'adore La Passion de Mel Gibson et j'aime pas les gens qui jettent des cailloux... Comment ai-je seulement pu être aussi bête... Ça me paraît évident : je vais faire Jésus !


Amen.

DjeeVanCleef
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le 2 juin 2019

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