Deux jeunes gens qui vivent une idylle insouciante. Elle tombe enceinte un peu trop jeune, fin de l'insouciance, début des responsabilités et des galères dans un pays en crise, et la présence d'une certaine lassitude et un désespoir qui s'installe peu à peu. Histoire banale du soi disant "rêve américain". Oui, mais voilà, histoire racontée par Bruce, l'histoire de l'une de ses soeurs....et là.....
Essence même de la poésie Springsteenienne, The River est sortie sur l'album éponyme en Octobre 1980 et en single en Mai 1981. Une de ses chansons les plus connues (ah, ce début à l'harmonica sur quelques notes de guitare.....). Il n'a pas son pareil pour nous décrire la classe moyenne ouvrière à qui on a fait miroiter le "rêve" et qui se retrouve dans la désillusion et la rancoeur. Le tout sans aucun misérabilisme mais, au contraire, un immense respect du milieu modeste dont il est lui même issu. En une chanson, il arrive à nous raconter une petite histoire.
Ici, on passe d'un premier amour un peu fantasmé ("We'd ride out of this valley - Down to where the fiels were green-We'd go down to the river) à un état nostalgique teinté de regret et d'amertume ("Now those memories come back to haunt me -They haunt me like à curse") par l'intermédiaire d'un mariage non sans amour mais beaucoup par obligation ("And the judge put it all to rest- Not wedding day smiles, not walk down the aisle - No flowers, no wedding dress). La rivière est maintenant asséchée et se pose la question de savoir si un rêve devient un mensonge si ça n'a pas existé......Mais tout n'est pas si noir car : "That sends me down to the river, my baby and I - Oh down to the river we ride".......
Le 19/11/2019, petit rajout extrait du livre Born to run de Bruce Springsteen himself :
Ma soeur Virginia est tombée enceinte à dix-sept ans, et personne ne s'est rendu compte de rien avant qu'elle en soit à six mois de grossesse! En terminale quand elle a laissé tomber le lycée, elle a suivi des cours par correspondance et épousé son petit ami, Mickey Shave, qui était le père de l'enfant. De prime abord, Mickey était un loubard grande gueule et bagarreur, un blouson noir de Lakewood, mais il s'est révélé finalement un type épatant. Il faisait du rodéo de compétition et a tourné sur le circuit du Jersey au Texas à la fin des années 1960. (.....) Conséquence, mon inébranlable soeur est descendue s'installer dans le sud, à Lakewood, a eu un fils magnifique et a commencé à mener la vie simple de nos parents.
Virginia, qui n'avait jamais fait bouillir d'eau, jamais fait la vaisselle ni passé la serpillIère, s'est endurcie. Elle avait une âme, elle avait pour elle l'intelligence, l'humour et la beauté. En quelques mois, sa vie a basculé. Elle a rejoint les rangs des prolos irlandais purs et durs. Mickey a travaillé sur des chantiers, il a souffert de la récession à la fin des années 1970, lorsque le bâtiment a été en crise dans le Central Jersey, il a perdu son boulot et a dû prendre un emploi de concierge au lycée local. Ma soeur était vendeuse au K-Mart. Ils ont élevé deux garçons adorables et une fille superbe et ils ont désormais une ribambelle de petits-enfants. Très jeune, et en se débrouillant seule, Virginia a trouvé en elle la force que ma mère et ses soeurs ont toujours eue. Elle est devenue une incarnation vivante de l'âme du New Jersey. J'ai écrit "The River" en son honneur et en l'honneur de mon beau-frère.