Ne détournez pas le regard

La vie de Hannah Baker est un long chemin de personne qui n'ont pas voulu voir, qui n'ont pas pris le temps d'écouter et qui au final ne se sont jamais sentis coupables de quoique ce soit. Il est aisé de se dire en commençant cette série que l'on va encore tomber sur une série larmoyante, où il se passe des choses qui n'arriveraient jamais dans aucun lycée avec une fille qui accumule les histoires pourries.

Eh bien non. 13 reasons why a cette force rare dans les séries qui traitent d'adolescent, elle est juste. Les treize raisons qui ont poussé Hannah au suicide sont pour la plupart tout à fait banales, même pas répréhensible juridiquement. Il n'y a que les dernières cassettes qui traitent d'évènements réellement traumatisants et graves. J'ai adoré ces premiers épisodes. Hannah explique ce que ces camarades lui ont fait. Rien de très grave, des railleries, des photos volées, des moqueries, du slut-shaming, des amies qui l'abandonnent. Au final ce n'est rien non ? Au contraire, c'est même pire que les dernières cassettes. Il n'y a rien de plus important pour un adolescent que les amis et la réputation. Ce sont des ces petits actes vicieux qui petit à petit ont forgé la personnalité dépressive de la jeune fille et l'ont poussé à être aussi fragile.

Malgré tout, la série garde sa justesse dans le traitement des personnages qui ont fait du mal à Hannah. Nous arrivons très difficilement à les détester. Ils ont chacun leur histoire, leur manière de penser, ne sont pas si méchants au fond. La série nous laisse voir à quel point la mort d'Hannah est du gachis parce qu'à la fois personne n'est réellement coupable mais en même temps ils le sont tous.

L'autre force de cette série est le fait que Hannah n'est pas décrite comme une jeune fille parfaite qu'on pourrait prendre en pitié. Plusieurs fois Hannah fait des choix stupides qui la mettent en danger et s'amourache beaucoup trop souvent de garçons malsains. Plus d'une fois, elle a l'occasion de demander de l'aide et de se rapprocher de personne saine, mais elle ne le fait pas, les repoussant encore et encore. Hannah ne s'est pas assez battue pour sa vie et la série ne le cache pas. Ils veulent juste montrer à quel point la fatigue mentale et physique peuvent vous pousser à bout, surtout dans l'esprit d'une adolescente. Elle a ses parents, elle est en bonne santé, elle a un toit, elle mange à sa faim, mais à cet âge, les relations sociales sont essentielles. La fragilité dans la jungle qu'est le lycée n'est clairement pas permise.

Les adultes sont également bien traités dans cette série, surtout la mère de Hannah. Etouffante et perturbante, elle dépeint admirablement la tristesse et le désespoir d'une mère qui a perdu sa fille et qui culpabilise surtout de n'avoir rien vu. La scène où elle découvre sa fille reste l'une des plus marquantes. Là où d'autres séries ou film montrent des personnages hystériques, le silence et le déni qui suivent la vision du corps est bluffante de réalisme. Cela m'a littéralement pris aux tripes.

Au final je vais encore me répéter, mais cette série est bluffante de justesse. On a rarement l'impression que la série en fait trop ou est cliché. Le fait de suivre Clay est très intéressant. Emotionnellement handicapé, Clay a du mal à comprendre -comme nous, total étranger dans la vie de Hannah - pourquoi elle s'est suicidée. A travers les cassettes, Clay grandit, gagne en maturité et fait parler son courage. Il prend la voix de Hannah, il dit et fait ce qu'elle aurait du dire ou faire.

Cette série n'a pas seulement pour but de nous divertir ou de nous faire pleurer. Elle veut vous toucher dans la vrai vie. Vous savez, celle où il y a réellement des enfants qui se suicident et qui sont harcelés au lycée ? Cette série vous supplie d'en parler, de ne pas laisser faire et de mieux prendre soin des autres. Prenez soin des autres et prenez le temps de dire un " Bonjour, ça va ?".

Parfois cela suffit à sauver une vie.