13 Reasons Why
6.4
13 Reasons Why

Série Netflix (2017)

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Saison 1


13 reasons why c’est cette série américaine au synopsis osé, inquiétant, douteux presque et qui pousse le spectateur à se demander ce qui l’a amené ici. Une adolescente dans la fleur de l’âge, Hannah Baker, met fin à ses jours et laisse derrière elle un coffret de cassettes audios sur lesquelles se trouvent enregistrés, à raison d’une par face de chaque cassette, treize motifs à son suicide. Treize motifs pour treize événements, treize histoires mais douze coupables, peut être douze apôtres, douze membres d’une liste qui doivent écouter selon la volonté d’Hannah les enregistrements. C’est donc un synopsis qui promet la mise en scène d’un suicide mais c’en est aussi un qui fixe un cadre aussi rassurement vieux que Grease : une High School américaine encore pleine de ses personnages stéréotypés (on retrouve le geek, le sportif, la Pom-Pom girl mais aussi l’homosexuel, la mère absente, la mère étouffante et peut-être simplement le jeune en perdition) et qui nous offre un personnage principal : Clay Jensen, véritable geek-en-perdition-handicapé-social-à-la-mère-étouffante-et-à-cheval(ou VTT)-sur-deux-mondes-:familial-et-scolaire, qui s’efforcera d’écouter les cassettes de la douce Hannah Baker qu’il aimait tendrement.


On peut être tenté de penser que le potentiel dramatique du suicide est ce qui tient la série. C’est en effet le désespoir du jeune Clay découvrant la vérité d’Hannah Baker qui fait le lien entre tous les épisodes et par là même ouvre la perspective d’une évolution psychologique au personnage. Tiraillé entre un besoin de culpabilisation, de responsabilisation et mu par une exigence morale, le personnage suscite l’empathie tant par sa qualité de jeune endeuillé que les circonstances obligent à trouver une ligne de conduite juste (doit-il dénoncer, réparer ce qu’il découvre ? Peut-il même le faire ?) que par son désespoir, son embarras et son malheur montrés à mon goût de manière redondante, pathétique et vite lassante. Dans un contexte de deuil, les émotions sont abordées de manière quantitative (des réactions différentes sont représentées) et qualitative. Il s’agit alors de montrer l’intensité des émotions mais il semble que celle-ci ne soit rendue à l’écran que par une répétition pesante, lourde, maladroite et qui pour ma part a détruit l’empathie et l’identification au(x) personnage(s). J’ai eu beaucoup de mal avec Clay : les scènes où ses parents échouent à l’interroger, où il essaie de chercher de l’aide auprès de Tony et où est soulignée son incapacité à rentrer en contact avec les autres se multiplient et m’ont paru lourdes et superflues.


Mais le suicide est aussi abordé de manière préventive. Il s’agit de prendre conscience que les actes et les paroles ont des conséquences. Le marivaudage est alors à bannir, une plaisanterie anodine découvre son retentissement sexiste, le harcèlement scolaire est fermement dénoncé et la série appelle à la vigilance envers autrui. Une high school en apparence innocente pourrait cacher des criminels. La jeunesse inconsciente doit se rendre responsable de ses actes. La parole est un acte et les actes ont en eux-mêmes une valeur effective. Ces actes ne marquent pas de la même manière chaque personne et la série s’attache aussi à représenter une société « comme une mosaïque » où chacun perçoit le monde selon sa perspective. On insiste alors à la fois sur la mise en place de cette perspective (à travers des éléments causaux) sur l’existence de celle-ci et sur la complexité des relations sociales sous-jacentes. Il faut alors pouvoir imaginer une perspective dépressive en l’autre et mesurer ses propos à son égard. C’est donc un réel discours sur la responsabilité qui habite la série. Elle est intentionnalisée et vise en son public une prise de conscience. Elle se présente alors comme humaniste et progressiste.


Mais la série est aussi la fourmilière de codes et de stéréotypes qu’elle a tiré du genre de séries dont elle est héritière. La série se veut en effet un héritage des fictions comme 90210 ou High school musical, dépeignant une jeunesse américaine relativement aisée. Une réelle société avec ses mœurs, ses usages, ses coutumes (le match de basket, le bal de fin d’année) est représenté comme un cadre traditionnel qui agit comme la condition d’une audience assurée et comme la conservation de codes fictionnels quasi mythologiques. La forme s’inspire de Skins : on retrouve ce format où chaque épisode s’attache particulièrement à un personnage (bien que cela soit moins rigoureux) ; le personnage de Tyler pourra rappeler Elephant de Gus Van Sant ; la fiction sur le suicide dans un milieux lycéen fait inévitablement penser à Virgin Suicides ; la place du drame, l’évolution comme un crescendo de la valeur des actes des ados semblent faire échos à La Vague (coucou les germanistes LV1). Enfin, la bande son est très inspirée : on écoute Joy Division, The Cure mais aussi Lost Under Heaven, Chromatics et Beach House. Elle contribue à créer une ambiance qui se fond au milieu décrit, elle agit comme la synthèse de plusieurs influences rassemblées autour d’une idée globale. On peut d’ailleurs bien parler de synthèse d’influences pour caractériser la série. J’ai retrouvé le même processus créatif que dans Stranger Things (autre série netflix), on reconnaît la production netflix et ça questionne beaucoup sur ce qu’est une série (un produit ? une œuvre ?).


La tradition n’empêche pas pour autant la modernité et on sent une volonté de progrès dans la manière d’aborder les « minorités ». Le quota de personnages noirs et de personnages homos est dépassé, on a même droit à un peu d’intersectionnalité, les clichés sexistes sont remis en cause (avec notamment l’épisode de la liste), les stéréotypes hérités des fictions que j’évoquais sont pondérés (les sportifs ne sont ni ces héros du lycée qu’on adule ni ces brutes insensibles qu’on peut parfois représenter) mais les personnages principaux restent normés (blancs hétérosexuels) et l’effort de progrès peut gêner. J’ai eu l’impression que la série abordait des « minorités » (je n‘ai pas le terme juste je m’en excuse…) plus pour montrer qu’elle était soucieuse de ces minorités, de leurs représentations et des clichés qui en découlent que pour représenter simplement la société comme elle est. Je trouve qu’il y a quelque chose d’extrêmement volontariste dans ce traitement de la minorité qui de ce fait tombe dans l’écueil de les considérer comme catégorie à part entière ; loin d’être normalisante la série devient, je trouve, stygmatisante. Je salue toutefois la bonne volonté et la résignation face au sexisme.


Enfin j’ai trouvé la réalisation très inégale. Parfois des scènes étonnantes (la scène où les mères de Clay et de Hannah s’entretiennent dans une salle de bain avec tout un jeu sur les miroirs m’a plu), des transitions surprenantes et de bons inserts de musiques mais un rythme général assez lents, un suspens qui peine à s’installer et des répétitions, des répétitions, des répétitions… L’idée de mettre en parallèle plusieurs chronologies est bonne, elles se floutent parfois ce qui est intéressant mais on se demande jusqu’où cela est maîtrisé. La fin m’a déçu : elle ne répond pas aux attentes du spectateur (qui avaient enfin été ménagées) et propose une deuxième saison à partir d’un événement qui, je trouve, fait tomber le principe de la série dans le sordide et le plaisir du drame. On finit malgré tout par s’attacher à certains personnages d’autres laissent indifférent, d’autres agacent. Le jeu d’acteur m’a paru aussi très inégal : j’ai aimé la performance de Katherine Langford ( Hannah Baker) mais j’ai eu un sérieux problème avec celles de Dylan Minnette (Clay Jensen) et Christian Navarro (Tony). Le suspens n’est pas régulier pas assez progressif ; les épisodes peuvent être très bons et parfois assez plats.


Pour conclure, la série : garde un statut de divertissement mais a un côté assez didactique ; peut être créative mais s’inspire trop ; reste traditionnelle mais veut progresser dans le traitement de ses personnages ; réfléchit sur l’impact des personnages et de leur catégorisation mais est incapable de les caractériser sans stéréotypes. Elle a du mal à se définir autrement que comme un produit qui vise une audience particulière (les adolescents), elle est trop intentionnalisée, trop fonctionnalisée. Elle manque de spontanéité, de naturel et d’authenticité mais elle tient un propos utile sur le sexisme, laisse apercevoir un potentiel artistique (dans le montage par exemple) et reste crédible comme teen drama. c'est donc un 5.

OursonDesPlaines
5

Créée

le 9 juil. 2017

Critique lue 404 fois

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