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Entre Archétypes et Clichés : American Horror Pitches

Difficile de reprocher aux créateurs de Nip/Tuck de ne pas être habité par une vision concernant cette singulière série, ni de ne pas maîtriser leur propos. Chaque saison offre une nouvelle occasion à nos larrons de prouver qu'ils maîtrisent les codes du genre horrifique, savent en manier les archétypes, en magnifier différentes facettes.
Dès le générique de chaque saison, annonçant avec brio le thème de celles-ci, le frisson est là, et les espoirs naissent, à tort ou à raison. Ces génériques font partie des plus belles réussites de ces dernières années, indéniablement!
Ajoutons à ça cette tendance à flirter avec les limites du montrable qui habite la série, cette volonté de brutaliser le spectateur à coups d'images choc, qui s'avère finalement bien plus à sa place ici que dans leur précédente série, et un générique tout bonnement hypnotique, envoûtant, représentant le thème de chaque saison à travers une imagerie léchée et magistralement maîtrisée, sur fond de musique et de dissonances sinistres installant d'office une ambiance épaisse, étouffante.
Et n'oublions pas le twist en terme de performance d'acteurs : à chaque saison, les rôles seront redistribués auprès des mêmes acteurs, pour souvent le meilleur et parfois pour le pire.


Bref, beaucoup de promesses, qui ne sont malheureusement qu'à moitié tenues, la faute à une narration qui se délite systématiquement à mi-saison, glisse parfois vers le grotesque, d'autres de l'archétype au cliché consommé, lorsque ce n'est pas simplement le Syndrôme du Soufflé, joufflu et apétissant le temps de quelques épisodes, avant de se dégonfler et de ne laisser qu'un océan de platitude peu ragoutant à déguster.
N'est pas conteur qui veut, et chaque saison nous le rappelle durement.



I. The Haunting - histoires de fantômes américains



Les deux premières saisons réussissent sans peine à nous emporter malgré leur perte de souffle à mi chemin.
La première nous fait goûter aux horreurs d'une maison hantée aux nombreux (peut-être trop) secrets disséminés au gré des épisodes, en réussissant à maintenir l'intérêt du spectateur malgré une perte de vitesse en deuxième moité de saison, sauvé par la performance de la fantastique Jessica Lange, qui réussira à chaque saison à tirer son épingle du jeu, voire à porter la série sur ses épaules.
Les situations sont sordides à souhait, les fantômes ont des backgrounds solides et les réalisateurs maîtrisent à l'évidence les codes esthétiques et cinématographiques du genre qu'ils explorent.



II Possession : Le Couvent Maudit



La seconde saison est probablement l'une des meilleures, voire la meilleure, malgré une dérive dans le dernier tiers vers un propos moralisateur et hypocrite qui m'a personnellement partiellement gaché le plaisir. Mais le nombre de scènes d'anthologie et le cadre, ce couvent reconverti en hopital psychiatrique, sur fond de possessions maléfiques, de perversions empruntées directement au cinéma d'exploitation, entre la Nunsploitation et le film de Prison Pour Femmes (genre très développé dans les bisserie italiennes), d'expériences malsaines par un docteur en chef ex Nazi (comme disait Warren Ellis, si l'antagoniste n'est pas nazi, ce n'est qu'une demi réussite!), ainsi que les performances notables de la plupart des acteurs et actrices (encore une fois, Jessica Lange s'impose avec une maestria qui force le respect) réussissent à compenser cette dérive narrative, que l'on sentait déjà à l'état de trace dans la première saison, cette incapacité à avancer dans une histoire, et à conclure.


Ce problème sera une véritable épine dans le pied de cette série, cet enfermement systématique dans une forme de fuite en avant, cette incapacité à dépasser le pitch de départ pour en faire une histoire, une vraie. La narration est peu maîtrisée et fragmentaire, les éléments sont introduits au fil de l'eau, évoquant tristement les heures sombre de Lost par exemple, qui invoquait un nouvel élément dès qu'ils étaient pris dans un cul de sac narratif.
Sans que ça aille jusque là, la maladresse est pourtant bien présente, et souvent gênante.



III Season of the Witch, Season of the Bitch : Mes sorcières malaimées



A la troisième saison, la moins bonne à mon goût, commencent à poindre les limites de ce jeu de chaises musicales au sein de l'équipe d'acteurs. Une fois encore, les acteurs et actrices ne sont pas à incriminer ici, ayant déjà prouvé dans la seconde saison qu'ils pouvaient faire oublier leurs personnages antérieurs pour retrouver un équilibre tout en souplesse, sans forcer la rupture de ton ni tomber dans la répétition.


Ce n'est par contre pas le cas des créateurs de la série, qui se sentent obligés, pour varier les plaisirs, de pousser les acteurs hors de leur zone de confort, au point qu'on se retrouve face à des choses qui puent l'erreur de casting, juste parce que ces créateurs se sont enfermés dans leur postulat de départ et veulent à tout prix prendre le spectateur à rebrousse poil. On a souvent l'impression qu'on nous hurle à la face "hé regardez comme c'est pas le même personnage que la saison précédente, c'est fou, non ? Hein ? Hé ! Regardez!! Hééééé!"


C'est d'autant plus flagrant dans cette troisième saison, car non contents de gâcher en partie les talents de leurs acteurs (qui encore une fois, s'en sortent magistralement, malgré la distribution des rôles faussée dès le départ), ils décident ici de s'approprier le mythe des sorcières dans une version faussement psychédélique qui sonne faux dès le départ, cruelle déception quand le générique promettait tant, de loin le meilleur de la série! Sorcellerie, Vaudou, démons dansant au Sabbat, sensualité moite, symbolisme occulte, que du bonheur!
Et pourtant, toute l'imagerie offerte en pâture aux fantasmes du spectateur se retrouve caricaturée par une volonté d'en faire trop, de rompre le ton de façon trop artificielle.
D'autant plus que, si les acteurs s'en sortent avec les honneurs, leurs personnages, eux, se vautrent dans des caricatures puant les erreurs d'écriture, et la volonté de ne pas en faire des personnages lisses, si elle n'est pas maîtrisée, se mue en machine à créer des connards/connasses. Le nombre de personnages auxquels on s'attache se compte sur les doigts d'un lepreux guitariste en fin de carrière, ce qui nous fait survoler la saison avec indifférence et agacement.


Cette potentielle qualité promise par les thèmes abordés et le générique magistral restera donc conjuguée au conditionnel jusqu'au bout de cette saison, certains épisodes ayant carrément des relents nauséeux de Grey's Anatomy dans le coté larmoyant, et ces scènes ont beau être compensées par des scènes assez bourrines, ça ne change pas grand chose.
Le naufrage ne sera en rien sauvé.



IV Carnival of Freaks : le De Palma Show



La quatrième saison offre des choses intéressantes, tant en terme de setting que de personnages, et l'ambiance crasseuse évoque frontalement l'excellente série Carnival et le légendaire Freaks. Le pilote en fiche plein la vue, la présence d'une siamoise permettant de multiplier les clins d'oeil à De Palma avec des montages en Split Screen particulièrement judicieux.


Car si l'on ne peut pas retirer à la série une qualité, c'est sa danse formaliste, sa capacité à produire de belles images, à composer des cadres, en dansant parfois dangereusement avec le cliché "clipesque", mais réussissant à sauver les meubles la plupart du temps.


Fatigué, je m'étais arrêté à cette saison sans pousser jusqu'au bout, car encore une fois, le désintérêt et la méchanceté crasse de certains personnages avait fini par me gâcher le plaisir.


Après avoir zappé la cinquième saison et son hotel pourtant magnifique, mais ayant trouvé indigeste la galerie de personnages dès les premiers épisode, la sixième saison a néanmoins relancé mon intérêt.



V Shining : L'hotel et ses Vampires



Un retour sur la saison, et un gros effort d'indulgence quant au défaut désormais récurrent de la série : ses personnages antipathiques, m'auront permis de trouver dans ce mariage entre fantômes, vampires, tueurs en série, dans un hotel centenaire éclairé par des néons sur fond de new wave sombre (l'OST est souvent là pour poser l'ambiance) et de défonce très post 80's un intérêt qui m'avait échappé à la première tentative.
Lady Gaga en vampire égocentrique et mystérieuse assure parfaitement le job, et le contexte de l'hotel surdimensionné, avec une histoire par chambre, malgré le coté partouze thématique, réussit à créer quelque chose de, sinon cohérent, au moins séduisant à terme.
Mention spéciale cette fois à un autre acteur récurrent de la série (et dont j'ai oublié le nom) qui assure l'accueil de l'hotel en robe chatoyante et maquillage outrancier, véritable diva parfaitement assumée.


Donc de bonnes choses, mais une saison juste correcte.



VI : Paranormal Holocaust : entre reality show et found footage



Après avoir exploré différentes facettes du film d'horreur, nombre de ses thèmes, nos compères décident d'attaquer cette fois un pan du film d'horreur défini par son approche formelle : le found footage.
Tirant des leçons du mythe fondateur, Cannibal Holocaust, la saison est séparée en 2 arcs narratifs.
Une première partie est abordée comme un pseudo documentaire dont les déclinaisons sont légion sur la télé US, avec une histoire sous forme de témoignage face caméra, qui alternent avec des reconstitutions assurées par des acteurs. Ca rappellera avec émotion aux plus vieux les grands moments de l'émission Mystères présentée par Jacques Pradel.
Relecture de la maison hantée en s'inspirant à la fois des coups d'éclats de James Wan avec ses excellents Conjuring, tout en intégrant un jeu d'histoire entremêlées mariant serial killers, rednecks en folie, colonisateurs perdus et maudits, poussant jusqu'aux racines paiennes du territoire sur laquelle la maison est construite.
Jouant la carte du "meta" dans la redistribution des rôles, une partie du cast jouant les témoins interviewés, l'autre jouant des acteurs rejouant les segments de témoignages jusqu'à ce que les limites entre les deux se brouillent, cette saison, forte de l'expérience sur le long terme des créateurs, et non plus consacrée à un genre spécifique, mais à l'horreur au sens large en injectant les thèmes récurrents de la série, cette saison est en train de me réconcilier avec la série.


On bascule donc ensuite sur la 2nde moitié de saison, un found footage presque dans les règles de l'art, où le producteur véreux (et ô surprise, antipathique) de l'émission décide d'organiser un retour à la maison maudite, avec les personnages originaux et les acteurs qui les ont incarnés, avec des caméras dans tous les coins.
Ce connard prépare des jump scares dans tous les coins, mais les artifices seront bien évidemment vite rattrapés par la sordide réalité.


Un excellent rebond pour une série qui s'était à mes yeux essoufflée, et qui réussit à rappeler que malgré leurs défauts, les créateurs de la série ont un réel amour pour le genre.
L'influence de Cannibal Holocaust se fait sentir tant sur le plan formel que dans les dérives gore et les élans de cruauté, après une précédente saison finalement assez soft, compte tenu des thèmes abordés.


Malgré la dose d'indulgence nécessaire quant aux facilités d'écriture qui noyautent chaque saison, le ridicule de certains personnages et le coté parfois forcé du gimmick de départ (la chaise tournante des acteurs d'une saison à l'autre), chaque chapitre de cette série a son truc à lui.
Les saisons sont inégales, mais ça vaut le coup de redonner sa chance à la série, le temps de quelques épisodes à chacune d'entre elle, car on n'est pas à l'abri d'une bonne surprise.

toma Uberwenig

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