Apparitions par Gaby Aisthé

Pour le réveillon du nouvel an, il y a plusieurs d'options pour la plupart des gens. Paisible diner en famille ou en amoureux, restaurant ou tournée des bars jusqu'au grand moment du bizouillage nocturne.
Cette année, très peu pour moi.
J'ai donc laissés les amis et la famille guindailler de leurs côtés pour me retrouver tranquillement devant cette mini série sur des exorcismes et des possessions.

Au départ, j'admet avoir choisit cette série par dépit. Les histoires d'exorcismes cela peut être très bien, mais cela peut également être nul, il faut être honnête. Le danger de sombrer dans le grandiloquent, dans le prêchi-prêcha et le ridicule est grand lorsque l'on aborde ce genre de thème.

Mais au final, j'ai absolument dévoré cette série et me suis presque trouvée en état de manque à la fin du sixième épisode. Oui, j'étais devenu accrocs et j'en voulais plus.

Avant de commencer, je dois préciser que je suis agnostique (non pas athée mais sans croyance particulière) et que je me considère comme quelqu'un d'assez compréhensif et ouvert.
Je n'ai donc pas regardé cette série avec les yeux d'une croyante convaincue, mais plutôt avec ceux de la curiosité.

Et de fait, ma curiosité a été piquée et mon neurone stimulé.
Car si la série part du postulat que les possessions existent et que les exorcismes sont justifiés, les personnages n'en sont pas tous convaincus et leurs réactions donnent à réfléchir sur la religion et notre société.

Il me semble qu'avant de pratiquer un exorcisme (ceci dit il faudrait que j'étudie le sujet, je n'y connais pas grand chose) les personnes "possédées" doivent d'abord passer devant un médecin et un psychiatre.
Car de nos jours (comme dans le passé me direz vous), les gens peuvent avoir des réactions étranges. Nombreux sont les cas de névroses ou de psychoses graves qui peuvent faire peur lorsque le patient ne reçoit pas de traitement adéquat. Lorsque certains disent "untel est fou", on pourrait facilement penser "untel est possédé". Mais il peut l'être par ses propres démons, par sa maladie, et non pas par Satan.

Et de fait, le sujet est traité. Car quand quelque chose cloche dans une famille ou dans notre vie, de nos jours, nous n'allons pas voir notre curé... Et la religion ne fait plus forcément partit des premiers secours en cas de crise. Attention, loin de moi l'idée de dire que c'est une mauvaise chose.
Mais à force de médecin, de psychiatrie et de lois, on en oubli parfois l'aspect émotionnel et spirituel de la situation.
La psychologue athée envoyée pour le Père Jacob en est d'ailleurs l'exemple le plus parlant. Notre société s'est tellement athéisé que tout ce qui sort un peu des sentiers battu est folie. À ce propos, la remarque que lui fait le Jacob "vous devriez parler à quelqu'un de votre refus catégorique de la foi" est un clin d'oeil plutôt appréciable. Car en imposant ses dogmes et sa vision de la normalité, la psy passe au travers de bien des choses, même lorsqu'elle est face à l'évidence. Et si le père Jacob avait bel et bien été malade, elle aurait été la dernière à pouvoir l'aider.

Dans les deux premiers épisodes, on a envie de faire remarquer au Père Jacob qu'il ferait mieux de se mêler de ses oignons. Ce que tout le monde fait d'ailleurs.
Mais sa ténacité et sa foi, si elles sont invasives et paraissent disproportionnées, ne le transforment pas pour autant en gourou extrémiste. Et c'est ce qui le rend attachant (bien plus que le fait qu'il combatte Satan lol)

Car un prêtre à beau avoir sa foi et ses croyances, il doit être capable de comprendre que tout le monde ne les partage pas, ou que certains peuvent douter. Comprendre l'autre pour mieux l'aider sans le juger... Malheureusement, ce n'est pas la réputation de la plupart des religieux (tout comme ce n'est pas l'apanage de tous les médecins et psy).
Mais c'est ce que fait le Père Jacob. En distillant discrètement ses conseils conjugaux au couple des deux premiers épisodes ou en priant (sans les condamner) pour les femmes dans la détresse dans celui de la clinique d'avortement.

Et d'un autre côté son personnage et la série montrent bien le danger des gens trop sûr d'eux, notamment dans l'Eglise. Car si le pauvre Vimal n'avait pas été viré du séminaire pour une raison si futile, quel aurait été son destin ? Lui qui était si plein de foi est renvoyé pour son homosexualité alors que la foi de bien des prêtres ne supporterait peut être pas la moindre épreuve...

Sans taper trop fortement sur le Vatican et l'Eglise, la série pointe du doigt certains de ses défauts et cela ne lui en donne que plus de crédibilité et de mérite (et cela aurait dût la pousser vers une deuxième saison bon sang ! Il y avait tellement à creuser !)

Plus qu'une série sur l'exorcisme et la possession, Apparition est une série sur le Bien et le Mal, sur notre manière de nous confronter à eux, sur nos réactions face aux bonnes et aux mauvaises choses, ainsi que sur ce qui nous pousse à agir.
Car je l'ai entendu plusieurs fois ce refrain : Si Dieu existait, il n'y aurait pas tant de malheur dans le monde, les tueries du XXème siècle n'aurait pas eu lieu, les enfants ne souffrirait pas etc.
Comment en effet, concilier l'existence d'un Dieu Bon et ces horreurs ?
De fait, la série apporte matière à réflexion sur le sujet, que ce soit avec le chef exorciste, ou le pauvre Michael poursuivit par son passé.

Bien entendu, la série n'est pas parfaite. Certains détails mériteraient d'être davantage explorés (pourquoi l'enquêtrice ´intervient elle pas davantage ? Ou l'aumonier de la prison), certaines problématiques pourrait être creusées davantage (comme les petites manigances en haut lieux ou les travers et bienfaits de la religion).
Mais Ces 6 épisodes d'Apparitions constituent une base solide et très plaisante à regarder. Le charisme de Martin Shaw et la pluralité des sujets abordés y sont très certainement pour quelque chose.
Une très bon e petite série donc, qui aurait mérité une suite afin de pouvoir s'épanouir dignement.