Atlanta
7.9
Atlanta

Série FX (2016)

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Saison 1


Atlanta conte l’histoire d’Earn, trentenaire, ancien DJ au chômage, père d’une petite fille, plus ou moins séparé de sa petite amie chez qui il squatte, oublié par ses parents. Lorsqu’il apprend qu’un cousin obtient la popularité grâce à l’un de ses titres de rap balancé sur le net, il lui propose de devenir son manager. Parce qu’en un sens, malgré les désillusions éternelles, le rêve américain, lui, existera toujours.


 Si je suis moins enthousiaste que l’avis général je trouve que c’est une série tout à fait pertinente, sur la condition afro-américaine dans l’Amérique pré Donald Trump, plus poussée qu’un Moonlight par exemple tant ça ne vise pas seulement à aborder son espace sous le seul angle de la sexualité. On a là quelque chose de plus instinctif que le film de Barry Jenkins, qui me parait un peu trop exister pour caresser le bourgeois blanc. Ici l’approche est plus complexe, on nage davantage dans le registre du « Comment fait-on pour exister aujourd’hui, dans une ville comme Atlanta, quand on est noir et qu’on n’a pas une thune ? » en appuyant principalement sur la notion de racisme ordinaire. Il me semble que là-dessus, aussi bien via ses trois personnages phares, que par son couple de parents, la série raconte quelque chose de fondamental, toujours à la lisière du comique et de l’absurde sans jamais renier sa noirceur profonde.
Les épisodes sont un peu inégaux, mais l’ensemble trouve une dynamique propre oscillant merveilleusement entre le rire et le malaise, avec des idées assez géniales (La voiture invisible !) à de nombreuses reprises – Et du point de vue de la mise en scène, absolument rien à dire, c’est remarquable. Il y a une vraie attention aux lieux que l’on filme. Aux gens aussi. Je vais être plus sceptique quand les épisodes s’enfoncent complètement dans l’absurde à l’image de celui du faux talk-show entrecoupé de fausses coupures pub. Il manque une vraie homogénéité qui mettrait chaque épisode en relation. Heureusement, le dernier effacerait presque toutes les réserves tant il est parfait, puissant, sorte de voyage hypnotique aux crochets de Earn cherchant sa veste, dans la boite de nuit où il s’est murgé la veille avant de contacter l’Uber qui l’a ramené, entrant bientôt en collision avec une violence aussi brutale que banalisée (Qui fait écho à l’homme tabassé au commissariat en début de saison) avant de se resserrer sur ce couple de parents magnifique mais séparé, puis sur lui, seul, s’allongeant dans son garde-meubles.
Comme je ne connais pas Community, Atlanta m’aura permis de faire la rencontre de Donald Glover qui m’était quasi inconnu (Une apparition dans Girls, une autre dans Seul sur Mars) le garçon étant principalement connu sur la scène rap sous le pseudonyme Childish Gambino. Prototype du mec cool, autant qu’Earn, le personnage qu’il s’est octroyé, est immédiatement attachant. Je pense que c’est un grand mélancolique, rien d’étonnant en ce sens à le voir ancrer son bébé sériel à Atlanta, la ville de son enfance. Glover est parti dans l’idée de créer dix épisodes sans compromis, jusqu’à revendiquer préférer voir son show annulé plutôt que de ne pas le raconter ainsi. De cette vision un brin sarcastique, l’auteur parvient justement à trouver sa voie, son public et la critique (Jusqu’à être sacré aux récents golden globes) en restant lui-même, en ne se fourvoyant à aucun moment.

Saison 2


Malgré sa razzia de récompenses un peu partout aux Etats-Unis dans les cérémonies dédiées, la saison 1 n’aura pas enfantée mécaniquement et rapidement d’une saison 2. Il y a dix-huit mois d’écart entre la diffusion du premier épisode de l’un et du premier épisode de l’autre. On se croirait dans notre système de production. Blague à part, ce sentiment d’indépendance me rend la série et Donald Glover, son créateur, encore plus sympathique qu’ils me le sont déjà. Alors je ne connais pas l’histoire, donc si ça se trouve cette durée est la conséquence d’une contrainte, ou c’est simplement parce que Glover devait aussi jouer Lando au cinéma pour Han Solo, qu’importe j’ai envie de croire que c’est un choix délibéré. Comme celui d’offrir cette fois onze épisodes et non dix ou bien cette durée très variée (Entre 20min et 35min) d’un épisode à l’autre.


 Si j’avais quelques réserves sur la première saison, surtout d’un point de vue cohérence d’un épisode à l’autre, aussi bien dans la dramaturgie que la dose d’ironie – On oscillait trop entre le sous-régime et le surrégime – je suis cette fois entièrement conquis, de bout en bout. La série ne n’est pas assagie, loin de là, mais elle a su trouver un équilibre dans sa folie, un équilibre aussi jubilatoire qu’exemplaire (C’est drôle, raffiné, intelligent et ça rapporte tellement de l’Amérique de Trump, l’air de rien) que l’on suive les trois compères dans leurs galères de plus en plus galère ou bien qu’ils soient séparés comme ici Darius, en déménagement de piano dans un manoir victorien, chez un dingue errant et dégustant des œufs d’autruche (joué par un Donald Glover grimé en whiteface flippante et au timbre de voix aigu hyper angoissant), Alfred en mission coiffure pour son clip avant que ça ne vire au survival dans les bois ou Earn accompagnant Van dans un festival allemand très chelou dans une ambiance qui évoque un peu Get Out. On a aussi le droit à un flashback sur Earn et Alfred adolescents ou à un savoureux rendez-vous dans une start-up musicale très blanche. Bref c’est varié et passionnant, pour ne pas dire absolument génial. J’en veux encore !
JanosValuska
6
Écrit par

Créée

le 21 janv. 2023

Modifiée

le 15 avr. 2017

Critique lue 1.4K fois

4 j'aime

JanosValuska

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