Banshee
7.1
Banshee

Série Cinemax (2013)

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Banshee, Saison 1.


Je me suis enfin mis à Banshee et je ne regrette pas. Je suis resté sceptique le temps du pilote. Sentiment mêlé de C’est cool mais bien bourrin, quand même. Puis je l’ai accepté très vite : Sa démesure, sa stylisation outrancière, son extrême violence, son univers hypersexué, ses enjeux en apparence bas du front. En gros, si ça ne se bat pas ça baise. Ou l’inverse. Ou les deux. Le combat pour la forme entre Hood et Proctor (archi attendu, depuis le temps) est l’un des trucs les plus gay (badass) friendly que j’ai pu voir. Sauf que Banshee a du coffre. Un grand coffre plein de trouvailles, de folies et de profondeur.


 De quoi ça parle ? En gros, un type sort de prison, file vers une petite ville de Pennsylvanie située en plein territoire Amish et prend l’identité du futur sheriff local qui s’est fait buter. Ce sera Lucas Hood. Un voyou dans un uniforme de flic. Prêt à faire régner l’ordre à sa manière puisqu’il va le découvrir, Banshee, aussi paumée soit-elle, renferme les truands les plus barges de la Terre. Il va y croiser des fous mais aussi (c’est le pourquoi de sa présence) Anastasia, son amour d’antan, son binôme de quatre-cents coups, qui depuis quinze ans, s’est fabriquée une nouvelle vie.
Je suis à ce titre souvent touché par la teneur tragique qui alimente chaque épisode. Disons que ça pourrait juste être de la série B bien troussée, bien grasse mais ce qui se dessine à mesure entre les personnages, notamment entre Hood et Anastasia (la fin de l’épisode 7 est sublime) voire entre Proctor et sa famille, Anastasia et sa nouvelle famille rend le truc plus fort qu’il n’y parait.
Chaque épisode contient donc une énergie qui lui est propre, son morceau de bravoure et son pouvoir de jubilation. L’épisode du boxeur m’a scié. Un déclencheur, un vrai. Celui de l’albinos m’a comblé. Sans parler de l’interminable combat entre Olek et Anastasia – quoiqu’un poil moins puissant, souffrant d’un montage parallèle assez médiocre – ni de l’incroyable fusillade finale. En terme de mise en scène c’est certes parfois confus et grossier, mais c’est justement ce côté gras et rageur que j’aime bien, ça va au bout de son délire voire de son mauvais goût. Quelque part je lui donne le même crédit que pour un Mad Max, Fury road.
Au départ, les personnages sont assez caricaturaux au premier abord : Le gentil bad guy, les filles qu’en ont, le méchant bien méchant ; Mais si l’on creuse sous le vernis, au-delà du fait que je trouve cela purement jouissif et expérimental dans son approche de la violence, il y a aussi des choses terribles qui se jouent (sur le couple, sur les traces du passé, sur l’impossibilité de s’extirper de la spirale du mal) et d’ailleurs on pourrait dire que c’est le maître mot de la série, de creuser : On y creuse le passé, la chair, les miettes d’une passion dévorée par le mal familial, on y creuse même littéralement dans la scène finale de la saison une, pour revenir aux origines du cas Lucas Hood.
Il y a encore une multitude de zones d’ombre, dans la mesure où le récit s’épaissit d’épisode en épisode, n’hésitant ni à user de flashback en tout genre, ni à changer de point de vue, ni à alimenter la sauce au moyen de nouveaux personnages, qui peuvent très bien prendre de la place ou se faire dégager aussi vite qu’ils ont débarqués. Il n’y a pas de règle. Enfin une seule : Chacun d’entre eux est extrêmement bien travaillé et quand c’est le cas, fascinants d’opacité et de violence contenue.
Pour le moment je ne vois aucune vraie fausse note, dans le sens où si un truc me dérange il est chaque fois compensé par deux trucs géniaux. J’ai rarement vu un show aussi beau et sale à la fois. Il y a un tel engagement dans chaque épisode, que je me dis toujours que je ne verrai pas mieux ensuite ou que ça va finir par me saouler. Mais à tous les coups, non, je suis fou jusqu’au générique final. Bref, je trouve ça dément. Je jubile. C’est le défouloir dont j’avais besoin ces temps-ci. Enfin une série B généreuse, vraiment généreuse et passionnante à tous les niveaux. Et des comme ça, perso, j’en ai pas vu beaucoup.

Banshee, Saison 2.


Comme je le redoutais, la magie s’est un peu envolée. J’aime toujours beaucoup mais si je retrouve toujours ce grain de folie inhérent à chaque épisode, je n’ai plus la surprise de ce grain de folie. Autrement dit, la saison d’ouverture avait mis la barre si haute qu’on a cette impression que la série s’est dorénavant installée dans une routine, certes de luxe, mais qui provoque moins la sidération. Il me semble, par exemple, ne plus avoir d’épisode sans logique narrative, uniquement rythmé par le goût du sang et du sexe. C’est peut-être le cas avant, je ne suis plus très sur, toujours est-il que je ressens davantage la fabrication, l’aiguillage que prendra l’épisode suivant sitôt le précédent terminé.


 La série se lâche aussi probablement trop au niveau formel. Ses tics plastiques ont toujours fait partie du show, depuis le pilote, mais ils me semblaient toujours sur la corde, toujours à jouer sur deux séquences qui chaque fois s’annulaient pour éviter la surcharge. Entendons nous bien, cette esthétique grasse fait partie de Banshee, j’aurais même tendance à dire qu’elle est sa signature, donc en soi je ne lui reproche rien, simplement je me sens moins plongé dans un pur état d’extase. Je me rends compte d’une chose : Une autre série avait produit sur moi un effet similaire, c’était Trueblood, l’autre création d’Alan Ball – que j’avais stoppé, agacé, en cours de saison trois, tandis que j’adorais littéralement le début. Certes il est encore tôt pour s’inquiéter car je le répète, Banshee me comble toujours très largement, mais les premières craintes apparaissent c’est un fait. Affaire à suivre, donc.
Au-delà de ces maigres griefs – relativement engloutis par un épisode final colossal – j’en profite pour signaler des partis pris que je trouve absolument dantesque. Il y a d’une part un épisode parenthèse magnifique (2.05) à la fois simple dans son déroulé autant qu’il peut être un monstre de montage sur trois niveaux. Ce qui se joue continuellement entre Anastasia et Hood restera pour moi le gros point fort de la série, sans doute parce que c’est une histoire maudite, une relation sacrifiée par le temps. C’est peut-être la plus belle réussite de la série que d’avoir créé quelque chose d’aussi terrible au sein d’un tel foutoir. L’épisode dix, beaucoup plus démesuré (Un carnage d’une heure, purement et simplement) accentue une nouvelle fois son tragique sous-jacent : Les préparatifs, la fusillade dans l’église, le retour à Banshee. Le passé et le présent se chevauchent. L’un est brisé, l’autre est en marche. C’est de la survie et rien d’autre.
A cela s’ajoutent ces merveilles de personnages secondaires que sont Job et Kaï Proctor. L’humour extravagant de l’un face à la violence contenue de l’autre. Je ne m’en lasse pas. Et tant d’autres : La cool-attitude de Sugar, l’extrême noirceur de Rabbit, le mystérieux Alex Longshadow, l’homme de main super froid de Proctor, le trop docile Emmett, Jason qui fait pschitt sans parler de ceux que l’on voit peu : Chayton semble bien prometteur. Des gueules et de la classe. Tarantino doit aimer ça. Et puis Banshee ne serait définitivement pas grand chose sans ses personnages féminins : Siobhan, Rebecca, Nola. Avec Anastasia, on tient là, aisément, les quatre nanas les plus badass toute série confondue.

Banshee, Saison 3.


Me voilà donc à jour, prêt à en découdre avec une quatrième et dernière saison qui s’annonce phénoménale. Je vais me répéter mais c’est un superbe troisième opus, à la fois dans ce qu’il continue de construire de tragique, éreintant (on a vraiment la sensation de voir apparaître les fêlures sur chaque visage) et irrémédiable que dans sa générosité d’action proprement hallucinante qu’il s’agisse ici d’un casse vertigineux (s’étirant sur une moitié d’épisode non-stop) ou d’une baston bien grasse dont seul Banshee a le secret (Je veux bien entendu parlé de celle, mémorable, entre Nola et Burton) ou d’un huis clos de taré dans un commissariat pris d’assaut ou de ce jeu de chat engagé entre Chayton et les autres, essentiellement Hood, qui plus que jamais voudrait quitter Banshee mais en est empêché, à la fois par les évènements, mais aussi par une force abstraite qu’il ne maitrise pas et le rend de plus en plus vulnérable. Autant qu’immortel. C’est tout le paradoxe génial de cette saison hors norme, dont on ne serait finalement pas surpris de voir crever tout le monde – L’épisode final, une fois de plus, est une merveille de violence absolue et de construction croisée (Trois règlements de compte en un). Chayton, lui, balance tous les anciens méchants dans les cordes, au moins en tant que boule de rage et de haine sans but précis, au point de palier à l’absence de Rabit. D’autant qu’il est merveilleusement relayé ici par de nombreuses storylines qui se rejoignent, jusque dans un groupe militaire qui en tient aussi une bonne couche. La saison collectionne les morceaux de bravoure et les glissements imprévisibles à l’image de cette fin d’épisode 5 d’une violence terrible, parachevant un climat des plus anxiogènes, qui m’a laissé sur le carreau. La suite !


Banshee, Saison 4.


N’y allons pas par quatre chemins, je suis déçu. La promesse d’un final fou s’est progressivement délitée en n’offrant qu’une succession de séquences attendues, comme si la série n’avait plus rien à offrir sinon se contenter de fermer ses arcs narratifs. Cette ultime saison avait pourtant démarré sous les meilleurs auspices en déployant le récit deux années après les évènements de la fin de saison précédente. Deux ans de deuil pour Carrie, d’errance en ermite pour Hood qui tentait lui aussi de faire son deuil de Siobhan, de disparition pour Job. Mieux, la saison s’ouvrait quelques temps après l’assassinat de Rebecca, la nièce de Proctor. La mort d’un personnage important hors champ, donc. Super idée qui permet une fois de plus à Banshee de nous promener sur plusieurs temporalités. On sait de toute façon que le Banshee du présent est une ville fantôme, qui panse ses plaies, qui ne vit que dans une somme d’affrontements entre les pires crapules de la Terre réunis dans un purgatoire à ciel ouvert. Le premier épisode démarre donc sur les chapeaux de roue. Puis plus rien ou presque. Du Banshee classique, en roue libre. Avec un collectif nazi sans surprise, des kidnappeurs bidon, un serial killer sans intérêt, un nouveau personnage de femme flic mais transparente. Le dernier épisode ferme bien la boucle, avec ses rebondissements bourrins et ses moments d’émotions (sublime adieu Ana/Hood) mais le cœur n’y était plus vraiment.

JanosValuska
6
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le 23 déc. 2015

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3 j'aime

JanosValuska

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