Berserk
7.7
Berserk

Anime (mangas) NTV (1997)

Voir la série

Dans un monde médiéval réinventé, nous suivons les aventures initiatiques d’un héros, Guts, s’interrogeant sur le sens de ses actes. Pourquoi aime-t-il pourfendre de sa grande épée la chair molle et les protections (en plastique ?) des soldats faisant la queue devant lui pour jouir de douleur ?


L’homosexualité et l’amour de la pénétration ne sont pas seulement latents ici, mais exhibés avec force. On arbore son arme avec amour, on répète inlassablement et on souhaiterait qu’elle soit la plus grande de toute, évidemment, et la plus grosse. Jamais au repos, même lorsque le héros se détend, elle est dressée, appuyée contre le bas du ventre, immensément phallique, prête à décharger. Le sang s’éjacule en fort geyser du corps de nos ennemis. On se regarde droit dans les yeux, sourire aux lèvres, l’arme en main, le corps en transpiration, en transperçant l’autre tandis qu’on est soi-même transpercé. On éprouve beaucoup de douleur tout en aimant avec délectation cette interpénétration.


La caméra glisse lentement le long des corps hyper-musclés, hypertrophiés, desquels les veines sont prêtes à exploser. On joue à se mouiller, à s’envoyer des jets d’eau au visage. Les corps, tous masculins principalement, se déplacent très souvent torse nu. Seule exception, Casca, qui à la lourde charge d'être presque le seul personnage féminin, et fait tourner toutes les têtes, y compris celle de l'auteur (Kentaro Miura). Elle se verra souvent déshabillée, nue et victime de tentative de viol. Sous prétexte d'exprimer la pénibilité d'être femme dans un monde de soldats mâles dans un pseudo Moyen-Âge, on peut se demander si le créateur, masculin, ne développe pas ici des fantasmes douteux et une certaine complaisance à maltraiter Casca, au corps opulent.


Côté technique, l’animation est lente, parfois un peu vieillotte. Le montage se traîne avec langueur. Les plans immobiles durent, souvent commentés en voix-off par les pensées des protagonistes, pour dynamiser l’image, et permettre aux spectateurs de s’immerger progressivement dans la série.


Il faut aimer cette imagerie pour se lancer dans l’histoire. À côté de ce contenu typique d’une certaine production fantastico-médiévale d’érotisation du corps mâle, certes ici fort explicite, il y a heureusement autre chose à se mettre sous la dent, un récit plongeant au cœur de la dynamique de choix individuels et du destin.


Au-delà des combats, qui finissent par lasser par leur redondance, les plus beaux moments du film nous livrent des moments de réflexion existentielle, accompagnés d’une musique poétique et envoutante, à travers les questions que se posent ces soldats du quotidien : dans la vie, pour qui est-ce que je me bats ? Pourquoi et pour quoi ? Qu’est-ce qui me pousse à avancer, à me lever le matin, à mettre un pied devant l'autre et, ici, à prendre mon épée pour tuer des gens ? Est-ce que je survis simplement, errant sans buts définis, est-ce que je me bats pour une cause plus grande que moi, des valeurs, ou est-ce que je me bats pour moi-même, cherchant mon propre plaisir, en assouvissant mon ambition, écrasant tout ce qui entrave mon chemin. Qu’est-ce qui me fait rêver ?


Guts semble se poser beaucoup de questions, tout en voulant éviter de penser trop. Il tue pour ne pas se confronter au vide de l'existence. D’un personnage grognon, agressif, gueulant sur ses hommes, il va fort évoluer pour s’humaniser, en grandissant autour de son amour-haine passionnel pour Griffith, qui restera un beau et froid mystère bleu jusqu’au bout. Celui-ci, charismatique, possède une ambition démesurée, remue des foules pour se joindre à lui, à son rêve grandiose. Il est prêt à tous les sacrifices, à vendre son âme (et son corps) pour l’atteindre, et à tuer tous ceux qui s’opposeront à lui. Parce qu'à quoi bon vivre, si l'on ne se bat pas pour son rêve ?


Griffith n’accepte pas d’être un nobody, un soldat inconnu, survivant simplement parce qu'il est né sur terre avant d’y mourir. Mais jusqu’où est-il prêt à aller pour atteindre ses rêves ? Combien d’hommes, avec leurs rêves, est-il prêt à tuer ? Est-ce ainsi qu'il tirera le meilleur de sa vie, qu'il trouvera du sens ? Et une fois arrivé au sommet, trouvera-t-il le bonheur ? Pourquoi ne s’être pas contenté d’une vie simple, au final ? Aurait-il été plus heureux ? Est-ce par choix personnel qu'il s'exalte ainsi ou est-ce son destin individuel, écrit d'avance ?


Telles sont les nombreuses interrogations tournant autour de cette série, qui dévoile sa belle âme lors de scènes où l’humanité des personnages déborde, en particulier ce triangle amoureux (Guts, Griffith, Casca) baignant dans le non-dit, l'envie et la sexualité, n’en pouvant plus de pleurer leur haine et leur amour.

Cambroa
8
Écrit par

Créée

le 30 mai 2020

Critique lue 556 fois

Cambroa

Écrit par

Critique lue 556 fois

D'autres avis sur Berserk

Berserk
Chnapy
9

"The true nature of man and the devil is here and now."

Dès lors que l'on s'intéresse un minimum aux mangas et à l'animation japonaise, Berserk devient un passage incontournable. Réputé pour son manga, critiqué pour ses adaptations animées, du moins les...

le 20 juil. 2017

22 j'aime

1

Berserk
griffithred
10

Une référence de l'animation japonaise et de l'héroic fantasy

Quoi ! Pas encore de critiques sur Berserk, l'animé ? Autant le dire tout de suite on est face à un indispensable de l'animation japonaise et de l'heroic fantasy. -> Mais avant la critique, place à...

le 31 août 2010

20 j'aime

3

Berserk
Enemia
8

Poignant par sa maturité

Tout d'abord, je précise que je n'ai jamais lu le manga, qui a la réputation d'être un pilier du seinen dark fantasy. L'anime Berserk, c'est l'ascension progressive d'un bel androgyne nommé Griffith,...

le 3 sept. 2012

10 j'aime

12

Du même critique

It's A Sin
Cambroa
8

"It was so much fun", c'est ce que les gens oublient

It's A Sin nous embarque dans l'Angleterre des années 80, ravagées par le sida, l'homophobie et la politique de droite de Thatcher. Des jeunes arrivent à Londres, prêts à profiter des joies de la...

le 20 mars 2021

37 j'aime

1

Hamilton
Cambroa
9

Ce rêve bleu, un nouveau monde en couleurs

C'est une captation vidéo d'un spectacle vivant comme je n'en ai jamais vue. Dès les premières secondes, nous sommes happés par l'énergie insensée des comédiens et le rythme tournoyant d'Hamilton...

le 2 août 2020

17 j'aime

Au pan coupé
Cambroa
9

Pourquoi vivre ?

Et comment vivre ? Jean ne le sait pas. Il aime Jeanne, enfin le pense-t-il, et Jeanne l'aime en retour. Il se pose beaucoup de questions. C'est un jeune, dans les années 60, mais cela pourrait être...

le 31 janv. 2021

8 j'aime