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Moi qui hais la télévision par-dessus tout, moi qui ne parviens jamais à persuader mon entourage de l'affront qu'il évoque envers moi lorsqu'il allume la télévision en ma présence, moi qui ne l'ai plus regardée hormis pour certaines chaînes, occasionnellement, comme Arte ou le Zapping de Canal+ : "Black Mirror" est une série faite pour moi.
J'étais déjà intéressé par le cas Charlie Brooker & son intriguant "Dead Set" ; il me subjugue ici grâce à sa satire sans scrupule de cet outil de dévergondage exécrable qu'est la télévision. A travers trois courtes histoires d'une heure à peine, il parvient à détruire non seulement les supposées vertus du petit écran, mais il s'attaque aussi à l'inévitable invasion des technologies actuelles, dont l'utilité est inexistante (Facebook, Youtube entre autres, qui transforment les gens en obsessionnels compulsifs).
Entre coup d'état, dystopie & utopie inversée, Brooker anticipe les plausibles dangers que pourrait entraîner à l'avenir l'expansion trop importante de l'écran chez l'homme, dont l'hypnose est déjà effective chez ceux qui ne sont capables que de dormir, sans jamais oser se réveiller.

Edit du 27 février 2013 : mon commentaire précédent était destiné à la saison 1 & j'avais attribué 8/10 à la série. Cependant, la saison 2 me fait revenir sur ma décision. En effet, même si les thèmes abordés sont toujours autant d'actualité & traités d'une manière satirique & sadique, l'impact escompté n'est pas aussi efficace. Ici on nous parle plus particulièrement d'influences contemporaines, comme par exemple l'afflux massif d'applications secondaires ayant des répercussions non-négligeables sur les vies des gens (ne pas accepter la mort car une application propose une résurrection artificielle, & s'y confondre ; peut être rapproché de la confiance qu'accordent les gens aux gps de leurs mobiles, pour illustration) ; une autre influence est celle des gens dépendants à la vidéo (montée des films en caméra amateur, du remplissage de futilités sur Youtube, l'enregistrement constant des souvenirs au détriment du moment passé), au cours du deuxième épisode. Finalement, je n'ai apprécié pleinement que le dernier épisode de cette saison, résumant non seulement le mensonge politique par définition, quel que soit le parti, mais aussi l'abrutissement du regroupement d'individus sous une même pensée, aussi absurde puisse-t-elle être. Le scénario choisi est brillant, & en dépit des aspects ridicules qu'on peut y trouver, l'épisode est d'un réalisme saisissant lorsqu'on prend le temps d'y réfléchir.
Ce qui prend le spectateur aux tripes, pour "Black Mirror", ce sont les vérités sous-jacentes qui sont dévoilées à travers des intrigues soit visionnaires, soit à la limite du fantastique. Brooker réussit son pari brillamment mais le fait de traiter ses sujets grâce à des histoires très différentes à chaque épisode lui fait prendre le risque de diviser son public, tant sur le simple contenu divertissant que sur les idées diffusées. Toutefois, il s'agit à mon avis de ce qu'il désire : essayer d'expérimenter le niveau critique & subjectif de ceux qui, paradoxalement, se plaisent à regarder cette série qui, certes intrinsèquement, dénonce, mais qui objectivement ne fait que reproduire, voire calquer des problèmes de société auxquels nous sommes quotidiennement confrontés, sans pour autant qu'on essaie de s'en défaire, de s'y opposer ou simplement d'ouvrir les yeux, pour certains. Je pense que la fonte dans la masse est une habitude prise, par ailleurs, par chacun de nos jours, en cela que même ceux qui savent, plutôt que se marginaliser, préfèrent faire la part des choses & seulement "se restreindre" (l'acceptation de notre condition), tout en, paradoxalement, se plaignant de la connerie de la masse dans laquelle ils sont immergés (cf le commentaire dans le dernier épisode à propos de la démocratie directe qui se ferait par le peuple, sur internet). Brillante expérience, mais dont la forme tend à être moins creusée que lors de la première saison afin d'heurter plus brutalement le spectateur aux boutades sociétales auxquelles il participe bon gré mal gré.
Satané
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Créée

le 28 oct. 2012

Modifiée

le 27 févr. 2013

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Satané

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