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Les séries anglaises prouvent décidemment leur savoir-faire qui n’a rien à envier aux grosses productions américaines. Comme « Sherlock », « black mirror » propose le format qui peut surprendre de trois épisodes par saison (avec à la différence une durée de 1h environ). Plus atypique encore, chaque épisode propose une histoire différente ayant un cadre totalement différent. Le récit peut donc tout aussi bien se passer dans le présent, un futur proche avec une nouvelle technologie, ou un futur plus lointain qui lorgne avec l’anticipation. Mais si l’histoire se produit dans le futur les comportements dépeints se retrouvent déjà à notre époque…La série traite de la technologie, plus précisément la technologie multimédia (internet, la télé-réalité…), la place de plus en plus grande qu’elle occupe dans nos vies, ses conséquences comme de nouvelles dépendances ou les dérives qu’elle peut engendrer. Avec comme résultat un constat inquiétant et édifiant sur notre rapport avec elle, et même sans être un accro rivé sur les écrans, impossible ne pas se sentir concerné.

Le premier épisode (celui dont le résumé est trop souvent utilisé pour décrire, à tort, la série…) dévoile comment internet est devenu un outil incontrôlable. Quand un criminel fait une demande de rançon à un ministre en diffusant la vidéo exprimant ses conditions, toute la population anglaise l’a visionnée malgré les efforts du gouvernement, qui se retrouve à devoir agir en fonction de l’opinion publique, une opinion fluctuante… Et ce même si la demande du criminel est complètement inacceptable…
Internet… cette invention qui nous abreuve quotidiennement d’informations divers, de vidéos ou d’images ; où le virtuel prend chaque jour une part plus importante ; nous transformant en créatures toujours en manque de nouveaux spectacles. Et c’est justement un spectacle qu’est devenu la politique. Tout n’est qu’apparence, faux semblants et mensonges, un aspect renforcé encore par les technologies de communication. Un aspect virtuel auquel les spectateurs ne sont plus dupes, délaissant le sérieux des débats pour ne plus que rechercher le divertissement, des disputes entre candidats et leur vie privée divulguée au grand jour, propice à la moquerie et à la critique. C’est dans ce contexte qu’un candidat virtuel est parvenu à obtenir autant d’adhésion. Une situation finalement pas si invraisemblable que ça…

Plusieurs épisodes (1x3 et 2x1) racontent comment une technologie en apparence révolutionnaire (revisionner tout ce que nous avons vécu, créer une copie conforme d’un proche décédé), crée en faîte de nouvelles aliénations, des comportements inédits face à ces inventions qui bouleversent en profondeur notre mode de vie, notre rapport aux autres et au monde.
Montrer à ses amis ces dernières vacances peut paraître géniale (et une telle application est déjà envisagée dans des lunettes de type réalité augmentée comme les google glass…), mais quand les faiblesses humaines comme la jalousie s’en mêlent, cela crée de nouvelles sources de souffrance. Suffit déjà de voir ce qu’entraîne déjà facebook (espionnage du conjoint, employés virés pour avoir critiqué leur entreprise, sans compter les atteintes à la vie privée qui seraient d’une toute autre ampleur!)…
L’autre épisode décrit notre besoin de combler notre solitude par des artefacts virtuels (plus généralement conversation instantanée, jeu en ligne…), avec les limites que cela représente lorsque l’on réalise que cela ne peut imiter la réalité et apporter ce que l’on recherche vraiment. Il évoque aussi toutes les informations sur nous-mêmes que nous laissons sur le réseau.

Plus effrayant encore, la téléréalité. Les émissions malsaines diffusées à longueur de journée et auxquelles se gavent les pauvres humains de ce terrifiant futur (1x2, sans doute le meilleur épisode) sont à peine plus décadentes que les programmes diffusés actuellement sur nrj12… Et comment ne pas voir dans ces observateurs rivés à leurs appareils (2x1) pour ne perdre aucune miette du calvaire de la pauvre victime notre propre comportement de voyeur, lequel est exploité par des émissions qui vont de plus en plus loin ?

"Black mirror", "noir miroir", la série qui dévoile un reflet bien sombre de notre propre société à travers la fiction. Ambiance oppressante ou inquiétante, voir décalée, les épisodes sont variées et pour la plupart, affichent une réalisation de qualité. Quelques petites longueurs parfois mais qui s’oublient telle une petite pub intrusive en bas d’un site internet génial qui mérite de figurer dans le haut des marques-pages. Une série très intelligente et visionnaire que tout le monde devrait voir, d’autant que le court format s’y prête aisément, si l’on ne veut pas qu’un jour cela ne soit plus de la science-fiction…
Enlak
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le 9 févr. 2014

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