BoJack Horseman
7.6
BoJack Horseman

Dessin animé (cartoons) Netflix (2014)

Voir la série

Il est des séries qui, une fois terminées, nous font couler une larme devant la cruauté de son contenu alors qu’on a passé son temps à rire à gorge déployée. « Bojack Horseman » est de celles-ci. Le concept de ce dessin animé est particulier puisqu’il met en scène des personnages anthropomorphiques. Comme dans les Fables de la Fontaine, on peut percevoir des liens entre les traits de caractère des différents protagonistes de l’histoire et la représentation qu’on se fait des animaux qui les incarnent. Mais avant tout, ce procédé permet de créer une atmosphère et un style uniques, renforcés par un univers graphique reconnaissable entre mille. Il permettra également aux auteurs de distiller un humour d’une créativité jubilatoire en fonction des spécificités de chaque espèce animale vue à l’écran.


Bojack (un cheval) est donc une ancienne vedette de la télé connue pour avoir joué dans une sitcom. Désœuvré, il partage sa vaste maison avec Todd, un jeune humain qu’il a un jour hébergé et qui dort depuis sur son canapé. A ce stade du récit, il est pressé par son agent, la chatte rose Princess Carolyn, d’écrire ses mémoires. Mais comme il se montre incapable d’accoucher de la moindre ligne, Diane Nguyen, une auteure humaine, va se charger de mettre en mots sa biographie. Bojack apprend du même coup que cette dernière est en couple avec M. Peanutbutter (un chien), une autre star de la télé qu’il connaît depuis longtemps. La narration alors va tourner autour de ces 5 personnages.


Les forces de cette série sont multiples mais la principale tient avant tout au fait que les auteurs ont réussi à créer un personnage foncièrement méprisable auquel il sera bien difficile de ne pas s’attacher. Car Bojack est un être orgueilleux, égoïste et qui se soucie assez peu des gens qui l’entourent malgré l’affection qu’il leur porte. Todd, son colocataire pourrait en témoigner ! Et si on a du mal à le détester, c’est qu’en dépit de tout le malheur que Bojack engendre autour de lui, on a de cesse de le voir lutter contre ses démons. De fait, il est une victime privilégiée des mauvais choix qu’il effectue et qui l’amènent irrémédiablement à se mépriser toujours plus profondément. Alors, comment ne pas être touché par ce drôle de cheval qui recherche désespérément l’amour dans le regard des autres tandis qu’il passe son temps à le rejeter sous prétexte qu’il ne s’en sent pas digne ? Pourtant, au vue de son enfance, son attitude a du sens. Mais on aimerait qu’il se sorte de ses schémas autodestructeurs car on perçoit sa souffrance … et on ne peut s’empêcher de souffrir pour lui.
Mais Bojack n’est pas le seul atout de cette série hors norme. Les personnages qui l’entourent sont tout simplement délicieux et les relations qu’ils entretiennent apportent énormément à la richesse de l’ensemble. En premier lieu, il y a Diane, le principal poil-à-gratter de Bojack. Celle qui tente de le placer devant ses responsabilités mais qui l’incite aussi à devenir une meilleure personne. Le lien viscéral qui unit ces deux êtres hantés par leurs névroses est unique et bouleversant. Car indépendamment de Bojack, chacun a son histoire personnelle et celle de Diane, incapable de trouver sa place dans un monde qu’elle exècre, est d’une justesse absolue.


A première vue, il s’agirait donc d’une série grave et déprimante. Et pourtant non. On rit et on rit même beaucoup. Tout d’abord car Bojack est intrinsèquement drôle. Son regard cynique et désabusé sur le monde se manifeste au travers de répliques désopilantes. D’ailleurs, les dialogues dans leur ensemble sont juste exceptionnels et superbement valorisés par le travail des doubleurs. L’humour sombre de Bojack est encore plus savoureux en présence M. Peanutbutter, son double à la positive attitude. Car au contraire de Bojack, celui-ci est toujours content. En bon labrador qu’il est, le voir tirer la langue et lever les oreilles dès qu’il est agréablement surpris (c’est à dire, souvent, … sauf quand il voit un facteur) est hilarant et contraste magnifiquement avec l’attitude bourrue de son alter ego. Côté humour, on pourrait aussi évoquer les projets que lui et son comparse Todd tentent de mettre sur pied, tous plus délirants les uns que les autres. Ils viennent joyeusement renforcer l’aspect déjanté du récit souvent présent dans les dessins animés. Car Todd est le trublion volage du récit, gentiment stupide (ou génial) et totalement soustrait des préoccupations existentielles. Mais que ce soit pour M. Peanutbutter ou Todd, on n’est pas en présence d’entités vides de sens présentes pour amuser la galerie. Les deux ont aussi une belle sensibilité et la relation très émouvante entretenue par Diane et Peanutbutter en est le plus bel exemple.


Mais « Bojack Horseman » ne se limite pas à ses personnages et traite aussi de bon nombre de sujets d’actualités. Ainsi, par l’intermédiaire de la très attachante Princess Carolyn, on va rentrer de plein pied dans le monde joyeux d’Hollywoo (sans « d » s’il vous plaît !). Et il semble que devenir une star dans cet environnement conduise irrémédiablement à la folie. Des vrais acteurs de métier n’hésitent d’ailleurs pas à se donner le mauvais rôle pour l’illustrer. Le monde des médias et celui de la politique seront aussi sérieusement égratignés. Et à chaque fois, la critique est corrosive mais drôle et inventive ! Tout comme l’est le format des épisodes qui deviennent de plus en plus conceptuels au fur et à mesure que la série avance. On passe ainsi d’une séquence muette se déroulant dans le monde sous-marin à un « éloge » funèbre de 25 minutes. Avec dans ces deux cas, des dénouements qui méritent des applaudissements. On est alors tenté de crier au génie devant ces trouvailles visuelles et narratives qui servent toujours le récit.


Que ce soit dans le traitement de ses personnages, dans ses dialogues, dans sa créativité, on aurait donc une série parfaite si le début de la dernière saison n’était pas aussi faible. Délaissant une formule qui avait si bien fonctionné durant 60 épisodes, les auteurs devaient finir leur œuvre. Dès lors, la narration prend le pas sur le rythme et l’inventivité et on s’ennuie un peu. Et si la fin réussie est digne de ce qu’on pouvait attendre, il est clair qu’on rit moins. Mais à part cette fausse note, on ne peut qu’être émerveillé par une œuvre si bouleversante, drôle et originale. Un chef-d’œuvre, assurément.


Une critique série tous les dimanches. Retrouvez l'ensemble de mes chroniques sur le site https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/
N'hésitez pas à aller y faire un tour et à déposer vos commentaires.

vosarno
10
Écrit par

Créée

le 21 mars 2021

Critique lue 218 fois

2 j'aime

vosarno

Écrit par

Critique lue 218 fois

2

D'autres avis sur BoJack Horseman

BoJack Horseman
Rototolescargot
10

When's the last time you were actually happy?

La difficulté d'écrire une critique réside dans la comparaison avec les critiques déjà existante. Si vous cherchiez un résumé de Bojack Horseman, une raison de commencer la série ou au contraire une...

le 23 déc. 2016

82 j'aime

4

BoJack Horseman
Plume231
9

Horsin' Around !

I’m responsible for my own happiness? I can’t even be responsible for my own breakfast! Généralement on sait au bout d'un épisode, voire juste au bout de quelques minutes, si une série va nous...

le 6 févr. 2019

51 j'aime

5

BoJack Horseman
Moizi
7

The misfits

J'ai regardé ça pour meubler le silence sonore dans ma vie lié au fait que j'ai coupé la musique de Fire Emblem car j'en avais un peu marre d'entendre toujours la même chose alors que j'étais obligé...

le 5 nov. 2016

49 j'aime

9

Du même critique

The White Lotus
vosarno
10

The white lotus

saison 1The White Lotus est un de ces nombreux hôtels de luxe situés à Hawaï accueillant des personnes fortunées et désireuses de se ressourcer dans un décor de rêve sans avoir à bouger un doigt de...

le 15 janv. 2023

4 j'aime

Mare of Easttown
vosarno
5

Mare of Easttown

Mare est détective dans une petite ville sans charme du fin fond des États-Unis : Easttown. Comme souvent dans ce genre de bourgade, tout le monde se connaît. Et Mare est de celle que les habitants...

le 14 oct. 2021

4 j'aime

2

Normal People
vosarno
10

normal people

Voici une série qui n’avait pas grand-chose pour attirer l’attention si ce n’est un succès colossal outre-Manche. Il s’agit d’un chassé croisé amoureux et amical de 2 jeunes irlandais que l’on va...

le 27 déc. 2020

4 j'aime