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Dénonciation des violences faites aux femmes brésiliennes...

Saison 1 :

Depuis l’onde de choc de la découverte du "Silence des Agneaux" en 1991, le terme de serial killer a été tellement banalisé par la déclinaison outrancière du concept dans des dizaines, non, des centaines littéralement de films (et de romans) pas forcément inspirés ni intéressants… Au point qu’aujourd’hui, la mention d’un film (ou d’une série TV) consacrée aux méfaits et à la traque d’un tueur en série fait surtout office de repoussoir ! Pourtant, nous voilà en train de vous conseiller de passer outre vos préjugés pour donner sa chance à "Bom Dia Verônica" ("Bonjour Veronica" en français), petite série brésilienne qui ne paie pas forcément de mine, mais risque bien de vous surprendre, voire d’appuyer sur certains « boutons » inattendus au point de rendre certaines scènes réellement éprouvantes (et – spoiler – je ne parle pas des scènes sanglantes, pour une fois).

Car l’intelligence du script de Raphael Montes, ou sans doute plutôt de son roman publié sous le nom d’Andrea Killmore, sur lequel il est basé, c’est d’aborder ce thème usé du serial killer à travers deux angles plus originaux : d’abord l’angle « politique », pertinent dans le chaos brésilien où la population redoute souvent autant la PM (la Police Militaire) que les criminels, qui est d’affirmer que les déviances telles que celles du criminel traqué par la fameuse Verônica, « l’assistante administrative » qui se met en tête de protéger ces femmes en danger aux quelles la protection policière est refusée, ne sont possibles que parce qu’elles sont permises, voire facilitées par le système politique. Et ce discours-ci, aussi féministe que social, n’est pas si évident à tenir dans le Brésil de Jair Bolsonaro, ce qui offre à "Bom Dia Verônica" une vraie pertinence et nous aidera à fermer les yeux sur certains défauts formels de la série.

L’autre thème de la série, qui la rend passionnante, voire même exceptionnelle l’espace de certaines scènes, c’est la vie du serial killer « à la maison », et ses rapports de pervers narcissique avec son épouse qu’il soumet, brutalise, et rend complice de ses crimes : car la véritable horreur, celle qui marquera sans doute bien des téléspectateurs au visionnage de "Bom Dia Verônica", c’est bien la contemplation impuissante des tourments (avant tout) psychologiques – comme ce fameux “port de la boîte” autour de la tête – imposés à Janete, l’épouse à la fois aimante et terrifiée du tueur. Magnifiquement interprété par Camila Morgado et Eduardo Moscovis, le couple Janete – Brandão est LA grande raison de regarder cette série, beaucoup plus intéressante qu’elle ne semblait de prime abord.

Du coup, on passera sur certaines maladresses de "Bom Dia Verônica", certaines interprétations qui frôlent la caricature (comme celle d'Elisa Volpatto en abominable lieutenant de police), et surtout l’incompréhensible – et absurde – final qui semble rajouté seulement pour justifier une seconde saison, alors que l’histoire se bouclait impeccablement dans une noirceur absolue – et pour le coup très réaliste.

[Critique écrite en 2021]

Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/04/28/netflix-bom-dia-veronica-la-tete-dans-la-boite/

Saison 2 :

Ceux qui avaient tenté l’expérience proposée par Bom Dia, Verônica, série brésilienne originale, avaient pu apprécier (ou non) la force d’une histoire qui offrait une vision pessimiste de la société brésilienne où la corruption de la police et du pouvoir en général protégeait les pires crimes, mais surtout un remarquable portrait d’un couple où le pervers narcissique de mari soumettait sa femme aux pires tourments. Le dernier épisode, absurde, laissant entendre qu’une seconde saison – bien inutile – serait mise en chantier. Nous y voilà donc…

… et malheureusement, comme prévu, cette nouvelle histoire d’une policière qui « passe pour morte » et est devenue justicière, pour échapper au pouvoir policier qui risquerait de mettre en danger sa famille, est aussi peu crédible qu’on le craignait. Cette fois, il n’y a pas grand-chose qui fonctionne dans la partie « thriller » d’une saison raccourcie et pleine d’incohérences. Ce qui nous laisse en outre le temps de grimacer devant une interprétation générale assez hasardeuse : d’une saison à l’autre, on est repassé du côté « cheap » de maintes séries télévisées latino-américaines, que l’on a du mal à regarder si on les compare à leurs équivalentes états-uniennes ou européennes.

Et c’est dommage parce que les scénaristes (il n’est pas très clair alors que nous écrivons cette critique si l’écrivain Raphael Montes est toujours réellement le show runner de Bom Dia, Verônica…) ont eu la bonne idée de mettre au centre de cette seconde saison le phénomène, tellement présent au Brésil comme aux USA, des sectes : l’excellent personnage de Matias Cordeiro, guru / guérisseur est non seulement un escroc qui dépouille de leur argent les membres naïfs de son organisation, mais également un pervers qui se livre à nombre d’abus sexuels sur ses « patientes ». L’interprétation glaçante d’un Reynaldo Gianecchini idéalement charismatique et tout autant répugnant permet même à certaines scènes de recréer le vertige que nous ressentions au cours de la première saison. Il est sans doute dommage que les scénaristes aient voulu encore monter d’un cran dans l’horreur, avec une révélation finale suffocante, mais qui risque finalement d’engendrer de l’incrédulité, alors que le personnage de Matias Cordeiro était déjà suffisamment abject comme ça.

On appréciera aussi le fait de montrer dans cette saison des adolescents assumant leur homosexualité, une chose qui n’est pas encore communément admise au Brésil, et qui confirme bien le désir de la série de parler de choses qui fâchent.

Reconnaissons donc de nouveau à Bom Dia, Verônica le courage de mettre le doigt où cela fait mal dans la société brésilienne : ce patriarcat et ce machisme, qui profitent des faiblesses du pouvoir politique et judiciaire, et perpétuent une violence mortelle contre les femmes et les populations LGBT, voilà un sujet fort. Et qui fait qu’il est impossible de rejeter totalement cette seconde saison de la série, malgré ses nombreux défauts.

La troisième saison semble vouloir abandonner São Paulo et se déporter dans le Nord du pays, ce qui devrait lui permettre de parler de certaines zones de non droit qui subsistent dans cette partie du Brésil, échappant toujours à la modernisation du pays et des mœurs. Espérons que Bom Dia, Verônica saura continuer dans cette voie dénonciatrice.

[Critique écrite en 2022]

Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/08/29/netflix-bom-dia-veronica-saison-2-une-denonciation-de-la-violence-faite-aux-femmes/


EricDebarnot
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le 29 août 2022

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Eric BBYoda

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