Breaking Bad par Hugo Harnois
Tout est possible quand on sait qu'il ne nous reste plus que quelques mois à vivre. L'existence est un compte à rebours, un sablier où chaque grain de sable représente un chapitre de notre vie. Celui de Walter White finit de s'écouler lorsqu'il apprend qu'il a un cancer du poumon en phase terminale. Excellent professeur de chimie, ce père de famille n'a jamais fumé ni fait d'écart dans sa vie bien monotone. Alors qu'il n'a jamais vraiment vécu, celui-ci va se réveiller et profiter des derniers grains, si précieux, qui lui restent. Pour ne pas laisser sa famille dans le besoin, White va devenir trafiquant de méthamphétamine en la fabriquant lui-même, accompagné d'un de ses anciens élèves, Jesse.
Le pitch de départ fausse la direction dans laquelle vous croyez partir. Breaking Bad est tout sauf pathétique et larmoyant grâce à son ton drôle et ironique, permettant à la série de ne pas être trop sombre et tragique. C'est bien évidemment le duo improbable mais très réussi entre le professeur et son élève qui emporte l'adhésion du spectateur. Nous pouvons rire des situations loufoques dans lesquelles ils se mettent car nous ne rentrons jamais en empathie avec Walter. On sent également un fort héritage tarantinien avec ces scènes fortement gores mais ô combien jouissives. Ces deux amateurs de met' à la petite semaine pourraient faire penser aux pires gangsters de Pulp Fiction. Le créateur Vince Villigan opère néanmoins un tour de force : celui de réussir à placer certains moments d'émotions subtiles et discrets au bon moment (repensons à la famille de Jesse).
Puisque le chimiste sait qu'il va mourir, il n'a plus peur de rien et braver les lois devient pour lui un fantasme. Le fait d'entrer dans un autre univers fait de couleurs flashies (jaune, bleu, vert), celui des « méchants », l'excite presque. Son nom (Walter White) a une forte connotation, comme si cet homme était pur et qu'il n'avait encore rien fait de dangereux. En franchissant la frontière entre le Bien et le Mal, il change de nom et se fait appeler Heisenberg, un chimiste important sous le régime nazi, ce qui est tout sauf anodin. Cette frontière rappelle l'un des thèmes phares de Breaking Bad : l'euthanasie. Peut-on choisir de la vie ou de la mort de quelqu'un à sa place ? Un sujet qui se trouve en plein cœur de l'actualité.
Si la narration suit de manière précise deux types en train de confectionner de la méthamphétamine, elle n'incite en aucun à en prendre vu le public qui en consomme. Elle critique cependant le système américain sur les frais médicaux qui ne sont pas remboursés, et qui coûtent aux patients des sommes astronomiques. Mais soyons d'accord sur une chose, Breaking Bad est une série sur l'humain et son rapport à la mort. C'est un récit qui montre des êtres cassés comme la mère (n'ayant plus confiance en son mari), le fils (handicapé et rejeté) ou bien évidemment Walter White. Le terrible écoulement de ce sablier permet de donner du rythme et de la tension à cette grande série. Mais comment ce chaos intérieur peut-il alors se terminer ?