Breaking Bad
8.6
Breaking Bad

Série AMC (2008)

Voir la série

Breaking bad est une série qui aura fait couler beaucoup d'encre (bleue, comme la drogue de la série, objet de tous les enjeux, couleur de toutes les séreinités recherchées). Entre ses adorateurs de la première heure et ses quelques détracteurs, notamment au regard des deux premières saisons dont certains côtés horripilants et la banalité du contexte tellement "à la mode" des séries d'il y a six ans pouvaient l'emporter sur le souffle de l'aventure et le suspense, le succès est là et le plan médiatique a tourné à plein.

Breaking bad, c'est l'histoire saugrenue d'un prof de chimie de lycée qui enseigne à un niveau bien en deçà de ses capacités, dont la femme tombe enceinte par mégarde, qui joint les deux bouts en nettoyant les voitures de ses élèves dans un garage et dont le fils est légèrement handicapé. Il apprend qu'il a développé un cancer et, soucieux du bien être matériel de ses proches, il se lance dans la préparation de méthamphétamine pour arrondir leur vie après la sienne.

Breaking bad, c'est une série avant tout psychologique, que la qualité de la mise en scène permet d'apprécier à sa juste valeur. breaking bad, c'est une réalisation sans faille. Des plans contemplatifs, des plans rapprochés à l'affût des mimiques et des tiques de comportement, du détail dissimulé, des prises de positions, des scènes fixes, de longues réflexion, des silences.
C'est aussi une construction qui alterne les flash forwards et le présent pour créer une tension.

Et cette tension, c'est le chronomètre, le temps qui s'écoule, la vie qui s'évente, invariablement. La lutte contre la maladie, contre la condition humaine, contre le temps qui est passé, et celui qui reste, c'est la bataille que chacun mène contre le mort, que Breaking bad affiche toujours à l'écran, accompagnant ses héros à chaque instant, jusqu'au dernier. C'est le calvaire de l'homme blanc impuissant, pris dans un quotidien qui l'étouffe, avide d'autre chose, de plus, de mieux, avide, comme tout un chacun, d'obtenir ce qu'il mérite, d'obtenir la reconnaissance et le confort, la fierté pour lui et les siens.

Ce qui a fait de Breaking bad un phénomène, c'est à la fois le parcours de cet homme accablé mais aussi son évolution et la qualité de la narration de ce parcours.
Walter White va passer par toutes les phases possibles pour un homme qui traverse une situation comme la sienne. Du déni à la colère, classiques, en passant par l'acceptation, la résignation, et puis aussi, l'action, le dépassement de soi, la découverte de soi, les surprises, les craintes, les déceptions et, à nouveau, la colère, sourde, noyée mais toujours là, elle et ses accolytes, la haine et l'envie. La série prend son temps, et prend le temps de construire une véritable histoire d'un bout à l'autre de la série.
Walter White et Breaking bad sont ambigus, l'un comme l'autre. Subtiles. On ne discerne pas toujours leurs ambitions, dissimulées derrière respectivement les actes et les atours.

Et c'est bien. Le spectateur n'est pas pris par la main. On ne lui explique pas, par un menu pour débiles mentaux, qui sont les bons et qui sont les méchants. Le monde de Breaking bad est aussi gris que la réalité, même si les couleurs du premier sont plus chatoyantes, saturées, comme un plat trop salé pour lui donner encore plus de goût, même de façon artificielle. Parce que c'est comme ça que la vie est faite.

Mais Breaking bad, ce n'est pas uniquement la grandeur des types devant et derrière la caméra. Ce n'est pas non plus le miroir brisé d'un rêve américain matérialiste et arriviste, arrogant, égoïste, prêt à tout pour réussir, accro au fric et aux bagnoles, aux signes extérieurs de richesses, ni même le miroir brisé du rêve de l'homme occidental, qui en veut toujours plus sans pouvoir s'arrêter ni comprendre les causes de ce désir tout sauf épicurien.
Breaking bad, dans un souci de conformité avec le réel, est une série, certes sans pitié, et c'est heureux, mais qui aura duré un peu trop longtemps. Promise à quatre saisons, son succès lui en a offert une double supplémentaire. Pour finir en beauté ont-ils dit. Le réel des finances.

Encore que les auteurs de Breaking bad ont su maintenir un niveau élevé de qualité, il n'en demeure pas moins, c'est un regret, qu'ils n'aient su mettre un point final à leur création alors qu'elle atteignait son apogée, à la fin de cette extraordinaire saison 4 qui, sans rien dévoiler ni didactique outrancière, esquissait des personnages parmi les plus complexes que la télé ait portés (avec Tony Soprano et les héros de The wire).

Il a fallu une "vrai" fin, un coup d'arrêt définitif. Une course vers un abîme programmé. Un cheminement écrit d'avance, un retour à la morale désespérée et désespérante.

Mais les plus gros défauts de Breaking bad proviennent bien de ses fondations. En dépît d'un jeu d'acteur flamboyant, le personnage de Skyler White et, d'une manière générale, l'ensemble des personnages féminins, sont frustrants. Pauvres êtres fragiles et torturés, instruments des hommes et d'un destin qui s'acharne, elles tentent de reprendre le dessus, se débattent avec dignité, mais alourdissent le déroulement. Skyler White pourrit littéralement les deux premières saisons de la série, avant de "juste" ennuyer dans la saison 5, avant de devenir quasiment invisible, pour le mieux. Le traitement inégal des personnages est un peu pardonné par la cruauté du traitement qui leur est réservé, mais une meilleure répartition aurait enlevé à la frustration, et aurait rajouté au plaisir.

Rarement une série aura porté aussi longtemps et avec une telle intensité un parcours d'anti héros unique, intelligent et ambivalent. Elle a su s'arrêter quand il le fallait (à peu près, la dernière double saison, bien que plus faible que la précédente, demeure de loin supérieure à la grande majorité des séries qui durent), en proposant des situations toujours inédites, s'interdisant le statu quo ou de ne pas prendre de risques. C'est rare, il faut le souligner.

Tout n'est pas parfait, mais c'est un peu ça aussi, la vie.
hillson
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Séries, Les meilleures séries avec un anti-héros et Les séries qu'il ne faut pas spoiler

Créée

le 9 oct. 2013

Modifiée

le 9 oct. 2013

Critique lue 930 fois

13 j'aime

1 commentaire

hillson

Écrit par

Critique lue 930 fois

13
1

D'autres avis sur Breaking Bad

Breaking Bad
Hypérion
9

Cristallisation de la crise

Breaking Bad c'est, au sortir du visionnage de cinq saisons exceptionnelles, une superbe série noire, glauque, remarquablement écrite, qui cristallise en un seul personnage, Walter White, tous les...

le 21 oct. 2013

217 j'aime

32

Breaking Bad
YellowStone
10

Growth. Decay. Transformation.

Je considère Breaking Bad comme la toute meilleure série que j'ai pu voir, ni plus ni moins. Elle occupe donc logiquement la première place de mon Top 10, et mérite bien que je lui consacre le temps...

le 25 janv. 2013

213 j'aime

29

Breaking Bad
Vincent-Ruozzi
10

Le Crabe aux pinces d'or

Breaking Bad : 5 saisons haletantes, 62 épisodes de bonheur, des dizaines d’heures sacrifiées pour la bonne cause, une série culte. C'est certainement la série avec l’anti-héros le plus charismatique...

le 6 mars 2015

111 j'aime

23

Du même critique

The Shield
hillson
10

Un Rampart contre les scandales

The Shield est une série brillante. Inspirée de faits réels survenus dans les années 90 à Los Angeles (le scandale Rampart, qui a poussé un officier de police à dénoncer plus de 70 collègues pour...

le 17 juin 2010

149 j'aime

32

Le Loup de Wall Street
hillson
5

Que tu as une grande queue - c’est pour mieux te baiser mon enfant

Un type a dit que 2013 avait apporté des blockbusters de grande qualité, et il a cité Django Unchained et Le loup de Wall Street. Que Le loup de Wall Street soit un blockbuster ne fait aucun doute,...

le 12 janv. 2014

133 j'aime

24

Don't Starve
hillson
7

Don't play

Mini jeu en bêta, disponible sur steam mais pas complètement, je vous le dis tout net. Ce jeu est nul. Ce n'est même pas la peine d'essayer. Non, franchement, passez votre chemin. Déjà, c'est un peu...

le 28 janv. 2013

131 j'aime

14