Cette série me met dans de beaux draps, je n’arrive pas à la regarder dans les yeux, je suis gênée. Oui parfaitement, gênée de ne pas lui attribuer un point supplémentaire alors que j'estime globalement surnoter les séries. Je le regrette d’autant plus que Broadchurch a de grosses qualités : une photographie à tomber, de bons acteurs (la VF moyenne comme de coutume ne parvient pas à diminuer leur prestation) et un angle bien vu avec l'exposition de la détresse après le drame. Là où les séries policières classiques se focalisent sur la résolution de l'enquête et laissent la famille des victimes à l'arrière-plan, Broadchurch fait de la place à l'humain et prend le temps de montrer le bouleversement de leur existence, les questionnements et les conséquences avec lesquelles il faut traiter. C'est très réussi, et on en ressort éprouvé, c'est le genre de série qui ne vous donne pas envie d’aller vous coucher tout de suite après, il faut évacuer la tension (ce qui ne m'a empêchée de cauchemarder allègrement après les trois premiers épisodes).
Sauf que Broadchurch, comme bien des séries, n'est pas la pépite de perfection que nous attendions tous. Des détails peuvent chiffonner ou paraître grossiers. La communauté soudée est ainsi surlignée à gros traits, on a compris au bout d'un moment, et la proximité suggérée entre tout les habitants n'est pas ultra réaliste par rapport à la taille de la ville. Mais comme je le disais, ce sont des détails et cela ne prête pas à conséquence. En revanche, les réactions de certains personnages m’ont semblées assez peu crédibles et procéder d’une facilité scénaristique qui m’a mise mal à l’aise. Je peine toujours à comprendre comment des personnages peuvent préférer dissimuler des éléments essentiels à l'enquête pour d'obscurs motifs qui sont bien peu de choses par rapport au crime pour lequel ils risquent d’être inculpés. Quel est l’intérêt pour eux ? (Nous amener sur une fausse piste ne compte pas, cela n’a d’intérêt que pour le scénariste).
[LE PARAGRAPHE CI-DESSOUS CONTIENT DES SPOILERS]
Je veux pour illustration l’attitude extrêmement curieuse de Marc Latimer qui refuse d’évoquer son infidélité de peur que cela se sache et qui préfère donc... être soupçonné du meurtre de son fils. Mais oui, bien sûr. Et je ne développerai pas d'autres éléments intervenant plus tardivement dans l'intrigue mais qui ont en commun de voir des personnes suspectes ne pas vouloir dévoiler des éléments douloureux de leur passé, qui là encore expliqueraient bien des choses et éviteraient d'en arriver à certaines extrémité (avec en prime un retournement de veste incompréhensible pour l'un de ces personnages… Pourquoi tout d’un coup changer d’avis et vouloir accuser quelqu'un qu'on a cherché à protéger jusqu’à là en étant persuadé qu'il était coupable ?)
Je suis déçue aussi par la révélation du passé tortueux d'Alec Hardy, c’est trop gros pour être tout à fait admissible, la manière dont les évènements sont exposés ne jouant sans doute pas non plus en faveur d’une réception enthousiaste, ce pan de la vie de l’inspecteur aurait mérité un traitement plus intimiste.
[FIN DE LA ZONE DES SPOILERS]
Ces comportements rendent l'enquête plus artificielle, effet accentué par les focus sur des indices remarquables (qu'on se doute être des fausses pistes ce qui n’empêche pas le cerveau de carburer pour trouver une explication rationnelle) et par la dramatisation outrancière. Voilà pourquoi Broadchurch, je me vois forcer de t’attribuer une juste notation qui pourra te sembler sévère. J’espère que tu ne m’en tiendras pas rigueur.
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