Captive
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Captive

Série CBC (CA) (2017)

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« Le plus grand menteur est celui qui parle de soi », fions nous donc à ce sage proverbe chinois !

Moi, qui suis restée bouche bée, admirative et subjuguée devant The Handmaid’s Tale - tant au niveau de l’oeuvre littéraire que de l’adaptation audiovisuelle - n’ai évidemment pas hésité une seconde à engloutir d’une traite les six épisodes d’Alias Grace lorsque j’ai vu au générique le nom de Margaret Artwood.


Et résultat des courses, j’ai été (un peu) déçue. Je me suis dis, tout ça………. Pour ça ?
Malgré cela et dans ma tête, c’est le chaos. Les avis, remarques, et questionnements fusent, et en ce sens, Artwood et Sarah Polley ont fait du bon boulot puisque selon moi, le principal, c’est la remise en question (qui amène le spectateur/lecteur à y voir plus clair au cours de sa chasse à la vérité ).


Tout d’abord, j’avais envie de parler du féminisme et de son importance, de son omniprésence et de son sens au coeur de l’univers de l’écrivaine, et plus particulièrement au sein de The Handmaid’s Tale et d’Alias Grace.


Autant, cette notion du féminisme et du féminin oppressé, maltraité, bafoué, je l’avais trouvée forte, subjuguante et poignante dans The Handmaid’s Tale, autant dans Alias Grace, je l’ai trouvé surréaliste -dans le mauvais sens du terme- à la limite du ridicule ou du « lourdingue » !


Dans The Handmaid’s Tale, on nous dépeint cette société patriarcale et totalitaire, faite pour des hommes et par des humains puisque hommes et femmes (bisou Serena) participent à l’élaboration de ce système.
Mais, ce n’est pas l’homme en général et son chromosome Y que l’on remet en question, non, c’est l’humain. Et notamment sa capacité à commettre des atrocités et des injustices, tout en rassemblant le nombre pour avoir la force, la pole position, les pleins pouvoirs.
Tout le monde file droit, tout le monde adhère à cette manière de vivre… Pour survivre. Mais l’on sent et l’on voit le désaccord, l’injustice, l’envie de se rebeller ou d’échapper à ce système au sein de nombreux personnages - hommes et femmes confondus - .
Puis ce qui nous prend aux tripes dans cette oeuvre, c’est qu’elle est totalement empreinte de réel et je pense que l’on s’est tous dit après avoir vu cette série: « ça pourrait tellement vite arriver un truc de ce genre là… ».


Alors que dans Alias Grace, l’homme, le masculin est monstrueux. Il est vil, perfide, pervers... Pourri jusqu’à la moelle quoi. Et non, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre.


Son père ivrogne, violent et incestueux… nope !


Le fils Parkinson un peu mou du gland -on va le dire - totalement lâche, mais friand de parties de jambes en l’air avec les domestiques de maison… nope !


Jeremiah, l’homme qui se faufile, se déguise, profite, porte des masques et ne tient pas ses promesses de sauvetage… Nope !
(Ce personnage cependant est un cas un peu particulier, puisqu’il dispose de la plus haute estime masculine auprès de Grace. )


Le docteur Jordan, psychanalyste en herbe qui se fait prendre à son propre jeu et qui nous fait un bon vieux contre-transfert sur la personne de GraceNope !
Big up à lui quand même car il est LE personnage qui nous ouvre les portes du passé (réel ou imagé) de Grace, et c’est également le premier homme sur lequel cette dernière a du pouvoir. Malheureusement, à part se faire manipuler à coups de pommes ou de navets, le pauvre docteur n’aura pas eu grands mots à dire au cours de la thérapie de Grace. Au contraire et selon moi, Jordan est le patient de Grace, son pantin, sa vengeance envers l’homme, le masculin.


Je pourrais continuer longtemps comme ça puisque chaque personnage masculin est bon à jeter, les voyous comme les gentlemen, son acolyte de meurtre, Jamie le roux, Mr Kinnear, etc etc etc etc etc.
Cela, cet univers, cette manière de façonner l’homme à l’image d’un déchet, ça m’a mise en rogne, et ça m’a rappelé cette fâcheuse et fameuse tendance à vouloir écraser l’homme sous prétexte de féminisme. Selon moi, le féminisme ce n’est pas cela, le féminisme c’est cette quête de l’égalité entre les deux sexes.


Bref, voilà un des points qui m’a laissée perplexe. Et puis d’un coup, comme ça, je me suis dis: « Maaaais oui pardi !! C’était le but, c’était fait exprès! » car la série ne se développe qu’au bon vouloir de Grace, seulement d’après sa vision. Elle qui n’a pas vraiment été gâtée de par son entourage masculin et qui décide après pas mal de mauvaises expériences de ne le percevoir que comme étant le mal incarné.
Car non, je ne peux croire en un monde -même en fiction- où il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le subterfuge est trop gros!


Ce raisonnement m’a donc amenée à douter de la perception de Grace et de ses dires, car comme disait ma grand-mère: « la vie c’est pas tout blanc, c’est pas tout noir, c’est du gris, du gris à l’infini ».


Voilà qui nous emmène à mon second point: le récit amélioré et manipulateur de Grace.


Afin d’appuyer mon affirmation, je vous invite à re-regarder les premières minutes de l’épisode d’ouverture qui ont été pour moi lors de mon second visionnage plus que révélatrices.
Grace, jouée par Sarah Gadon à la perfection, nous délivre par le biais d’un monologue - face et regard caméra, d’une manière époustouflante - chaque personnalité/personnage qu’on lui a attribués: coupable, sadique, manipulatrice, innocente, victime etc etc.
Pour moi, l’on voit clairement que d’une, elle maîtrise totalement l’art de se glisser dans la peau d’une autre, d’imiter à la perfection les émotions et donc de se fait … savoir ( et vouloir…? ) manipuler.
Et que de deux, par ce regard rivé, figé vers la caméra qui ensuite se révèle être son reflet dans la glace, elle nous révèle avoir une confiance absolue en elle, et de n’être (plus…? ) « effrayable » en rien.


Un autre point qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est cette manière de façonner un univers où la superstition est concrète, réelle, irréfutable, et est annonciatrice du destin, du futur.



  • Les corbacs annonciateurs de la mort.

  • Les pelures de pomme qui promettent un funeste destin à Mary et un mari en "J" pour notre petite Grace.

  • Les lignes de sa main décryptées par le clairvoyant Jeremiah qui lui annonce de rudes épreuves à traverser

  • La fenêtre pour laisser sortir les âmes

  • Etc etc etc


Selon sa définition, la superstition est:



« la croyance irraisonnée fondée sur la crainte ou l'ignorance qui
prête un caractère surnaturel ou sacré à certains phénomènes, à
certains actes, à certaines paroles. »



Tout cela est pour moi un autre élément qui invite le spectateur à remettre en cause les dires de Grace, à percevoir dans son jeu plutôt qu’un dédoublement de personnalité ( Oui parce que le coup du: c’est Mary qui prend possession de son corps une fois de temps en temps… Je n’y crois pas mais alors pas du tout ! Mary ? Sérieusement ? La seule personne dans sa vie qui l’ai aimée, protégée, respectée … ? La seule, l’unique amie dont elle n’ai jamais disposé ? La mettre dans une telle position ? Non, ce n’est pas possible. En revanche et toujours selon moi, Mary, même en étant morte, continue en quelque sorte d’aider ou plutôt de servir à Grace, car cette dernière usurpe à plusieurs reprises son identité ( dans un premier temps par le biais de son nom, puis dans un second par le biais dans son "âme", de sa personnalité ) dans le seul et unique but de se protéger, de sauver sa peau. - En voilà une belle et bien grosse parenthèse ! - ) ou bien une psychose*, un véritable pouvoir de manipulation et de névrose*
Donc, une vision qui ne peut être qu’entachée, faussée, améliorée.


Grace ment. Et elle ment bien.


Puis finalement, être persuadée de ce mensonge ne fait qu’améliorer mon estime envers cette oeuvre qui a su jouer subtilement avec les travers d’une réalité contée, qui sème à la perfection le doute en le saupoudrant de vérité, qui nous offre ici un portrait tellement complexe d’un personnage aguerri, endurci, ambivalent, attendrissant mais plus qu’effrayant …. Et qui a su me mener par le bout du nez en m’énervant, en me faisant douter en me questionnant.


Le mensonge va à ravir à Grace, il l’a rend spéciale, forte et intouchable.


* Psychose: Grosso modo c’est lorsque la personne en question n’a pas conscience de ses troubles, de sa folie et est en quelque sorte victime de sa propre « maladie ».


*Névrose: Lorsque la personne en question est consciente de ses troubles, de sa folie et qu’elle peut de ce fait l’anticiper, tenter de la maîtriser.

marine-v
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le 18 mai 2018

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