Code Geass: Lelouch of the Rebellion par Antevre

J'en ai tellement entendu parler de Code Geass... C'est sans doute pour ça que j'ai mis aussi longtemps à oser le regarder : trop d'attentes, ça fait mal. Et malgré tout, ayant enfin visionné cette première saison de Code Geass, je ne peux que constater que c'est toujours vrai : j'avais beaucoup trop d'attentes. Code Geass est très loin d'être un mauvais anime, il se hisse même sans hésitation, de par la qualité objective de sa réalisation et de par son contenu, très haut dans les représentants du genre. Et pourtant, c'est pas un truc qui marque autant qu'un Death Note, Evangelion, Gurren Lagann, et j'en passe.

Lelouch est un lycéen britannien résidant dans la zone 11. L'empire britannien, c'est cette puissance internationale qui a conquis une grande partie de la planète, et qui a un jour jeté son dévolu sur le Japon. Une fois conquis, le pays du soleil levant est devenu la zone 11 du terrible empire. Sur ce nouveau territoire, les "eleven", les anciens japonais, sont des citoyens de seconde zone, confinés dans des quartiers misérables, régulièrement humiliés voire malmenés de toutes les façons possibles par les citoyens britanniens. Dans ce contexte, de nombreux mouvements de résistance ont vu le jour, et par hasard, Lelouch se retrouve enfermé dans une camionnette volée par l'un de ces mouvements, avec une arme secrète volée aux Britanniens. L'arme en question s'avère être... une jeune fille se faisant appeler C.C. Elle offre un terrible pouvoir à Lelouch : lorsque celui-ci établit un contact visuel avec quelqu'un, il peut lui donner un ordre auquel cette personne obéira avec zèle, automatiquement. Lelouch réalise qu'un tel pouvoir lui permettra de réaliser ses projets les plus secrets : prince impérial britannien, Lelouch s'est enfui avec sa petite soeur il y a des années suite au meurtre de sa mère, l'empereur les croyant morts. Fou de rage, Lelouch a juré de détruire Britannia par tous les moyens, et de venger sa mère en révélant son ou ses assassins. Armé du Code Geass, son nouveau pouvoir, il prend la tête de la rébellion japonaise sous l'identité du mystérieux Zero, et ne recule devant rien pour assouvir sa vengeance et libérer les peuples opprimés... mais lequel de ces deux projets est-il le plus cher à son coeur ?

Scénario haletant s'il en est. Le parallèle est souvent fait avec Death Note pour des raisons évidentes (pouvoirs de manipulation, personnage principal cachant son identité atteint d'un fort complexe du messie, supérieurement intelligent et extrêmement narcissique, ayant un projet pour changer le monde), mais... rien à voir ? Si la plupart des thématiques traitées sont semblables, il s'agit de deux visions totalement opposées. Light Yagami veut imposer sa loi alors que Lelouch Lamperouge veut libérer le monde. Light est visiblement cinglé là où Lelouch est surtout désabusé. Lelouch protège les innocents, Light considère tous ses ennemis comme nécessairement coupables... etc. Les deux traitements sont intéressants, et à mon sens il n'y a pas à considérer l'un ou l'autre comme plus pertinent que l'autre quant à leur scénario. Pourtant... pourtant Death Note m'a beaucoup plus marqué. Est-ce parce que je l'ai vu beaucoup plus jeune ? Je pense que ce n'est pas du tout la seule raison, et j'en viens à ce qui fait que je ne peux pas me résoudre à considérer Code Geass comme un des meilleurs animes de tous les temps. Code Geass est lisse et beaucoup trop premier degré.

Parce que bon, Lelouch, soi-disant amoral, ben il est bien gentil hein. Il est d'une fidélité sans faille à ses amis, n'hésite pas à se mettre en danger pour ses alliés et subordonnés et fait preuve d'une extrême clémence à l'égard de ses ennemis lorsque c'est possible. Quel est l'intérêt dans ce contexte de doter le héros d'un pouvoir absolu ? Lelouch pourrait dire "la fin justifie les moyens" et ordonner au monde de lui servir la tête de l'empereur britannien sur une pique. Au lieu de quoi il part dans de grands éclats de rire mégalomaniaques et répète sans cesse à quel point il est trop ouf et qu'il ne recule devant rien... et n'hésite pas à risquer de griller sa couverture en venant à la rescousse des pauvres eleven qui se font dérouiller en rue. Yep. Ambiguité morale, tout ça... ? Petit parallèle avec Death Note puisque les deux animes traitent d'un pouvoir absolu : Light Yagami est soumis à la tentation du pouvoir, et finit corrompu. Sa vertu se transforme en vicissitude parce qu'il a une vision du bien et du mal trop manichéenne et qu'il acquiert le pouvoir de mettre à mort tous ceux qui ne correspondent pas à sa conception du monde. Du coup, Death Note pose plein de questions implicites auxquelles il n'offre pas de réponse prémâchée... jusqu'où Light a tort et raison ? Ne pourrait-on pas tous basculer de la même manière ? Si demain je me voyais soudain confier le destin du monde entre mes mains, ne déciderais-je pas d'essayer de forcer l'avènement de mon utopie personnelle ? Peut-être que oui, peut-être que non. Dans Code Geass... bah Lelouch fait preuve de mesure et de prudence avec son pouvoir, et ce alors qu'il n'est pas vraiment personnellement sur la brèche comme Light pouvait l'être. Il pourrait assez aisément arriver à ses fins, et pourtant il préfère sauver tout un chacun, libérer les peuples, etc. Désolé mais ce type c'est un parangon de vertu. Ce côté trop lisse nuit gravement à la profondeur de l'intrigue et à la richesse interprétative du récit. Finalement, en voyant Code Geass, on se dit que si on trouve un mec suffisamment intelligent et vertueux, on peut bien lui céder toutes nos libertés, car il s'occupera bien de nous. Je sais que ce n'est pas le sens de Code Geass, mais voilà, le raccourci est vite fait. Finalement tout est comme ça. Presque tout le monde est doué de bonnes intentions, et s'il n'y avait pas quelques méchants dans l'ombre, on pourrait assez légitimement croire que tout le monde se tomberait dans les bras les uns des autres. Comme s'il suffisait de tuer tous les chefs de tous les pays en guerre pour arrêter toutes les guerres. Comme si le problème n'était pas légèrement beaucoup plus compliqué que ça.

C'est pour ça que Lelouch me parait impossible ni à détester, ni à vraiment aimer... En soi si l'anime s'assumait comme tout public, j'en ferais pas un fromage, ce serait honnête pour le public visé. Mais Code Geass essaie sans cesse de se donner un air mûr et sombre, sans jamais réellement correspondre à ce type d'ambiance. Lelouch et son "rival", Suzaku, ont bien plus une mentalité et une épaisseur de shonen que de seinen. C'est là que j'ai ce problème d'attentes dont je parlais : à force de louanges incessantes (ça fait facilement 7 ou 8 ans que j'ai des amis qui m'en parlent), j'ai fini par espérer monts et merveilles.

Code Geass reste de très bonne facture (faut d'ailleurs saluer le chara-design très réussi de Clamp), mais je n'irais pas jusqu'à en faire un incontournable absolu.