Dark
7.6
Dark

Série Netflix (2017)

Voir la série

Lourd... Dans tous les sens du terme !

Avant toute chose, une précision est de rigueur : cette critique SPOILE TOUTE L'INTRIGUE et si vous n'avez pas visionné les 3 saisons, ne vous gâchez pas le plaisir de la découverte !


...Ceci dit, je peux directement passer au vif du sujet : Dark est une bonne série Netflix, et c'est assez rare que le géant du streaming propose quelque chose d'aussi qualitatif ces dernières années. Mais elle souffre d'un problème inhérent à beaucoup de séries en 2020 : elle ne parvient pas à maintenir son niveau d'exigence sur la durée.


Le début est excellent. Nous sommes en 2019. On arrive à Winden, petit village fictif en Allemagne. Dans ce climat intimiste proche du huis clos, on apprends doucement à connaître une large galerie de personnage qui sont tous plus ou moins connectés entre eux. Après deux épisodes ou un premier mystère est dessiné avec la disparition du jeune Mikkel Nielsen, et qui permettent de se familiariser avec les différents personnages, la série mets les pieds dans le plat au 3e épisode et place l'action en 1983, toujours à Winden. On revoit les mêmes personnages, plus jeunes (et on prends un malin plaisir à les identifier. Un vrai effort a été fait au niveau du choix des acteurs et c'est appréciable), on en découvre de nouveaux tous liés de près ou de loin à ceux que l'on connaît. On découvre avec stupeur que le jeune Mikkel y a été transporté et l'intrigue démarre.


Les transitions entre les deux époques se font régulièrement et habilement : elles permettent à la fois de créer des ambiances très différentes et d'aller plus loin dans le développement des personnages de Winden et les rapports qu'ils entretiennent. Le propos SF y est encore traité avec timidité : le voyage dans le temps est effectif et on comprends que futur et passé s'influencent dès la révélation "Mikkel" : le jeune garçon est en fait Michael Kahnwald, le père biologique de Jonas, et c'est parce qu'il a voyagé en 2019 dans le passé qu'il a pu donner naissance à Jonas : le premier paradoxe que le récit propose, et qui va devenir petit à petit le fer de lance de la série.


Bref, beaucoup de mystère, ça tease du très lourd côté SF tout en étant fin et maîtrisé sur les autres aspects, on a envie d'en savoir plus. Les personnages sont nombreux, ce qui fait qu'ils ne bénéficient pas tous d'un traitement très profond, mais il faut les voir comme un "tout" plutôt qu'uniquement les regarder individuellement : c'est la communauté de Winden qui est importante et pas forcément les personnages en eux même. Autant de parti pris courageux et intéressants : c'est intriguant, la série est addictive.


La série va ensuite plus loin en se dirigeant vers d'autres époques : on va plus loin dans le passé, plus précisément en 1953. Le procédé s'use mais reste efficace : on découvre les personnages qu'on connaissait déjà plus jeunes encore tout en creusant encore plus loin dans l'arbre généalogique (qui se resserrent grossièrement entre 4 familles : Nielsen, Kahnwald, Tiedemann et Doppler). Des questions finalement assez sommaires telles que "quoi ? mais en fait, qui est le père de ce mec ?!" deviennent très plaisantes à résoudre. Il reste qu'on commence déjà à sentir une lacune de la série, peut-être finalement inhérent à son propos (la boucle temporelle) : la répétition. Le procédé est paresseux, on est toujours à se demander qui est qui et pourquoi il est la, et la ou de nombreuses scènes pourraient être judicieusement utilisées pour un développement (que ce soit de la psychologie d'un personnage, ou que ce soit pour faire avancer l'intrigue globale), elles servent à amener une énième révélation qui pose de nouvelles questions sur les liens qui eux-mêmes vont poser d'autres question tout en jetant le trouble sur une autre révélation.... Un cafouillis faussement complexe, la série étant en fait assez simple à suivre si on la regarde d'une traite en étant attentif.


Puis vient la mise en scène du futur et de l'apocalypse. La question des enfant disparus devient plus mineure (le cas "Yasin" étant le plus marquant : les personnages n'en ont littéralement rien à foutre) excepté Mikkel, tout comme celle de la condition de certains personnages (l'enquête du détective fraîchement arrivée à Winden, le cas Aleksander) et la encore, c'est un peu chiant : quelque part, on sens que la série a vu trop gros et ne parvient pas à gérer équitablement les différent propos qu'elle veut traiter. On commence à partir dans un délire plus ésotérique très empreint de symbolique (Adam/Jonas, Noah) ou on soulève des questions : les différents personnages ont-ils le moindre libre arbitre, ou sont-ils condamnés à errer dans une même boucle ? Peuvent-ils empêcher l'apocalypse de se produire ?


L'essentiel de ces questionnements va être traité via deux personnages, Adam et Claudia. Et la encore, c'est un peu inhérent au propos traité, mais c'est très cryptique : ces personnages ne peuvent pas s'empêcher de parler en énigmes et devinettes. Ils agissent comme des oracles pour les autres personnages : ils savent tout et vous l'expliquent, et si vous ne comprenez pas c'est pas grave : vous comprendrez plus tard ! Le procédé est frustrant, surtout qu'il est extrêmement répétitif (les lacunes sont de plus en plus difficiles à cacher). Et c'est lent, Dieu que c'est lent ! Comme je le disais plus tôt, un tas de scènes proprement inutile auraient pu (et dû) servir à traiter un propos réellement intéressant. Mais non, elles sont la pour donner une énième révélation (en fait, lui, c'est l'oncle de son fils, mais son fils, c'est sa mère !) qui n'ont plus le même goût qu'autrefois une fois que le spectateur a saisi le principe de Dark et de sa boucle temporelle. Il y a un côté très vide dans ces révélations, tout comme les actions des différents personnages : de toute façon elles ne peuvent mener à rien vu que ça devait nécessairement arriver pour former la boucle qui constitue, en gros, la fresque des événements de la série. Le seul intérêt du procédé devenant de dresser un arbre généalogique bien trop consanguin pour être crédible des personnages de Winden. La série tente de relancer régulièrement l'intérêt en faisant planer le doute (et la, est-il possible qu'il aie crée une genre de divergence ? Il peut empêcher le futur d'avoir lieu?) mais un événement viens toujours invalider cette possibilité, ce qui finit par enlever tout doute, et donc de fait, tout intérêt à la chose. Et il y a trop peu de finalités pour maintenir un intérêt : par exemple, comprendre comment le cheminement de Jonas l'amène à devenir Adam est une carotte intéressante. C'est moins le cas pour un personnage comme celui de Noah.


Peut-être que c'est fait exprès pour illustrer le côté vain d'agir en tant qu'être humain dans un tel cadre (auquel cas c'est réussi) mais je ne peux pas décemment considérer que générer autant de frustration soit une qualité pour une série. Et ça se répète, ça se répète, ça se répète... Les mêmes phrases, les mêmes situations, les même révélations, les mêmes mindfuck "tu croyais que c'était ça, bah surprise, tu te plantes mon con!" tombent et retombent en boucle, et c'est probablement voulu vu que c'est le concept, mais ça devient plat et paresseux au fil du temps et la saison 3 est vraiment l'apothéose de cet enfer, avec le duel Adam / Eva aka Martha aka si je chiale et gueule pas à chaque scène un peu émouvante je chope des boutons qui correspond, en gros, a : "il veut empêcher l'apocalypse ! en fait, non. Quoique...". "Elle veut sauver le monde ! En fait, non. Quoique..." C'est grossier, mais vraiment, si on oublie l'enrobage ésotérique autour de cette opposition, c'est ça. Tout au long de la saison, les auteurs s'amusent à nous balancer sur des fausses pistes en usant et abusant du procédé cryptique : "je reste très évasif sur mes intentions" sur fond de dualité entre destruction et préservation. C'était déjà vomitif chez Claudia et Adam et ça ne change pas ici, ils n'ont juste plus de complexe à dresser des épisodes entiers autour de ça.


....Comme le disait SanFelice dans son très intéressante critique (https://www.senscritique.com/serie/Dark/critique/139962506) le mystère est plus intéressant que son explication, et la série semble le savoir vu l'entrain qu'elle prends à étaler son propos sur plus d'épisodes qu'il n'en convient avant d'avoir enfin le courage d'en finir.


Un autre problème qui se pose dans cette dualité, et c'est finalement extrêmement subjectif, c'est le manque d'affection que je ressens pour le couple Jonas / Martha. Il est très artificiel (normal, il est pensé pour une intrigue plutôt pour que la romance elle même) et le problème c'est que l'amour mutuel qu'ils se portent est en fait au cœur de la tragédie de leur duel. Et c'est très bien imagé avec le leurre de "l'origine" (leur enfant), fausse piste fabriquée sur mesure pour faire oublier au spectateur le principe de trinité (et donc l'existence du 3e univers) : c'est du vent, ça ne sert à rien, ça ne construit rien, ça aboutit à que dalle à part un énième mindfuck oh putain que j'y crois pas, ils m'ont eu, je m'y attendais trop po !


Tout ça avec un petit détail des plus repoussant qui a terminé de faire du visionnage des derniers épisodes un véritable supplice : ces putains de monologues avec un propos soi disant philosophique de la plus affligeante banalité. Les personnages se gaussent de leur propre médiocrité intellectuelle (surtout le fils au bec de lièvre) en sortant EXACTEMENT le genre de citations que vous trouverez en légende sur la photo de profil de votre ado fraîchement sorti du collège. Ce n'est pas pour autant que ça en fait de mauvaises citations, le problème, c'est qu'on sens que c'est utilisé dans l'objectif de rendre encore plus dense l'ésotérisme planant et la réflexion sur l'existence. C'était la pire manière de le faire, la sauce ne peut pas prendre avec de tels procédés. Le simple fait que certains personnages sont des "erreurs", les actions et leur manque de finalité (et donc tout ce que ça soulève sur le libre arbitre) se suffisaient à eux-même pour faire comprendre à un spectateur de plus de 15 ans ce propos, c'était juste pas nécessaire de lui offrir un sous-titre aussi dégradant.


Bon, j'en ai dit beaucoup de mal, principalement parce que la saison 3 fut une purge qui a proposé un contenu foncièrement en dessous de ce que la série avait offert jusque ici, mais j'ai globalement apprécié. Elle mérite d'être vue pour ce qu'elle tente de faire, elle a un tas de qualité, et malgré d'énormes errances dans l'évolution scénaristique du bousin sa résolution est claire et sans équivoque (et Lost sait qu'avec ce genre de truc SF c'est facile de donner un final décevant)


Elle a su grâce à différentes ambiances très soignées, un casting très propre et des costumes / décors aux petits oignons se créer une aura et un mystère singulier. J'espère que Netflix fera l'effort de produire plus de séries de ce genre.


Reprenez une louche de mysticisme sur cette tortueuse image : http://www.noelshack.com/2020-28-7-1594528701-six.png

Ned6Ned
6
Écrit par

Créée

le 12 juil. 2020

Critique lue 1.7K fois

Ned6Ned

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

D'autres avis sur Dark

Dark
limma
7

Critique de Dark par limma

Une série allemande qui rejoint dans son ambiance celles des pays nordiques tant dans sa manière de lier le fantastique au thriller que des décors, mettant bien souvent la nature comme élément...

le 8 déc. 2017

77 j'aime

15

Dark
kochfo
7

Je suis bien perplexe

J'ai regardé en 3 jours les 10 épisodes de cette première saison et je suis perdu. J'ai pourtant, chose que je n'avais jamais fait, pris soin de faire un schéma sur un papier pour essayer de bien...

le 3 déc. 2017

63 j'aime

23

Dark
MonsieurD
4

Très bonne série ... qui s'effondre sur la fin.

Dark est une série vraiment originale qui navigue avec virtuosité en eaux troubles, mais qui s'échoue lamentablement sur les écueils de la simplicité aux derniers épisodes. Une fin de première...

le 13 déc. 2017

60 j'aime

27

Du même critique

Cowboy Bebop
Ned6Ned
10

See you space cowboy

Cowboy Bebop est à ce jour le meilleur animé que je n'aie jamais visionné. Oui, je suis enthousiaste et je pense avoir perdu tout sens rationnel du jugement tant mon amour pour ce monument de la...

le 29 juil. 2016