J'adore la réalisation d'Alex Garland et même si elle est parfois un peu trop... baroque dirons-nous, c'est toujours un plaisir de voir dans quel délire de mise en scène étrange le bougre va tomber. Alors imaginez ma surprise quand j'ai découvert que j'aurais droit à huit épisodes de roue libre totale avec un Garland qui revient sur les terres qui l'ont consacré, à savoir le fameux "techno-thriller". Pourtant, Devs a glissé sur moi comme une goutte d'eau sur un parapluie, autrement dit sans m'affecter et en finissant dans le caniveau.
Et pourtant il y avait de quoi plaire si l'on avait apprécié Ex Machina parce que finalement, à bien y regarder, c'est un peu la même histoire, la robotique en moins. On est toujours sur la figure de l'employée un peu naïve mais pleine de ressource contre le patron de GAFAM aux allures de démiurge illuminé et dont la folie n'égale que le génie. Au centre de ce qui aurait pu être un affrontement dantesque, un mystérieux projet à base d'ordinateur quantique dont on comprend assez rapidement qu'il permet de voir dans le futur et le passé. C'est sur que dit comme ça, on ne peut que s'attendre à des échanges musclés en pleine rue et moult stratégies brillantes de la part de nos protagonistes. Mais il n'en n'est rien car Devs, c'est la forme sans le fond, ce qui est plutôt dommageable dans ce type de science-fiction qui repose pour une large part à la manière dont on ficelle son intrigue.
Il n'y a pas à dire, la photographie, les jeux de lumière et les effets de mise en scène font mouche et on ne pouvait pas en attendre moins d'Alex Garland qui a su se créer un style cinématographique inimitable au service de ses scénarios rondement menés. Car oui, pour ceux qui n'auraient pas suivi au fond, Garland s'est illustré d'abord dans l'écriture avant de se lancer il y a quelques années dans la réalisation et c'est une influence qui se ressent très bien dans Ex Machina ou même dans Annihilation qui, sans pour autant révolutionner leur art, restent efficaces en terme d'histoire. Or dans Devs, c'est comme si tout avait été investi dans le visuel tandis que l'écriture peinait à tenir la distance. Il n'y a qu'une chose à dire, c'est lent pour pas grand chose comme si au fond, le scénario avait été calibré pour un film de deux heures et que le reste n'était qu'un enchaînement de plans efficaces mais redondants, le tout porté par un casting plutôt inégal.
C'est peut-être le problème de fond de beaucoup d'oeuvres actuelles qui sacrifient souvent une bonne écriture sur l'autel d'un visuel à couper le souffle mais en définitive vide de sens. Dans Devs, si on y regarde bien, l'histoire n'apporte rien hormis quelques clichés du tech-thriller: le fameux espion "russe" avec un accent digne de la Guerre Froide, l'homme de main d'apparence débonnaire mais qui est une véritable machine à tuer et bien entendu le personnage dont tu ne te doutais pas qu'il était important mais en fait... si. Mais il n'y a pas d'enquête à proprement parler et Lilly (le personnage principal) ne fait preuve d'ingéniosité qu'une seule fois de toute la série car le reste du temps, elle se fait miraculeusement trimballer vers toutes les scènes d'exposition possibles et imaginables. Autant vous dire que pour une "héroïne", on a fait quand même plus "pro-active" que ça.
La série reste un petit joyau de composition scénique malgré tout et surtout parce que c'est Garland au commande et qu'on peut difficilement s'attendre à être déçu de ses propositions, mais paradoxalement, il vaudrait mieux qu'il se trouve un scénariste digne de ce nom pour sa prochaine tentative.