Dix pour cent
7.4
Dix pour cent

Série France 2 (2015)

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La série est la vaste mise en abîme d'elle-même puisqu'elle traite des films (dont les séries sont issues), du cinéma et des acteurs. On y voit des acteurs jouant un rôle fictif et des acteurs jouant leurs propres rôles, dans un mélange entre fiction et réalité troublant. Tout y est à la fois réaliste et rocambolesque dans ce monde particulier qu'est celui des agences d'acteurs. Mais tout semble coller au réel, tant la série aura fait des émules de part le monde, jusqu'à Hollywood, comme si elle tendait un peu miroir au cinéma mondial.


La série est remarquablement produite. Sa première qualité demeure son casting. Outre les guest qui jouent leurs propres rôles et qui sont des grands noms du cinéma français (ou des nouveaux espoirs), de Fabrice Luchini à Nathalie Baye, en passant par JoeyStarr, Norman, François Berléand, Ramzy, Isabelle Adjani, Line Renaud, Jean Reno, et même Sigourney Weaver dans l'ultime saison et bien d'autres, on trouve un casting d'agents en or, notamment l'impressionnante Camille Cottin qui campe une agent au caractère épouvantable mais à l'empathie réelle, quintessence de la parisienne pressée et moderne. Elle est secondée par Fanny Sidney qui campe une assistante fraichement débarquée à Paris et par qui on découvre l'univers des agences. Elle adopte un jeu extrêmement naturel tout au long de la série, ce qui trouble par moment. Elle incarne la normalité, ce qui immédiatement suscite chez le spectateur l'adhésion. Les autres acteurs de la série ne sont pas en reste, ils incarnent tous des personnages intéressants qui ne sont jamais lisses, que ce soit Thibault de Montalembert ou Nicolas Maury . Mais de tous les formidables acteurs, car c'est une série d'acteurs avant tout, très théâtrale à ce titre, c'est Laure Calamy qui m'a le plus impressionné. Un charme extraordinaire, un charisme hallucinant. Son personnage de secrétaire un peu maladroite et légère, va prendre au fil des saisons une épaisseur insoupçonnée et Laure Calamy nous régale de numéros grandiloquents, avec ce personnage qui oscille entre joie extatique et mélancolie en permanence (une actrice à suivre dans le futur).


L'écriture des personnages est un point fort de la série comme son écriture en général. On pourra lui reprocher d'abuser des deus ex machina et des retournements de situation en permanence mais une série c'est avant tout des rebondissements au sein d'un univers familier. Quelques situations sont assez jouissives, notamment l'épisode avec Fabrice Luchini qui discute avec Camille Cottin. Les acteurs qui se prêtent au jeu et qui jouent leur propre rôle font preuve d'une bonne dose de second degré et de refus du sérieux. Ils n'hésitent pas à se chamailler, comme c'est le cas avec Julie Gayet à qui JoeyStarr demande si elle a quelqu'un en ce moment, que ce soit avec François Berléand qui se moque de son propre caractère, de Nathalie Baye et de Laura Smet qui se chambrent entre mère et fille, de Norman, qui subit sa médiatisation auprès des ados et même Julien Doré, qui apparait dans plusieurs épisodes.


Plus la série avance, plus elle s'offre du luxe, finissant avec des castings prestigieux, Jean Reno et Sigourney Weaver, ou encore Charlotte Gainsbourg. Elle prend de l'ampleur, bien qu'elle se précipite et se répète et consciente qu'elle a fait le tour, s'attache à fermer toutes les portes ouvertes. Le dernier épisode s'offre quelques moments de grâce où les notes du Grand Bleu résonnent tandis que Jean Reno retrouve grâce à ses agents l'envie de jouer, ou encore lorsque l'agence ASK va définitivement fermer ses portes, coulée de l'intérieur et où tous les personnages principaux viennent comme au théâtre faire un ultime tour de piste, avant que les lumières ne s'éteignent et les engloutissent, comme sur scène.


On pourrait croire que le contexte franco-français est un handicap mais les enjeux de la série sont universalisables, avec un cadre connu de tous, Paris, et des ponts lancés vers le monde que ce soit Cannes ou différents auteurs, acteurs, réalisateurs internationaux qui émaillent le film. Beaucoup d'allusions sont faites aussi à des films étrangers et des acteurs étrangers, renforcant l'idée d'un cinéma mondialisé. Et, les tractations des agents sont une constante de ce milieu particulier de la production. La série d'ailleurs permet de faire le tour des acteurs du milieu : de producteurs en agent, de technicien en réalisateur, n'hésitant pas à pointer du doigt les vices et les défauts de ce milieu hors norme. Le propos est souvent cruel, derrière la comédie et la bonne humeur qui se dégage de la série. Les tractations, les combines, l'argent infusent le cinéma, sans parler des rivalités et des guerres entre acteurs, réalisateurs, producteurs. Ce petit monde très argenté semble couper des réalités tangibles des Français et pourtant la série parvient à l'humaniser.


Série résolument moderne, elle apporte un vent de fraicheur à l'univers des séries françaises souffrant souvent d'un manque de moyens et d'ambitions. La série ici offre un écrin au microcosme du cinéma, elle désacralise ses monstres sacrés tout en les humanisant. Elle offre un regard pour le spectateur sur la machine et le merveilleux, un peu comme les coulisses d'un théâtre dont on découvrirait les fils, les décors et les trucages, non sans déception ou sans émerveillement, un monde humain parfois aussi splendide que surfait. Les frontières entre la réalité et les fantasmes sont ici ténues, le mirage et l'illusion couronnent le pragmatisme des agents d'acteurs, nous donnant finalement une belle définition de ce qu'est le cinéma.

Tom_Ab
7
Écrit par

Créée

le 8 janv. 2018

Critique lue 434 fois

3 j'aime

Tom_Ab

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