Dracula
5.9
Dracula

Série BBC One (2020)

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Alors, alors, je viens de finir cette mini-série, qui parait-il n'aura qu'une saison (tant mieux), créée par deux bonhommes que je connais bien parce que je suis une grosse fan de Sherlock: Steven Moffat et Mark Gatiss - associés à la même équipe, Sue Vertue à la prod, Arwell Wyn Jones aux décors et accessoires, Paul McGuigan à l'écriture, David Arnold et Michael Price à la musique, etc, plus bien entendu plein de gens nouveaux que je ne connaissais pas.


Je prend le temps de noter ça parce que ça fait plein de têtes connues pour lesquelles je m'étais prise d'affection en tant que fan de Sherlock (et en ce qui concerne les compositeurs, c'est une affection bien plus ancienne, parce que oui j'ai un peu de culture messieurs dames.)
Pour moi ça a son importance, parce que retrouver ces gens c'est un peu sympa, et autant d'habitude je me fait pas d'attentes autant là j'avais un peu hâte de les retrouver.
Et ça va jouer aussi sur le degré d'indulgence que je peux avoir.


Mais on ne va pas y aller par quatre chemins, les retrouvailles bien qu'émouvantes (pour moi, eux ils me connaissent pas alors ils s'en carrent - surtout mofftiss mais j'y reviendrais), ont été un peu chiantes et décevantes.


La série est très bien, très bien filmée, la photographie est sublime, les acteurs excellents, la musique est chouette, les dialogues sont très bien écrits, tout est bien. Alors pourquoi je suis déçue?
C'est simplement que Dracula est filmée de façon très classique, alors c'est bien, mais JUSTE bien.
Il n'y a pas de surprises, rien de bien innovant dans la façon de raconter l'histoire - et non le saut dans le temps au troisième épisode n'y peut rien.


Petite technique qui si vous connaissez Mofftiss semble dès le départ attendu (ils l'ont fait pour Sherlock mais aussi pour Jekyll que je n'ai pas vu). Ca m'a fait vivre un petit paradoxe: je ne m'y attendais pas, mais en même temps si. C'est juste qu'au début je me suis dit qu'ils allaient faire ça parce que c'est une innovation qui à fait leur succès, mais au bout d'une petite minute je me suis dit qu'ils n'allaient pas le faire parce que ça serait trop attendu, et donc trop facile. Je pense qu'on sera assez d'accord pour dire qu'au bout de la deuxième minute on espérait même qu'il ne le feraient pas.
D'un certain point de vue, ils ont un peu réussi à amener ça d'une façon différente que dans Sherlock, et c'était pas idiot d'utiliser la longévité de ce personnage pour jouer avec les époques.
Le problème c'est que cette idée n'est supportée que par elle-même. On fait un fast-forward, oui, mais pour quoi faire? Pour montrer quoi?
In fine, ce saut d'une époque à l'autre perd son intérêt, là où Sherlock dans le monde moderne soulevait nombre de problématiques qui insufflaient au personnage une nouvelle dimension.
Dans Dracula, Dracula reste Dracula, on ne lui voit pas d'autre dimension que celle, classique, du suceur de sang effrayé par les crucifix, et ce même si cet aspect là du mythe connait une petite nouveauté, bien appréciable par ailleurs.
Je dirai, en somme, que mettre les personnages dans le monde moderne ne suffit pas à moderniser le texte - Dracula est une adaptation relativement fidèle et classique de l'oeuvre originale.


Dracula se pose donc en cas d'école: faire bien, ça ne veut pas dire que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Dracula aurait pu prendre beaucoup plus de risques, frôler le génie même, si Moffat et Gatiss s'étaient attardés sur le fond autant que sur la forme.
Et je ne dit pas que le fond n'est pas bon, il y a un degrés de lecture intéressant, mais j'ai le sentiment que Dracula manque de profondeur. Il manque d'âme, tout simplement.


Pardon, je ne peux m'empêcher d'aller de l'un à l'autre, mais ce qui faisait que Sherlock était unique et aussi bonne, c'était son âme. C'était la sensibilité avec lequel était traité le personnage, on allait au fond de ses faiblesses, de ses peurs, de ses émotions, et c'est ça qui en faisait un personnage infiniment intéressant et passionnant.


Et je vais bientôt en revenir à ce que disais dans ma parenthèse, plus haut - au bout du compte, à la base, le problème c'est que quand ils ont commencé à écrire Sherlock, Moffat et Gatiss avaient un truc qui s’appelait l'humilité.
Si on regarde bien, c'est à peu près après le succès monstrueux de The Abominable Bride que tout s'est mis à partir en sucette. C'est très triste mais dans le fandom on s'en était aperçu à peu près à ce moment là, surtout les fans qui ont pu assister aux conventions. Je peux vous dire que ces deux-là ont un mépris assumé de leur fanbase, parce que selon eux, le fan est un fanatique (si si cette phrase fait sens). Ils ont perdu le respect qu'ils avaient de leur audience, et ça s'est ressenti chez Moffat dans sa façon de produire ses dernières saisons de Doctor Who, et pour les deux dans la façon dont la saison 4 de Sherlock est menée, avec grandiloquence mais aussi trouée par les incohérences qu'un gruyère.


Dracula, je m'y attendais un peu honnêtement, en pâtis énormément. C'est une série grandiloquente, mais qui manque d'humilité et donc d'un traitement plus subtil des personnages.
Les choses sont posées de façon assez grossières, mais suffisamment bien pour qu'il soit impossible de dire que Dracula n'est pas une bonne série.


Je finis cette critique par quelques notes en vrac:


Il y a du subtext et beaucoup de références (notez Caspar David Friedrich par exemple, ça va vous servir), et j'ai trouvé ça plutôt amusant.


J'aime ce qu'ils ont fait de Van Helsing, avant le saut dans le temps, je trouve le personnage très bien écrit - je me fiche pas mal du gender-swap mais ça appelle à une vieille théorie sur le personnage original et je trouvais la référence sympa. Et tout en soulevant le problème de l'invisibilisation des femmes dans la culture et les sciences ils n'en font pas des caisses avec - on se dit "cool" et on passe à autre chose, et j'aime assez que ça ait été rendu anecdotique.


Je suis Arwell Wyn Jones sur Instagram et je vais vous dire qu'il est tellement fier de son taf que je ne peux pas avoir une pensée pour lui, il fait vraiment du bon boulot et ça se sent qu'il aime passionnément son travail.


Gatiss est un gros fanboy et ça se sent. Je vous apprends peut-être que le genre horreur (surtout les vieux classiques de l'horreur) est un genre sur lequel il a beaucoup travaillé et qu'il affectionne particulièrement. Il a une connaissance quasi encyclopédique du sujet, on peut pas lui enlever ça, et on le perçoit bien dans la série, le sujet est traité avec un background solide de connaissances et de références culturelles propres au genre.


Un point mi figue mi raisin - l'aspect LGBT du truc. Oui alors déjà, on va arrêter deux minutes de parler de "représentation forcée" c'est de la grosse connerie. On existe irl, on va exister dans les films et séries, c'est logique, alors on va se calmer, moi je parle pas d'hétérosexualité forcée et je chiale pas "oui mais je m'en fout de leur vie privée" chaque fois que je vois un couple hétéro ken dans un film ET IL Y EN A.
Personnage est annoncé gay/lesbien/trans/autres AHHHHHhhhhhh non je veux pas savoir ce qu'ils font au lit OMG
Personnages hétéros font l'amour à l'écran Non je ne vois pas le problème.
Bande de cons.
Les personnes LGBT sont largement sous représentées, ça par contre c'est un fait.


Bon, maintenant que ça c'est clarifié: ici comme représentation LGBT on aura beau vous dire "ah gna gna il est gay", ça reste dans le domaine du subtext - ou au plan secondaire. Au début, une ligne pour insinuer que Mina est bisexuelle et qu'elle et Jonathan sont un couple libre, et quelques flashs qui insinuent que Dracula aurait une emprise sexuelle sur ses victimes, et les deux personnages secondaires dans une relation homosexuelle cachée (ce qui somme toute reflète une problèmatique courante à l'époque, les personnes homosexuelles pouvaient rarement afficher leurs relations au grand jour, alors qu'un homosexuel se marie pour la façade c'était très commun). Alors déjà merci pour l'image du gay prédateur, ça faisait longtemps, et ensuite, comme chez Sherlock, ça se mouille pas trop. Donc pardon mais on est un peu loin d'une représentation LGBT saine et accurate. Et encore une fois, le fan averti n'est pas surpris. Mais on en est vraiment au point où toute représentation est bonne à prendre, au moins on existe, et de façon quasi anecdotique. Je vous rappellerais vite fait que Gatiss exprimait il y a quelques années son envie que les personnages courants (voire stéréotypés, dans son exemple il parlait du détective d'une série policière) soient "incidentally gay", c'est à dire qu'ils soient LGBT sans que ça soit mis en avant. On peut dire que jusque là, dans Dracula au moins, c'est ce qu'il a fait. Le souci étant que chez lui habituellement ça se traduit par "on laisse tout dans le subtext", ce qui équivaut à ne rien représenter au final. Ici les choses sont un poil plus explicites, mais on en est pas là.
Donc: c'est bien, mais c'est pas encore ça. Ceci dit c'est suffisant pour que les gens chialent à la "représentation forcée". Pauvres chous.
Je noterais aussi que de toutes façon il y a de nombreuses études littéraires qui expliquent en long en large et en travers que l'original est hyper chargé en subtext homo-érotique, je vous renvoie notamment vers une jeune femme dénommée Brontë Schilz (de la Manchester Metropolitan University) qui nous a pondu une thèse (ou un truc dans le genre) sur le sujet du subtext homo-érotique dans la littérature victorienne. Enfin c'est pas la seule, mais elle je la connais.
Du coup râlez pas pour ça dans la série, c'est juste là dès le roman (que j'ai lu et en effet) - par rapport à ce qui était déjà là ils révolutionnent pas la roue, quoi.


J'ai vu aussi quelqu'un (sur Sens Critique) s'enflammer parce qu'il y a des nonnes noires et asiatiques dans le couvent roumain. Alors mec, first news: oui il y avait des noirs et des asiatiques dans le monde bien avant 1920. Ca me sidère qu'on en soit encore à prendre note de ce genre de détails. Et là aussi on parle de représentation forcée. Venant du showrunner qui nous à fait chier parce que selon lui y'a pas de noirs dans l'armée anglaise de je-ne-sais-plus-quelle-époque (cf Doctor Who), alors que plot twist: SI, y'en avait -, ça me fait doucement rire. En tout cas je te confirme, la diversité ethnique ne date pas d'hier, donc oui, y'a des nonnes noires et asiatiques que j'avais juste pas remarqué avant que tu pointe ton gros doigt dessus. On s'en branle putain, remettez vous. Même si la représentation était forcée, ça change quoi dans votre vie au final? T'as vu un gay et une noire à la télé, ouah, c'est vrai que c'était horrible. Et vient pas me jouer la carte de l'inexactitude historique, parce que je te signale quand même que les personnes LGBT et les personnes racisées n'ont pas été inventées au vingtième siècle.


Là où en revanche je retombe un peu d'accord avec le monsieur, c'est que la plupart des personnages sont traités de façon superficielle, on ne va pas, là non plus, au fond des choses, et ils sont unidimensionnels.


Autre critique lue (oui parce que je lis beaucoup les critiques des autres quand j'écris les miennes): cette fois-ci on note le manque d'horreur, de frisson, et là je dit: mais carrément. Mais je suis un public difficile, j'ai quasiment jamais peur devant les films d'horreur, j'ai été biberonnée à ça très tôt, du coup je note pas trop le manque de frissons, parce que les gens en général perçoivent ça plus que moi. Mais en effet, j'ai pas trop vu l'aspect horreur de la série, mais en même temps, c'est pas ce qu'il y a de plus important selon moi - ou en tout cas c'est pas le souci numéro 1.


Voilà, ma critique s'achève ainsi - on notera en conclusion que la série est bonne mais manque d'âme. Je vous invite quand même à la regarder, ça ne dure qu'une heure trente et ça reste intéressant. Simplement, pour moi il manque quelque chose, elle était à un poil de cul près d'être géniale.

Keagan_Ashleigh
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le 6 févr. 2020

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Keagan Ash

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