Emily in Paris
4.5
Emily in Paris

Série Netflix (2020)

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Une demande de @JakeElwood, qui brûle d'avoir mon point de vue sur ce chef d'œuvre. Cette série est pourtant bien médiocre pour écrire un brûlot. Même les réseaux sociaux, toujours à la recherche d'un bon mot, n'ont rien trouvé de bien innovant à moquer passée la bande annonce.


Et en effet, l'histoire est d'un niveau téléfilm. Une telle série n'aurait sans doute pu voir le jour (ou tout du moins avoir le budget) sans un grand nom accolé. L'écriture est faible et tous les retournements sont attendus - quand ils ne le sont pas, c'est qu'ils sont mal amenés (love interest a une copine), mal écrit donc.
La seule originalité c'est le décor. Ironiquement c'est sur ce point que se portent toutes les attaques. Pourtant, la même histoire à Portland n'aurait jamais attiré l'attention.
Bravo donc pour le concept marketing !



Une occasion manquée



Le bruit vient probablement de la déception de se voir si mal caricaturé. Effectivement la série aurait pu se passer n'importe où : elle a été écrite sans la moindre connaissance du pays, juste une idée superficielle.
Pourtant le Français adore être rabroué, incompris dans le meilleur sens du terme (moi aussi je peux faire des généralités). Sa longue histoire d'amour vache avec ses voisins européens et sa rage du débat de société fait qu'il adore qu'on parle de lui, même en mal (cf. la carrière de Paul Taylor) Par contre le Français, s'il est toujours prêt à rire de ses défauts, a besoin d'exactitude : étant son premier critique, il connaît ses faiblesses et attend un regard tout aussi aiguisé sur sa personne (narcissique ? si peu…). Être sous-documenté, fait perdre le droit de se moquer. Et c'est là le défaut de cette série.
Les rares sourires arrachés viennent d'ailleurs de scènes où le soi-disant comique d'observation a laissé place à la franche création humoristique (de bien grands mots…)


Contre-exemples de caricatures de qualité :
- 2 Days in Paris / 2 Days in New York
- Marina Rollman à Montreux
- Dix pour cent (milieu professionnel com/luxe dans les beaux quartiers)



Un mauvais esprit évident



Le public aurait sans doute plus majoritairement adhéré (en France comme à l'étranger) si ces caricatures grossières ne s'étaient pas vu accolées à une ferme condamnation de la part de l'héroïne éponyme. Elle représente le Bien et le Bon Sens, tandis que ces européens décadents vivent dans le passé et ne comprennent rien aux réseaux sociaux, à la santé, au féminisme et même à leur propre clientèle, etc.
S'il est agréable de voir des acteurs réellement français, jouer des français (je vomis Marie Calvet jusqu'à la fin de l'éternité), on sent qu'ils n'ont joué aucune part dans l'écriture. La série aurait pourtant été vraiment innovante.


Le péché principal est finalement le manque total d'affection et même d'intérêt (/de curiosité intellectuelle) du personnage pour le pays et la ville, réels ou imaginés.
A quoi bon la France si son charme est inopérant ?


Et pourtant, Emily est apparemment séduite par les bâtiments et les hommes mûrs (plutôt bof, têtes de capitalistes libidineux, teints halés et cheveux mi-longs).
La vision de touriste par excellence, rien de consolant.
Les personnages français positifs ne sont pas vraiment très français (au sens où la série l'entend), ce sont plus des interprètes et des sortes de guides touristiques.



Comment rattraper le coup sur les prochaines saisons ?



Concept !
Après la saison 1, rose bonbon, Emily commence à voir progressivement la réalité.
Saison 2 : l'image devient moins colorée.
Elle se rend compte qu'elle a claqué tout son argent en fringues, terrasses et loyer, commence à râler de plus en plus, évite les coins à touristes, porte moins de trois couleurs, se rend compte que les seuls mecs qui ne sont pas gays en com' sont casés ou du service IT, qu'il y a des SDF partout…
Saison 3 : Image grisâtre de film français.
Elle déménage, ne sort plus que Rive gauche, porte un masque pour faire ses courses à Franprix, scrolle sur Tinder, se débarrasse de ses talons, teste un nouveau burger locavore trouvé sur Insta avec une déco jungle urbaine, envisage de bouger en banlieue pour ne plus être à Paris le weekend, marre de croiser des rats la nuit !
Saison 4 : Image en noir et blanc.
Emily rentre à Chicago mais ne s'habille plus qu'en noir, se plaint à voix haute du manque de conversation des américains et bassine tout le monde avec sa vie à Paris. On finit par lui confier le management de comptes français, sa hiérarchie se rend compte qu'elle perd des clients parce qu'elle ne parle toujours pas la langue. Elle est licenciée et ouvre un salon de toilettage canin itinérant : La Chien Française.
LA FIN


A noter, la base de départ avait pourtant un grand potentiel : quoi de plus exotique pour un Etasunien que de découvrir le point de vue français sur leur propre pays, les relations amicales, l'amour, le travail etc. ?
Un filon littéraire et médiatique s'est d'ailleurs développé sur ce créneau : Bringing Up Bébé, French Women don't get fat, et autres Instagrammeuses (justement)…

Æsahættr
5
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le 21 oct. 2020

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Æsahættr

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