Euphoria
7.8
Euphoria

Série HBO (2019)

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Une jeunesse filmée non pas comme elle est réellement, mais comme elle exige d'être vue...

Allons-y tout de suite.


Euphoria n'embrasse rien du monde occidental des années 2020, de l'adolescence qui y baigne, de sa réelle violence et de sa complexité : Euphoria n'est qu'une instance de validation narcissique : « nous sommes perdus, malades, suicidaires, mais nous sommes beaux et cool ». Elle assume de montrer – contre toute éthique artistique et intellectuelle - une morbidité sociologique bien réelle mais filmée en travelling ralentie de 2 secondes, en plan futilement compliqué (pas plus de 4 secondes), en éclairage LED insupportable (et dont on devine la date de péremption pour très vite), un montage ultra rapide et pseudo-didactique digne du pire cinéma des années 90 (cf la voix off d'une adolescente brillante, désespérée mais lucide (lol)) : mais là où Scorsese, en 20 secondes, nous montrait le fonctionnement réel d'un casino des années 70, Euphoria nous cache tout du monde d'aujourd'hui. En effet, sous des millions de couches esthétiques (massives comme du plomb) : effets de caméra stylisés, lumières électroniques, (ces put.... de LED !) et de dialogues superficiels, se cachent – peut être – une forme de réel : le narcissisme immense de cette jeunesse élevée par les réseaux sociaux et la publicité de soi, qui - nécessairement - en découle. Nous voyons des adolescents comme ils se fantasment, non comme ils sont. Ici pas de regard extérieur (celui de l'artiste, du metteur en scène) posé sur eux : juste un regard maltraitant d'adulte qui épouse absurdement leur narcissisme et leur déchirement. Euphoria témoigne d'une volonté acharnée de ne pas représenter la jeunesse d'aujourd'hui, de la réduire à des stéréotypes publicitaires post-moderne, des avatars numériques éclairés à la LED (à croire que tous les adolescents ont des LED dans leur chambre !) « en mode » clip de rap.
Dans Euphoria, la jeunesse est filmée non pas comme elle est réellement, mais comme elle veut être vue, comme elle exige d'être vue : cool, dépressive, brillante, hyper sexualisée, putassièrement esthétique.
Euphoria semble avoir été réalisé par les lycéens eux-mêmes : comme si on avait laissé aux nazis (j'emmerde le point Godwin !) le soin de se filmer en hommes modernes, cultivés et acculés par la bêtise du monde extérieur. En les montrant en clair/obscure, beaux et mélancoliques, Euphoria ne respecte pas la souffrance (réelle) de ses personnages, elle ne dessine pas la rudesse du monde, l'absurdité de leur vie numérique parallèle. Euphoria est le pire du pire d'aujourd'hui : car comme le dit Xavier Dolan : « les réseaux sociaux c'est juste le pire de notre époque » - et au lieu d'en faire la critique, de la disséquer, de l'éclairer, Euphoria l'esthétise, la rend cool et en réalité ne fait que la valider.
On se prend à rêver à Larry Clark, à sa vision frontale, crue et sans servilité de l'adolescence - voir le premier plan de « Kids » : les corps sont imparfaits, la lumière est réelle, les expressions juvéniles sont émouvantes de malaises, de maladresse et de peurs ; la vie se déroule, et le témoignage a la puissance de la vérité. Créer des mythes ce n'est pas mentir sur le monde, c'est tout le contraire : c'est recréer le monde tel qu'il est.
La chaine HBO, traditionnellement une des plus adulte - à l'ère d'un wokisme névrotique - semble perdu dans cette série clipesque, narcissique et navrante sur le plan narratif. Euphoria dégouline de moyens technologiques, moyen qu'elle met à la disposition d'une propagande morbide.

Olivier_Verduzen
1

Créée

le 19 mars 2021

Critique lue 900 fois

6 j'aime

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6
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