Euphoria
7.8
Euphoria

Série HBO (2019)

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Les œuvres destinées à un public ado ? Mon plaisir coupable.
Les drames ? Il faut que je me mette dans une humeur particulière pour les apprécier.
Quand ce jour est enfin arrivé, Euphoria me promettait une série à l’esthétique pop dans un cadre réaliste. Tout un programme.


Et pourtant, je l’ai dévorée comme une glace mystère. L’aspect rond, sucré, bon, c’est l’esthétique jolie et la musique qui colle à l’ambiance.


Puis, on goûte les petits bouts de noisettes caramélisées délicieusement sucrés et pétillant. Ça nous donne le début des intrigues de Rue et Jules qui se veulent authentiques (mentions spéciale au jeu des deux actrices) et des perso et situations peu ou pas représentés ailleurs (transidentité, nu frontal masculin, addiction sérieuse, personnage gros qui ne devient pas mince, etc.)


Et puis, plus on perce cette première couche, plus il y a cette glace vanille fade qui se rajoute et prend le dessus. C’est le malaise que je ressens de plus en plus au fur et à mesure du visionnage.


Vous allez me dire que c'est voulu, de représenter un genre de réalité crue, misogyne, des viols, des penchants pervers peu assumés avec un côté sombre. Oh, ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de choses (merci skins et thirteen, entre autres) et pourtant je le sens, quelque chose cloche.


Les petits sursauts très irréalistes et absurdes ? Non, ça sort un peu de l’histoire, mais ça colle aux visuels.


En reprenant une cuillère, je crois que je tiens quelque chose : Pas un seul personnage féminin qui envisage le sexe comme une activité où l’on reçoit un minimum de plaisir. Pas un plan sur des capotes ? Aucune meuf qui semble utiliser un moyen de contraception dans un rapport hétéro et un sempiternel arc de la fille mal dans sa peau qui se "libère" par la sexualité.


Alors oui oui, ça déroule son histoire avec un ton edgy, un cringe assumé, sur fond de drama pour pousser plus à fond les potards d'une adolescence désenchantée, aux parents absents, dans un cadre se voulant réaliste mais qui ne l’est absolument pas.


Les noisettes ont disparus et soudain je saisi ce qui ne va pas : ici, les héroïnes lycéennes se nomment « affectueusement » salopes quand elles ont une vie sexuelle, n’ont pas de problème à coucher avec des mecs de plus de 40 ans (ou de leur montrer leurs sous-vêtements), ont presque toutes des styles vestimentaires très sexy parce se serait « la seule façon » de s’affirmer adolescente. Elles acceptent quasi toute proposition sexuelle et font plaisir à leurs partenaires sans rien demander en retour.


Dis comme ça ça fait quand même vachement plus fantasme d’un vieux mec que série edgy sur l’adolescence, non ?


Une piste de plus : la représentation des relations homo : entre femmes c’est sexy, vivant, érotisé, confondu avec l’amitié et mignon mais triste. Entre hommes, on a le droit à une séance animée ou bien à des perso gays refoulés.


A cet instant, vous vous apprêtez à dire en commentaire que je suis dure avec la série, que je me concentre sur des détails et que je n’ai pas abordé les hommes, décrivons les alors :



  • des esthètes qui gardent tout à l’intérieur et expriment leur sentiment par la colère, le refoulement, etc.


    (et qui continuent d’être ainsi en toute impunité)


  • un dealer qui aurait presque pu être sympathique


    (s’il ne vendait pas des drogues dures à des mineures)


  • un ado normal, le seul personnage pour lequel j’ai un peu d’empathie


  • les autres ado ? Cherchez pas, ils n’ont même pas de nom, alors une personnalité...


  • une majorité d’adultes dysfonctionnels



Plus de vanille, me voici arrivée à la meringue hyper dure, sans goût si ce n’est l’amertume qu’elle laisse dans ma bouche.


C’est ça un drame adolescent des années 2020 ? une série pleine de drama et de sexisme où on montre que c’est pas bien mais normal, esthétisé, intériorisé. Cela sans recul.


Les héroïnes font du shopping, se maquillent, portent des sapes sexy et font du sexe. Elles n’ont pas de passion, peu de loisirs, une semaine devant la télé et elles kiffent ne rien faire. Elles sont aussi volages, infidèles, superficielles et très superficiellement traitées. Elles se parlent à peine ou pour dire des banalités ou s’engueuler (ou alors c’est raconté en voix off). Et la super amie, mignonne, qui est plus « timide », pas aussi sexy que les autres bah elle est juste pas développée, un personnage de soutien et puis c’est tout. Ça fait pas rêver, hein ?


Dommage d’attendre l’avant-dernier épisode pour donner un peu de profondeur et un loisir au personnage de Cassie. Dommage que dans cet univers 10 jours de cocktails (sans alcool) vous rende gros à vie. Dommage qu’un personnage devient « un peu pute » parce qu’il cherche du sexe via des applications et s’habille sexy. Dommage que le personnage qui semblait s’épanouir via internet se sente trop imposteur et au lieu de continuer à écrire se mette à faire des show exhib (ça aurait été terrible de se soustraire des regards masculins et de chercher l’admiration de ses pairs).


Les héros gardent tout pour eux, ne se posent pas de question sur leur physique (sauf les muscles), font du sport, baisent des meufs, insistent quand elles sont pas trop chaudes, disent qu’ils baisent, ne parlent pas de leurs problèmes et veulent rendre papa fier. Papa qui pousse vers les clichés virilistes. Ils se sentent puissants, à la fois protecteurs mais possible agresseurs des « plus faibles ».


Franchement, c’est dispensable et comme le dessert glacé, vous n’y succomberez pas tant que vous vous rappellerez de son goût et qu’il y aura autre chose à se mettre sous la dent.

dame-parapluie
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le 30 avr. 2021

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