J’avoue, j’ai eu du mal à m’y mettre malgré tous les encouragements, et les récriminations ne comprenant pas mon recul sur cette série.
Et puis, une fois, j’ai réussi à franchir les deux premiers épisodes, et là, on se fait prendre dans les filets et les engrenages scénaristiques. Il faut avouer qu’il est rare qu’une série offre dans son premier épisode une scène de décapitation, une scène de défenestration enfantine, une scène de levrette incestueuse.
Car, oui, on ne nous épargne rien. On baise (souvent en levrette ou en sodomie), on trucide (de manière rarement doucette).Donc, oui, c’est violent, c’est noir, mais en même temps, c’est diablement intelligent et touffu.
Les personnages sont tous très fouillés, et évoluent au gré des intrigues. Personne n’est totalement noir, personne n’est totalement blanc. Parfois, ce que l’on peut considérer comme des qualités se retourne contre les personnages (Ned Stark meurt de n’avoir pas voulu transiger et avoir voulu rester droit). À l’inverse, ceux qui ont des défauts marqués survivent (Cersei est le personnage le plus emblématique sur ce point).
On assiste à ce qu’il convient d’appeler la série la plus politique développées sur un long terme. On est loin des intrigues de couloir d’HOUSE OF CARDS (quoique…), on est plus dans les petits jeux de trahison et d’opportunisme. Ceux qui sont les ennemis d’hier peuvent devenir les alliés de demain.
Les personnages purs sont souvent obligés de rogner sur leur pureté originelle pour survivre (Sansa, Jon Snow) ou alors ils meurent (la fille de Cersei, Ned Stark).
On a plusieurs histoires en une qui chacune prise séparément pourrait être une saga :
-l’histoire de l’homme qui ne voulait pas être roi, car bâtard (mais en fait non), et qui se retrouve à devoir choisir entre l’amour et la raison.
-l’histoire du fils maudit, car différent physiquement, mais qui, grâce à sa sagacité, se retrouve à conseiller les puissants et vivre tous les événements importants aux premières loges.
-l’histoire d’un amour impossible entre un frère et une sœur qui va conduire ce dernier à commettre maintes fois l’irréparable.
-l’histoire de deux frères, limiers et gardes chiourme du souverain et de sa famille, qui vont finir par s’entre-déchirer, car leur haine est plus forte que tout.
-l’histoire d’une jeune fille qui va devenir femme par le viol et les souffrances qu’elle va endurer (valable pour deux héroïnes).
-l’histoire d’une gamine qui va se révéler un des plus fins assassins du royaume.
Et j’en passe…
Esthétiquement bluffant (chaque zone de l’histoire a sa couleur, souvent déclinée elle-même en sous couleurs attribuées aux personnages), la série réussit l’exploit malgré sa densité de ne jamais nous perdre.
Il ne fait pas bon s’attacher aux personnages, car ils peuvent disparaître de manière très rapide et brusque, voire violente. Certains épisodes nous laissent un goût amer dans la bouche, et un malaise certain (par exemple, celui de l’assassinat de Cathelyn Stark).
La dernière saison nous offre deux épisodes très éprouvants avec les deux batailles, sous tension permanente. Et la fin est assez remarquable, avec ce qu’il faut d’émotion et de dramaturgie.
On est dans un perpétuel mélange des genres : LES ROIS MAUDITS version CONAN, la tragédie grecque version Franck Miller, le drame shakespearien revu par le Marquis de Sade, l’heroic fantasy à la mode DALLAS.
Une vraie réussite.