GeGeGe no Kitaro
6.9
GeGeGe no Kitaro

Anime (mangas) Fuji TV (2018)

Si vous avez lu mon compte-rendu sur le manga Showa-shi, que je recommande, peut-être vous souvenez-vous du nom de feu Mizuki Shigeru (1922-2015) l’auteur de Gegege no Kitarô.


Gegege no Kitarô (Kitarô le repoussant en français) est une série de mangas écrite entre 1960 et 1969. Elle nous raconte les aventures du protagoniste Kitarô et ses rencontres avec des yokai, esprits ou phénomènes supernaturels issus du folklore japonais, ou autres monstres de différentes mythologies. Cette oeuvre continue encore aujourd’hui d’être une franchise très célèbre malgré son âge et des débuts bien plus humbles.


En effet, l’existence de Kitarô remonte aux années 1930 et sous la forme du kamishibai (histoires contées en rue à l’aide d’illustrations) avant de passer dans les mains de l’artiste Mizuki Shigeru qui en 1960 l’adapte en manga sous le titre d’Hakaba Kitarô. En tant que maître d’histoires d’horreur, Mizuki fait bien trop peur pour que son oeuvre puisse réellement décoller et il faut attendre 1967 pour qu’une nouvelle itération, sous le nom de Gegege no Kitarô, plus accessible auprès du jeune public, explose en popularité et fasse la renommée de son auteur.


Pour vous donner une idée de son succès, pas moins de sept séries de japanimation ont été produites depuis 1969, une dizaine de films, animés ou en live-action, ont été projetés en salles de cinéma, et encore plus de jeux-vidéos ont été programmés en son nom. De manière plus générale, Gegege no Kitarô a contribué à une remise au goût du jour des yokai, leur conte ainsi que leurs représentations, sans compter son influence sur d’autres franchises, comme Yokai Watch.


Ce n’est donc pas une surprise de voir une nouvelle adaptation apparaître en 2018 pour fêter son 50e anniversaire. Cette nouvelle série s’étend sur deux années entières avec une diffusion de 97 épisodes prise en charge par le mastodonte Toei Animation sous la supervision du réalisateur Koji Ogawa (World Trigger, Precure) ainsi que du scénariste Hiroshi Onogi (Macross, Eureka Seven).


Pourtant, on ne peut pas dire que Gegege no Kitarô soit très connu chez nous et si le grand public en a déjà entendu parlé, c’est généralement lorsqu’il a été annoncé que ce dernier allait remplacer leur bien aimé Dragon Ball Super. On a déjà fait meilleure première impression.


La principale raison de la faible attraction de Gegege pour le public occidental reste son label de « série pour enfants » qui l’accompagne. La catégorisation des genres et de l’audience est souvent très utile, et même indispensable lorsque l’on est un spectateur occasionnel, mais a ses limites (Avatar the Last Airbender est un exemple évident). Dans le cas de Gegege no Kitarô, il n’y a aucun doute que la série s’adresse principalement à un jeune public. Je ne dis pas cela seulement parce que ses épisodes ont été diffusés le dimanche matin ; cela se voit également avec les pouvoirs magiques de Kitarô presque parodiques, dans le ton très enfantin de certains épisodes, ainsi que dans la structure de bien d’autres où la formule typique du « monstre de la semaine » est incorporée à l’une ou l’autre morale.


Pourtant, cet anime ne se réduit pas à un Captain Planet hebdomadaire dominé par le pouvoir de l’amitié ou autres truismes, même si les premiers épisodes pourraient le laisser penser. La série montre rapidement plus de nuances et une capacité à utiliser ses origines d’horreur, pour un résultat plus sombre et plus ambigu, qui vous feront plus d’une fois douter son étiquette « pour tout âge ». Entre les deux, et parfois au sein des mêmes épisodes plus légers ou dramatiques, Gegege no Kitarô propose plus simplement des moments sincères et délicats qui lui donnent une profondeur étonnante.


Gegege no Kitarô se définit avant tout par une multitude d’approche et de sujets qui en font une oeuvre très variée, et aux succès variables selon vos goûts.Tantôt, une histoire nous emmène dans une conquête romantique d’un yokai digne d’un épisode de « l’amour est dans le près », tandis que le chapitre suivant mettra en scène un esprit poussant des adolescents au suicide via leur smartphone telle une allégorie terrifiante du cyberbullying.


L’anime ne peut être aussi bigarré que grâce à sa nature épisodique. Cela dit, il contient tout de même quelques arcs narratifs plus longs qui se construisent au fil des saisons pour offrir certaines de leur culmination. Ces arcs ne constituent pas le meilleur de la série mais donnent tout de même des épisodes solides et des scènes d’action impressionnantes. De plus, ils permettent d’installer des antagonistes plus consistants comme le fourbe Nurarihyon ou encore le sinistre Nanashi (excellente figure menaçante durant les 47 premiers épisodes).


Ces arcs narratifs ont tous un thème commun qui est le sujet central de Gegege no Kitarô : la coexistence entre les yokai et les humains. L’anime explore de façon extensive cette problématique, en plus d’utiliser souvent les yokai comme instrument pour sonder les maux de la société moderne ainsi que les vices de l’âme humaine. Mizuki Shigeru n’a jamais craint les sujets sensibles et l’adaptation de 2018 continue de transmettre son héritage avec la même audace. Du terrorisme, au harcèlement d’entreprise, en passant par le choc des cultures, les pressions sociales et l’individualisme outrancier, cette série aborde des sujets que bien peu osent dans la japanimation, et le fait avec suffisamment de talent pour en faire l’un de ses points forts.


Il y a un effort tout aussi louable dans cette nouvelle adaptation pour remettre Gegege no Kitarô au goût du jour. Le renouvellement d’un matériel vieux d’un demi-siècle n’est pas une tâche évidente mais l’équipe de Toei Animation réussit ce challenge grâce à des ajustements pertinents. Cela passe entre autre par une évolution des technologies, avec l’utilisation de smartphone et autres réseaux sociaux par exemple, qui sont pleinement intégrés dans différents scénarios (Logan Paul et le streaming ont visiblement inspiré plus d’un épisode). Cependant, ce ne sont que des détails comparés sa plus grosse réussite : Mana. Si la franchise reprend de série en série beaucoup de ses personnages et intrigues, Mana est l’un des ajouts originaux de l’itération de 2018. En plus d’être une adolescente adorable, Mana sert régulièrement de substitut pour le jeune public contemporain et apporte une réaction moderne, ingénue mais rafraichissante et pleine d’empathie, face au monde des yokai.


En tant qu’adaptation, je n’ai que de bonnes choses à dire face au travail de Toei Animation. Visuellement, la série impose un standard impressionnant vu ses 97 épisodes diffusés en quasi continu. Il n’est pas non plus rare d’avoir de beaux moments sakuga et j’ai été surpris à quel point j’ai pu apprécié certains épisodes simplement grâce à leur ambiance ou leur réalisation (comme celui sur le vampire Johny, pour citer un exemple parmi bien d’autres). L’anime possède beaucoup de petites touches qui lui donnent une identité particulièrement réussie, comme le chara-design de certains personnages (tousse nekomusume tousse), ou le casting si bien choisi pour tous les personnages principaux : Sawashiro Miyuki pour Kitarô est une évidence mais je tiens à signaler aussi la performance de Nozawa Masako qui convient parfaitement à Medama Oyaji.


Après autant de temps passé auprès de Kitarô et sa bande, difficile de ne pas avoir un petit pincement au coeur lors du dernier épisode. J’ai beaucoup aimé l’anime, que ce soit durant ses épisodes d’horreur, humoristiques, dramatiques, ou encore épiques. Passer autant de bons moments sans faire partie du public visé est une prouesse que je ne peux que souligner. Malgré tout, je ne voudrais pas survendre Gegege no Kitarô, ni le recommander à tout le monde car même si sa qualité globale est digne de louanges (il n’y a guère que l’épisode 31 sur les sucreries et l’épisode 79 sur halloween que j’ai trouvé très nuls), l’anime comporte un paquet de scénarios plus moyens, qui souffrent beaucoup de la comparaison avec d’autres histoires plus inspirées, plus émotionnelles, ou plus viscérales.


Lorsque je juge un anime, l’une des principales question que je me pose est de savoir si j’aurais envie de le regarder à nouveau et dans dans ce cas-ci, la réponse affirmative est contrastée par l’envie d’ignorer une petite moitié du contenu afin de ne garder que le meilleur, ce qui n’est pas un constat anodin.


En conclusion, nous avons beaucoup de chance de pouvoir découvrir une franchise aussi populaire avec une adaptation de cette qualité et personnellement j’en garderai de très bons souvenirs. Gegege no Kitarô n’est pas seulement une excellente série pour enfants mais aussi une expérience à tenter pour tous ceux un minimum intéressés.

Skidda
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le 9 mai 2021

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