La douceur des bois

Connaissez-vous les iyashikei ? Ce sont ces animes dits "feel-good" qui ont pour objectif premier de détendre le spectateur, on peut citer Non Non Biyori ou K-On! parmi les plus connus. C'est un sous-genre du slice of life dont je raffole mais que j'ai toujours trouvé difficile à promouvoir. Intrigue épisodique, absence de péripéties, rythme lent, des personnages qui n'évoluent pas ou peu au fil de la série... Sur le papier ça peut avoir l'air chiant, et dans les faits beaucoup trouvent que ça l'est. Alors pourquoi pas moi ? Qu'est-ce qui fait de Hakumei to Mikochi un bon anime ?

Eh bien pour commencer les héroïnes sont bien écrites, très attachantes (et le doublage est excellent). À première vue le duo nous est familier, d'un côté Hakumei la tête brûlée, de l'autre Mikochi la fille délicate et terre-à-terre. C'est plus ou moins ce qui se faisait dans Girls' Last Tour l'automne dernier, sauf qu'ici nos deux protagonistes s'éloignent rapidement des archétypes dont elles sont issues, Hakumei en particulier. Elle est un peu insouciante mais pas stupide ou négligente pour autant, c'est une jeune femme qui a la tête sur les épaules, elle est débrouillarde, travailleuse, habile de ses mains et loin d'être insensible. Bref, Mikochi et elle sont deux adultes nuancées avec leurs qualités, leurs défauts et leurs bizarreries. On s'en rend compte dès le premier épisode où l'on voit Hakumei à son aise dans la nature et Mikochi plutôt en ville, au contact des gens. Ainsi aucune des deux n'est en retrait et je serais bien incapable de choisir ma "préférée".

J'avais des craintes au sujet du chara-design chibi mais l'anime ne force jamais sur le côté mignon, au contraire les visages évoluent subtilement pour coller à l'humeur des personnages. La gestuelle est tout aussi réussie, j'ai remarqué quelques regards ou quelques mouvements de la main très naturels qui en disent long sur la proximité entre Hakumei et Mikochi. On observe de légères différences au niveau de la démarche des deux jeunes femmes, Hakumei se déplace d'un pas assuré tandis que Mikochi est plus "gracieuse". Puis j'apprécie le fait que les deux portent des tenues adaptées à chaque situation : détente, travail, shopping, pêche ; avec chapeau, sans chapeau, cheveux attachés etc... Ce sont des détails qui aident à croire à ce que l'on regarde. Qui plus est les vêtements sont très jolis.

L'univers de la série est différent de ce à quoi je m'attendais, je dois bien le reconnaître. Hakumei et Mikochi sont grosso modo de minuscules humaines (leur espèce n'est pas précisée) vivant dans la forêt, en sachant cela j'imaginais un anime jouant sur les échelles comme a pu le faire Arrietty, où les objets humains sont détournés de leur fonction première et où la nature s'avère particulièrement hostile pour un peuple aussi petit. Hakumei to Mikochi n'est clairement pas dans ce délire, j'ai d'ailleurs vu des gens se plaindre de la physique irréaliste. Certes nos héroïnes ne sont pas écrasées par des gouttes d'eau ou balayées par des rafales de vent, mais le monde dans lequel elles vivent n'en demeure pas moins crédible, et ce parce que les épisodes en explorent chaque aspect, de la survie primaire aux loisirs, en passant par le travail et la cohabitation. Parce que Hakumei to Mikochi est avant tout une histoire de cohabitation entre tout un tas d'animaux aux talents différents. Certains transportent des personnes ou des objets, les bipèdes s'occupent de travaux manuels tandis que les "humains" s'attellent à des tâches requérant davantage de précision. L'harmonie au sein de cette communauté hétérogène participe pour beaucoup à la bonne ambiance véhiculée par l'anime, qui ne manque pas de scènes amusantes soit dit en passant.

Les épisodes se divisent en deux voire trois parties si je ne m'abuse, elles sont généralement centrées sur des personnages différents. Les situations dépeintes sont suffisamment courtes et variées pour ne pas ennuyer le spectateur, malgré la relative absence d'enjeux. La réalisation dynamise l'ensemble par de fréquents et lents mouvements de caméra, l'usage de cases mettant l'accent sur certains éléments du plan, ou de cadres entourant notamment les flashbacks. Ils sont assez fréquents d'ailleurs, la série s'évertue à nous conter l'histoire de chaque lieu, y compris jusque dans l'ending qui relate des faits liés à l'épisode concerné.

Bref, Hakumei to Mikochi était l'un de mes coups de coeur de l'hiver et je suis un peu triste de voir que personne ne s'y intéresse. Avec ses personnages forts et son univers riche et dépaysant, je pense qu'il a le potentiel pour plaire aux amateurs de slice of life de manière générale, de séries relaxantes mais pas "vides" pour autant. Car il est loin de l'être.