Hannibal
7.3
Hannibal

Série NBC (2013)

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Passer après Le Silence des Agneaux et Le Sixième Sens, voilà un défi insensé, une gageure insurmontable.


Parce que Le Sixième Sens, c'est la quintessence du cinéma de Michael Mann qui s'attaque à la fragilité chancelante d'un profileur dont le nom est passé à la postérité : Will Graham.


Parce que Le Silence des Agneaux, c'est le film qui a imposé au panthéon des plus grands méchants du cinéma moderne un personnage qui, par son seul prénom et sa puissance d'évocation, suscite l'horreur indicible : Hannibal Lecter.


Après plusieurs autres films qui se sont emparés des personnages et des mots de Thomas Harris, pas très réussis pour beaucoup, envisager l'exploitation du nom du croque mitaine aux appétits cannibales sonnait comme une resucée, la poursuite de l'illustration d'une aura fatiguée trouvant refuge dans la facilité d'un petit écran supposé moins regardant. Déclassé, banalisé dans une attraction de fête foraine dévoyée, le Docteur Lecter ne pouvait que se donner en spectacle dans une série shocker promise à tous les débordements sanglants et sadiques les plus irrépressibles. Propice à toute la sauvagerie débridée ne laissant plus aucune place à la suggestion, au pouvoir du mythe.


Sauf que Hannibal s'inscrit aux antipodes de ces défiances et de ces craintes.


En jouant tout d'abord la carte du flashback, en prenant place avant les événements décrits dans Le Sixième Sens, où l'on apprenait que Will Graham s'était retiré du FBI suite à un affrontement sanglant et traumatisant avec le bon docteur.


En imaginant, ensuite, le trio Will Graham, Hannibal Lecter et Jack Crawford au sein d'une même équipe, prenant littéralement à revers les attentes si l'on garde en tête ce que ces trois là vont devenir.


En nageant dans les eaux troubles de la psyché humaine déviante et en jouant avec les scènes de crime glauques, les mises en scènes malaisante et tordues, les surnoms chers au folklore du FBI, tels La Pie Grièche, L'Eventreur de Cheesapeake, Le Faiseur d'Anges.


Mais le coeur de la série réside bien ailleurs : dans un affrontement d'esprits aiguisés mais ténébreux. Dans un jeu d'influences et de manipulation. Dans l'observation quasi entomologique de la psyché humaine et de ce qui peut le pousser vers l'abîme.


Et tandis que Jack Crawford, un épisode après l'autre, pousse dans ses derniers retranchements son poulain, c'est tout d'abord Will Graham qui fascine dans son instabilité. Son hyper sensibilité, son empathie éclaboussent littéralement l'écran, au même titre que les horreurs dont le profileur est le témoin. Sa chute inéluctable est vécue par le spectateur comme une perte de contrôle, une contamination rendant tangible la célèbre citation de Nietzsche selon laquelle si l'on plonge longtemps son regard dans l'abîme, l'abîme regarde aussi au plus profond de nous. Au risque de la consumation lente et mortifère. Au risque de se perdre et de ne plus jamais en revenir, et de s'identifier à l'assassin.


La fragilité de Will Graham vole ainsi en éclats, mettant littéralement à nu sa vulnérabilité, ses doutes et ses obsessions, mises en scène dans des hallucinations glaçantes, voire subliminales, quant un cerf de plus en plus monstrueux semble faire irruption dans son inconscient. Un animal faisant partie de la mise en scène macabre sur laquelle il enquête... Et résonant comme un élément de décoration du bureau du Docteur Lecter.


Ces deux là s'inscrivent comme dans une danse. Un pas de deux séducteur et manipulateur entre le prédateur et sa proie, érigé en amitié sombre, toxique.


Mads Mikkelsen prête ses traits impénétrables à une des plus belles illustrations du Docteur Lecter : dandy lointain et cultivé, d'une élégance froide et sophistiquée. Un personnage longtemps éloigné des pires horreurs auxquelles, pourtant, il est loin d'être étranger, s'imposant comme un manipulateur de l'ombre, doté d'une perception de ses contemporains des plus singulières et tordues.


La série épouse ses reliefs, sa perversité et déploie une réalisation des plus raffinées et graphiques, millimétrée, au moins à la mesure de l'art culinaire déployé par le dément. Pour livrer une autopsie du cas Hannibal et de certains de ses semblables, exaltant tant la peur que la fascination pour les monstres à visage humain.


Dans une sorte de poésie du macabre sanctifiée, bien à l'image du personnage.


Behind_the_Mask, qui essaie de manger équilibré.

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le 1 sept. 2020

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