Hunter × Hunter
8.2
Hunter × Hunter

Anime (mangas) NTV (2011)

Force est de constater que les avis sur cet anime sont dithyrambiques ; et le mien ne va pas faire exception... Mais je vais tâcher de faire une critique constructive qui aille plus loin que l'amour nostalgique, et puis ça changera de mes sempiternelles critiques de bouquins, hein.
Je vous plante le contexte : la meuf, à deux semaines des écrits de l'agrégation, cherche désespérément un truc relaxant à regarder lors de ses pauses déjeuner et un poil plus constructif que des vidéos sur Youtube ; et là, par hasard, je tombe sur la page SC de l'anime de Hunter x Hunter, mon shônen préféré. T'sais celui que tu piquais à ton frère quand tu avais seize ans et lui douze, quand t'en avais marre de tes shôjos ; le manga que tu adorais, plus que ton frère même, au point que tu guettais les moments où ta mère allait lui acheter la suite. C'est mon triptyque sacré je crois : le shônen Hunter x Hunter ; le shôjo Fruits Basket : le seinen Death Note. Bon et donc je retombe là-dessus et je me souviens que je n'avais jamais fini (enfin, lu tout ce qui est sorti quoi) le manga parce que les fourmis-chimères, ça m'avait gonflée. C'est l'occasion en or !
Evidemment je m'étais bien dit que commencer une série potentiellement addictive, à deux semaines de l'agreg', ce n'était peut-être pas l'idée du siècle. Mais en fait, oui et non : certes, j'ai consacré du temps à quelque chose d'inutile pour le concours, temps que j'aurais pu employer à faire de la phonétique historique (nan mais cherchez pas, vous avez pas envie de savoir ce que c'est) ; d'un autre côté, je crois que cette échappatoire m'a permis de survivre en milieu hostile, de voir la lumière, la récompense au bout du chemin après des heures de travail ininterrompu. Je crois que HxH m'a aidée, et ça c'est beau. Ca méritait bien une critique.
Pardon pour cette intro interminable.


Mais cessons là le sentimentalisme. Cet anime est, allons-y franchement, un excellent anime : d'une fidélité impressionnante au manga, il n'en est pas moins palpitant, presque de bout en bout. On pourra regretter que quelques petits éléments soient omis (je pense à une des épreuves gustatives de l'examen de hunters, par exemple), voire gazés (le coeur arraché pudiquement dissimulé sous un tissu, cela n'a aucun sens) - surtout quand la suite se lâche complètement dans la violence, physique et psychologique. La musique est très bien aussi, bien qu'un peu répétitive par moments ; et elle alterne avec des moments de silence glaçant, c'est impeccable.
Le problème principal de cette série est le même que celui du manga : certains épisodes sont interminables, et il faut s'accrocher. Je pense évidemment à l'arc des fourmis-chimères : en effet, ça vient de nulle part, c'est même très mal amené et on pense immédiatement à une vieille ficelle de l'auteur, faite pour éterniser la trame (et donc faire plus de tomes - et donc faire plus d'argent), voire pour pallier un manque d'imagination en inventant des monstres hybrides qui ressemblent à tout et rien à la fois sans aucune cohérence, et pour mettre en scène des ennemis surpuissants repoussant les limites de la force des héros et leur permettant une progression surhumaine en un temps record. Alors évidemment, il y a de ça.


Le passage le plus inepte est celui où, après l'attaque de Pito sur Kaito, Gon et Kirua (nos deux héros) se rendent dans une ville voisine venue de nulle part pour affronter et vaincre des adversaires venus de nulle part censés les faire progresser tranquillou pépouze alors que leur compagnon est en train de crever dans un coin, et où survient une meuf (Pâmu) à l'utilité incertaine censée représenter une menace de mort pour les deux héros en cas d'échec alors qu'en fait elle flirte avec un gamin de douze ans. Et puis ils retrouvent aussi miraculeusement leur maître d'armes qui les entraîne. Bon. C'est pas très poussé tout ça.


Bref, le début de l'arc est mal construit, lent, presque incohérent ; quant à la seconde partie, celle du passage à l'action, force est de constater qu'elle accumule les combats, en se dispersant parfois sans nécessité (par exemple avec les créatures aquatiques frère et soeur vs Kirua). La multiplication de personnages secondaires est superflue, et semble répondre à la simple fantaisie de l'auteur qui imagine tous les mélanges possibles animaux x hommes sans aucune cohérence. Je vais avoir l'air de finasser, mais quand même, la reine fourmi elle bouffe quasiment que des humains, et elle trouve le moyen de faire des mioches qui ressemblent à tous les animaux du monde. Je veux bien qu'on soit dans une réserve naturelle et tout et tout, mais ça va du lion au poulpe, en passant par le loup, le koala, le tatou... Bon. Bref, on m'avait dit qu'en lisant/visionnant HxH, on pouvait s'arrêter à la fin de l'arc Greed Island ; et je n'étais pas loin de le penser, car jusque-là j'avais été captivée et je trouvais que tout s'enchaînait très naturellement (avec un petit moment de bordel quand même à York Shin City).
Pourtant, j'ai changé d'avis. En effet, tout d'abord, l'arc des fourmis-chimères signe l'entrée de HxH dans une vision du monde plus sombre et plus mature, plus politique, qui correspond d'ailleurs à l'assombrissement des personnages principaux, qui deviennent les proies du doute, de la souffrance intime, de la culpabilité. La violence physique et psychologique devient si énorme qu'elle est presque insoutenable : dénonciation des dictatures, meurtres de masse de populations innocentes avec d'authentiques moments tragiques (ce n'est clairement pas pour les enfants), mise en place d'une géographie aussi dystopique que réaliste (je vous laisserai faire les parallèles avec le réel) ; bref, une intéressante confrontation entre le merveilleux (les fourmis-chimères) et un réalisme sociopolitique inattendu (la confrontation est à son paroxysme dans le dénouement, avec la rose mortelle - comprenne qui pourra). De plus, avec la naissance du roi, c'est une dimension philosophique et morale qui se fait jour, sur le bien et le mal, la légitimité des gouvernements/de la force/du pouvoir de manière générale, la "nature" humaine, la définition du monstre ; jusqu'à une apothéose psychologique voire spirituelle concernant l'identité et l'esprit, de plus ou moins bon goût mais assez justifiée par la nature des fourmis-chimères et la réflexion autour du Nen. Enfin, l'évolution de l'histoire est aussi l'occasion d'un déploiement esthétique de plus en plus réussi : au rythme du crescendo tragique, l'animation opère un crescendo dans l'audace visuelle - de superbes noirs et blancs, de superbes couleurs d'auras, de très beaux changements graphiques qui répondent à l'évolution de la tension et de la force des protagonistes. Laborieusement donc, mais avec une certaine finesse, HxH retombe sur ses pattes et l'unité de l'histoire se fait. Il est également assez remarquable que les personnages reviennent régulièrement au fil des arcs, sans qu'aucun soit oublié à son sort, et le dernier arc use habilement de la nostalgie du spectateur en les convoquant tous de nouveau (longuement ou pas) pour proposer une fin, sinon subtile, au moins assez satisfaisante. C'est une des grandes qualités de l'anime : il n'est pas frustrant. Ce n'est pas une qualité scénaristique en tant que telle, mais c'est plutôt la moindre des choses au bout de 148 épisodes. Alors certes, tous les personnages ne sont pas accompagnés de bout en bout, et


les retrouvailles de Gon avec son père sont plus expédiées qu'il ne faudrait ; peut-être eût-il été plus pertinent de raccourcir l'argument électoral pour approfondir le thème qui fait le fil rouge du récit depuis le premier épisode (peut-être même que les deux auraient pu se faire un câlin, quoi).


Pour autant, il me semble que c'est le soulagement qui prime à la fin du visionnage ; et sans trop tomber dans les facilités de scénario non plus. J'en viens ainsi à une autre qualité de HxH : dans l'ensemble, les rebondissements sont inattendus. Plus précisément, on attend un rebondissement ; mais quand on n'aperçoit qu'une impasse comme résultat d'une péripétie, ou quelque chose de pas crédible, BAM, quelque chose de miraculeusement ingénieux se produit, qui fonctionne, qui touche, et qui réussit à combiner la tragédie et le happy end. Une catharsis mêlée de douceur, en somme ? Très très satisfaisant, donc. Je ne dis pas que c'est le cas absolument tout le temps ; mais c'est quand même une constante. En même temps, mais d'autres critiques l'ont dit donc je ne m'appesantirai pas dessus, un refus très clair du manichéisme, avec des personnages (bons ou méchants) qui évoluent et deviennent donc imprévisibles, ce qui va avec la nature des rebondissements.


Et puis quand même, au milieu de tous ces problèmes de rythme : le caractère follement divertissant de ce(t) manga/anime. J'ai ainsi découvert la solution aux lenteurs parfois irritantes du récit : tout regarder d'un coup. J'ai calculé que le visionnage de tous les épisodes prenait une petite cinquantaine d'heures : entre l'avant-agreg' et le post-agreg', j'ai mis environ trois semaines à tout regarder. Un bon rythme, donc ! L'addiction, c'est certes chronophage, mais ça fait un bien fou !
Oh et, je ne savais pas où le placer, mais je voulais rapidement évoquer la place du genre dans cette série : d'un côté, beaucoup de personnages féminins extrêmement sexualisés (Biscuit et son Nen, par exemple) ; de l'autre, une indécision intéressante, parfois, quant au genre/sexe des protagonistes. Kurapika, qui semble être plus un homme qu'une femme dans l'anime que dans le manga (où le flottement n'est, à ce qu'il me semble, jamais résolu) ; Kaito ; Aruka (l'indécision semble n'avoir aucun impact sur le récit, mais elle est explicite). Je ne sais pas trop quoi faire de ça, mais si quelqu'un a une idée, qu'il/elle éclaire ma lanterne. Et puis pour finir sur ce sujet, je trouvais ça important d'écrire une critique sur cette oeuvre, non seulement pour développer des points que je n'ai pas vu développés dans les autres critiques, mais aussi parce que la seule critique écrite par une meuf que j'ai vue faisait trois lignes et parlait exclusivement du sexisme (?) de l'anime... Eh ! Je suis une meuf et j'adore ce manga depuis des années ! Assez de ce classement ridicule shôjo/shônen, non ?


En tout cas, si vous avez du temps ; ou si vous passez un concours ; je vous recommande chaudement cet anime, qui m'a réchauffé le coeur dans un moment difficile (pour finir sur une touche sentimentale - et la boucle est bouclée).


PS : mention spéciale à Hisoka, le personnage le plus malaisant et le plus sexy du manga. Je reste sur ma fin, j'attends l'idylle entre lui et Gon. Mais bon, attendons que celui-ci soit majeur, je passerai moins pour une perverse tarée.

Eggdoll
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le 19 mars 2018

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