Ils étaient dix
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Ils étaient dix

Série M6 (2020)

Ils étaient dix... mais ce n'était pas suffisant.

Une mini-série française en forme de slasher basé sur le plus célèbre roman d'Agatha Christie, ça vous dit ? - (intrigué)


En plus, dirigée par Pascal Laugier, un de nos grands noms actuels de l'horreur ? - (salive)


Le tout avec un casting d'acteurs somme toute assez prestigieux : Matilda Lutz ("Revenge"), Samuel Le Bihan, Romane Bohringer, Guillaume De Tonquédec, Patrick Mille, Marianne Denicourt, Samy Seghir, etc. Et quelques guests comme Virginie Ledoyen ou Richard Bohringer ? - (bave et demande avec impatience : "Où peut-on trouver cette série ? Sur Netflix ? Sur Amazon Prime Video ?")


Ah ?... Hum... En fait, c'est une production M6 destinée à être diffusée sur la chaîne mais qui est devenue une exclusivité de la plateforme française Salto pour pallier le fait qu'ils n'ont pas grand chose d'original à diffuser. - (nausées, convulsions puis coma).


Eh oui, toute la dichotomie de cette proposition plutôt originale dans notre paysage audiovisuel se trouve là. Les intentions sont belles et honorables : avoir une approche aussi respectueuse que sérieuse du slasher en le fondant avec le postulat des "10 Petits Nègres" (dix inconnus isolés sur une île, un tueur à decouvrir) pour en faire un jeu de massacre où tout le monde a évidemment des choses à se reprocher, autant dire que l'on signe direct ! Mais la concrétiser dans une production qui, par essence, doit être formatée, lisse et expurgée de trop importantes giclées de sang afin d'engranger la plus grande part d'audimat témoigne déjà d'une œuvre prise au piège de sa propre schizophrénie, surtout avec le réalisateur de "Martyrs" et "Ghostland" à la barre.
Certes, Pascal Laugier ne signe que la mise en scène de la série (c'est une création de Jeanne Le Guillou et Bruno Degamais) mais le voir aux commandes d'un slasher appelant nécessairement une violence graphique que l'on sait débordante chez lui et qu'il ne peut exprimer ici est aussi frustrant pour nous, spectateurs, que -sans doute- pour lui-même. À un échelon visuel entre téléfilm et cinéma, le réalisateur offre à "Ils étaient dix" une esthétique un peu plus léchée que le tout-venant français habituel, cependant, il est clair qu'on le sent souvent les mains liées dans ce canevas partant d'Agatha Christie pour se transformer en slasher empêtré dans ses références faute de pouvoir en proposer plus.
Ainsi, la série se transforme assez vite en pompe à recyclage aseptisée où "Lost", "Saw", "Souviens-Toi L'Été Dernier 2" et bien d'autres passeront à la moulinette pour alimenter les délires du tueur mystérieux sur ses victimes. C'est bien simple, en même temps que les meurtres augmentent logiquement de manière exponentielle au fil des six épisodes, notre intérêt pour les événements se déroulant sur l'île, lui, décroît à cause de personnages d'abord ultra-stéreotypés puis tout bonnement insupportables (on aurait presque envie d'assassiner ceux de Romane Bohringer ou de Patrick Mille de nos propres mains). Le slasher amène bien sûr obligatoirement son lot de figures figées que l'on est prêt à accepter mais, en cherchant à les coupler à des questions de survie plus primaires du fait de la localisation de l'intrigue, la série décuple presque involontairement ces archétypes et les emprisonnent dans un suspense aux ficelles artificielles, ponctué de conflits internes répétitifs et de meurtres exécutés de façon expéditifs. Et, si vous comptez sur la révélation autour du coupable pour rattraper l'ensemble, la déception risque encore d'être plus grande : du niveau du pire twist du pire épisode de la saga "Saw", celle-ci repose sur une manœuvre tellement grossière de diversion qu'elle n'éveille au mieux qu'un vague haussement de sourcil à sa réception (sans compter les motivations faciles du tueur là où il aurait été plus judicieux de les relier bien plus intimement à ses proies - chose qui était clairement faisable avec un peu de jugeote).


À ce stade de reproches, vous vous dites sûrement qu'il n'y a plus rien à sauver de "Ils étaient dix" ? Détrompez-vous car il faut reconnaître que l'on s'y est quand même amusé !
Peut-être est-ce finalement en partie à cause de tous ces flashbacks détaillant les passés torturés des héros ? Pris un à un, ils ne sont pas plus originaux que le reste et tournent toujours plus ou moins autour de variations similaires (adultères, trahisons, vengeances, meurtres involontaires) mais leur large variété au fil du récit finit par devenir l'aspect le plus divertissant de la série tout en nous attachant bien plus aux personnages que le slasher soft du présent.
Mais, surtout, alors qu'une production US contemporaine avec les mêmes défauts n'aurait jamais pu remporter une once d'indulgence à nos yeux, "Ils étaient dix" réussit, elle, à en gagner beaucoup en représentant, mine de rien, un pari, une vraie de série de genre française -qui plus est sous forme de slasher- conçue pour être diffusée sur une chaîne française à une heure de grande écoute, avec un réalisateur ayant fait ses preuves en ce domaine et des acteurs de renom prêts à s'y aventurer. Bien entendu, c'est un peu triste de constater que cela n'arrive qu'en 2020, que les essais à succès de ce type sur Netflix n'y sont sûrement pas étrangers ou que l'approche globale reste encore timidement dans une tonalité trop mainstream mais "Ils étaient dix" finit par se regarder comme une curiosité prometteuse, une espèce de plaisir coupable complètement atypique à cause de son origine et qui laisse entrevoir une lueur d'espoir pour l'offre horrifique locale à venir...
"Ils étaient dix" n'est qu'une singularité pour l'heure mais elle pourrait elle-même en devenir dix en ouvrant la voie à de nouvelles propositions de ce genre. Et probablement bien meilleures.

RedArrow
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le 14 nov. 2020

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5 j'aime

RedArrow

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