Cela ne mérite pas une bonne note, mais...

La série Inspecteur Gadget est un projet franco-américain sous-traité par différents pays dont les japonais reconnus alors pour leur efficacité à produire du dessin animé à petit budget. Les dessins n'ont pas tout le soin mérité, si ce n'est que la série joue à les assumer de manière décomplexée. Puis, le schéma des scénarios est toujours le même avec une imitation de base de la série Mission impossible quand le message du chef de la police s'autodétruit, imitation rendue parodique par le fait que cela explose systématiquement à la tête du chef de police, et suivre la série revient à aimer le comique de répétitions et pas mal de gags faciles. L'inspecteur lui-même s'inspire du héros des films La Panthère rose et du rôle souvent interprété par Peter Sellers de l'inspecteur français Clouseau. L'habillement de Gadget et sa maladresse viennent de l'inspecteur Clouseau et du coup cette tonalité humoristique, car l'exagération comique outrancière de la naïveté de Gadget vient là encore du modèle cinématographique. Je pense d'ailleurs que le fait que le gadget emblématique soit le bras à rallonge qui tient un objet au bout d'une main vient d'une scène où l'inspecteur Clouseau utilise un bras mécanique pour récupérer un gant et on se retrouve alors avec le prototype du bras mécanique de Gadget terminé par une main gantée. L'humour du film avec Peter Sellers n'est pas franchement terrible, ni efficace, malheureusement, et cela rejaillit quelque peu sur la série animée.
Pourtant, il y a des points forts.
Tout d'abord, le générique d'intro. La série étant à la base franco-américaine, j'ai écouté le générique en anglais et j'ai eu la surprise de voir qu'il y manque les paroles des couplets. En gros, le générique est une création française et les anglais n'ont pas su comment traduire les paroles. Or, ce générique est non seulement entraînant avec un bon accompagnement visuel de l'inspecteur dans un souterrain, dans des escaliers, sur une corde faisant l'équilibriste en étant très significativement aidé par le chien Fino (très belle et très pertinente métaphore de leur relation dans la série), etc., mais en plus il y a un comique original des paroles qui mélangent les formules un peu policières à des formules triviales décalées avec un enchaînement un peu à la marabout : l'inspecteur fait gaffe / Fais gaffe aux gadgets / Qui marche, marche pas !, Au nom de la loi, moi je vous arrête / Je vous arrête là (calembour avec l'expression "je vous arrête là" dans une conversation). J'ai toujours trouvé ces séquences savoureuses dans cette musique rythmée. Le son crée bien l'ambiance débile et loufoque avec des petits bruitages et dans le générique, on a aussi d'autres gags fondés sur des rimes "là-haut Gadget au chapeau", etc. C'est très con, mais rudement efficace.
Pendant les épisodes, quelques musiques sont communes à la série d'époque Les Maîtres de l'univers, sans doute un réemploi avec les participants américains au projet. D'ailleurs, l'Inspecteur Gadget partage avec Les Maîtres de l'univers le fait de consacrer la dernière minute d'épisode par une minute de sermon éducatif du plus mauvais effet. Il y a aussi quelques allusions à la série d'époque des mêmes auteurs Les Entrechats, une tête d'Isidore en jouet au moins une fois et même la bande du matou de gouttières, on en voit au moins deux défiler dans une décharge lors d'un épisode. Il y a aussi des musiques propres à la série et en fait je les trouve bonnes, adaptées à leur sujet. On a du suspense, de l'épique, de la joie insouciante, des couacs de petits bruitages, etc. Le motif est parfois varié avec une instrumentation locale selon la région où est censée se dérouler l'histoire. Il y a plein de petites astuces sur les motifs musicaux...
Un autre point fort de la série que la fin du visuel du générique souligne ou ponctue, c'est le docteur Gang. Pas le docteur Mad, le docteur Gang avec son Mad-chat, qu'on croirait russe du coup (Matcha). Mad, c'est l'organisation ; Gang, c'est le nom du méchant. Mais donc ce méchant, on le voit toujours de dos derrière le dossier de son fauteuil ou de sa chaise, on ne se le représente que par un gant métallique qui couvre sa main, et la série s'est bien gardée de jamais nous révéler son visage. La Madmobile peut faire songer à une voiture de Batman, mais on songe spontanément aux engins dans Goldorak, l'engin de Phénicia sinon celui de Vénusia ou celui d'Alcor. On sent cette influence d'époque encore bien fraîche en France.
Un autre point fort, c'est Fino le chien et ses déguisements. Il y a un épisode absolument impressionnant à ce sujet : les animaux domestiques de l'inspecteur Gadget. C'est un des épisodes où figurent à nouveau les magiciens le grand Zambini et le petit Zambini (imitation du nom Houdini du magicien qui imitait Houdin). Dans cet épisode, Fino se déguise en vieille, puis en blonde fatale à lunettes noires, les deux travestissements le font vraiment, il crève l'écran, c'est absolument marrant. Le chien participe massivement à l'action et il y a aussi ses têtes atterrées quand il voit le danger ou Gadget en danger qui peuvent parfois être vraiment exceptionnelles. Les dessinateurs prenaient de vraies libertés expressives. Il n'y avait pas un calibrage impératif et du coup je me rappelle quelques têtes étonnantes qu'il tire avec des traits très étirés ou déformés exagérément.
La nièce Sophie est aussi un point fort de la série, elle a un physique poupon enfantin avec des couettes blondes, mais outre qu'elle résout cérébralement les énigmes (elle est plus maladroite quand elle intervient et se fait attraper) elle a un jeu de regard avec un effet lumineux des yeux tantôt bleu, tantôt vert, ou gris-vert. Ses yeux sont petits avec quelques cils relevés et ils ont une sacrée présence renforcée par les couettes blondes. Mais surtout, alors que tous les autres personnages ont des pupilles en points noirs ou en points blancs cerclés de noirs, Sophie a une pupilel très travaillée avec plusieurs détails et donc cette couleur grise particulière é éclat bleu ou vert qui fait son charme. On a dans la série quelques autres jeunes filles aux pupilles très travaillées : Atsuko, l'alter ego championne d'informatique de Sophie dans l'épisode "La Filière japonaise" et Sonia dans un groupe de gitans sur l'épisode dans l'imaginaire Romanovie. Mais les yeux marron ou bleus ne font pas l'effet si particulier à Sophie. Le problème, c'est que le manque de soin fait que dans bon nombre d'épisodes son visage est parfois trop grotesque pour que l'effet soit garanti. Ses yeux sont rendus expressifs quand elle juge les réactions de son oncle trop fier de lui, quand elle demande à Fino d'être plus courageux, quand elle est malicieuse, etc., etc. Une fois que Gadget est parti, elle prend le centre de l'écran et dirige Fino, ce n'est pas là le plus intéressant. Là où c'est intéressant, c'est comment elle se tient à une place un peu reléguée une fois qu'elle est en présence de l'inspecteur Gadget : elle est sur le côté de l'image si c'est un plan large avec plein de personnages, sinon dans un plan coupé au niveau des jambes, elle est décentrée, sur le côté de l'écran, plus petite que son oncle forcément, il y a tout un jeu où elle est volontairement dans l'ombre de son oncle et même un peu gamine toute simple. Elle reprend le rôle respectueux qui lui incombe. Dans un épisode, elle participe à l'action, fait tomber le sac d'or dans l'escalier, les voleurs qui la poursuivent dégringolent et tombent dans les mains de la police, et elle glisse sur la rambarde en bas de l'escalier et atterrit à côté de Fino, un peu à l'écart de l'arrestation où brille son oncle. C'est le genre de truc qui donne une note juste à sa fonction dans la série.
Son livre ordinateur est une énigme de la science bien au-delà de l'inspecteur Gadget, puisqu'il pirate tyout comme si tout était déjà connecté à internet en ce monde, et elle pirat même un dirigeable et des objets qui ne sont pas informatiques ou électroniques.
L'Inspecteur Gadget est lui aussi un point fort de la série, mais je n'ai pas remarqué une véritable grande inventivité au sujet des gadgets, ce sont souvent les mêmes qui reviennent et c'est même plutôt cette platitude qui favorise son effet comique finalement. J'ai bien aimé quand enfermé dans une prison Mad il croit qu'il est dans une salle d'attente et s'ennuyant sort un yoyo de son chapeau. L'épisode où il est mis au chômage est un des rares où il sort plusieurs gadgets du bras mécanique dans son chapeau, mais plusieurs gadgets même là sont récurrents. Evidemment, sa bêtise est exagérée au point qu'il ne remarque même pas les évidences, il est sous l'eau, il dit qu'il pleut, c'est de l'exagération décomplexée. A plusieurs reprises, on ne peut que se dire qu'il fait semblant de ne pas comprendre et très souvent il se sort d'un problème il passe à autre chose, même quand il a bien compris ce au'il s'est passé. Mais ça marche car l'esprit en est contagieux.
Après, les gags ne sont pas spécialement fendants, c'est plutôt une tranche de bonne humeur et de fantaisie, avec, de temps en temps, une perle inespérée comem quand il tombe d'un gratte-ciel et fait aller son gadgetocoptère et qu'une dame s'écrie "un voyeur" : le mari se précipite alors avec le sécateur qu'il utilisait pour ses fleurs et coupe la tige du gadgetocoptère, le gag a un effet de surprise et d'à-propos qui le rend efficace. La limite de cet humour est un peu étrange. Parfois, certains gags ont l'air d'être des ébauches laissées en plan. L'inspecteur se dit que tel scientifique a dû prendre de la hauteur et il se dit qu'il est dans l'arbre, et l'inspecteur s'adresse à l'arbre exigeant du scientifique qu'il en descende. On se dit qu'il va se passer quelque chose, non juste un gadget qui tombe en panne pour l'effet comique et l'inspecteur qui se dit "ah! il n'était pas dans l'arbre!" On peut aimer ce genre d'insuffisances, c'est ça le pire ! C'est de la connerie contagieuse parfois. D'ailleurs, le fameux gag qui parodie "Mission impossible" avec le message qui s'autodétruira, revenons-y. Dans certains épisodes, on en apprécie l'absurde loufoque poussé à fond, car il est hautement improbable que le chef Gonthier ait prévu à l'avance que Gadget allait arriver là, parce qu'il y a plein de décalages logiques à apercevoir, mais d'autres fois le truc est une connerie incongrue sans nom, juste pour respecter le systématisme du comique de répétition, et le chef Gonthier n'exprime rien, il a explosé et c'est tout, l'affaire est pliée. Parfois, ce n'est pas l'autodestruction du message qui mérite l'attention, mais bien l'obscurité des raisons qui poussent le chef Gonther à se déguiser et se cacher ici, et l'étrange peut aller jusqu'à la manière arbitraire dont les personnages se rencontrent.
Les histoires ne se veulent qu'un divertissement cartoonesque, comme l'illustrent les nombreuses explosions censées tuer Gadget, mais qui retombent toujours sur d'autres personnages, Fino ou les hommes de Mad, qui n'en meurent jamais pour autant. L'absurde est à tous les étages.
Mais cette nonchalance arrive à faire partie du charme de la série, c'est ce qui est un peu dingue. Le truc très con dont la magie opère, on ne sait pas comment décrire cela autrement.
Et pourtant, les gags plats ne manquent pas...

Enfin, la première saison est sans doute plus intéressante que la deuxième de 1985-1986 où le souffle s'épuise et où apparaissent de mauvaises idées telles que l'associé Capeman.