John from Cincinnati
7.1
John from Cincinnati

Série HBO (2007)

Les courtes sont les meilleures. Une série, une saison. C'est amplement suffisant. Plus de producteurs devraient suivre cet exemple. Bon, il paraîtrait qu'à la base le créateur voulait faire plus de saisons, et même que la saisons 1 devait se composer de 12 épisodes, mais, voyant que l'audience ne suivait pas, HBO aurait coupé les vivres. Je dirais que, si c'est vrai, le créateur a été un peu con d'imaginer qu'une série aussi conceptuelle aurait pu susciter l'engouement alors que la majorité des consommateurs de série ne cherchent qu'un divertissement sans trop de prise de tête. En tous cas, tel que vu là, je n'ai pas eu cette impression qu'il manquait quelque chose dans l'histoire; oui, le dernier épisode est plus riche en rebondissements, mais finalement c'était nécessaire pour en terminer.


Ce que j'ai vraiment apprécié dans cette série, c'est que le mystère, contrairement à des séries comme 'Lost', 'Persons Unknown' ou 'The lost Room', n'est qu'un moteur narratif et non la clef de l'oeuvre. Le but n'est pas de percer ce mystère, mais de le laisser nous guider à travers l'histoire afin de découvrir des personnages et leur évolution. Finalement on peut parler de foi. Ce qu'a réussi à faire David Mitch et Kem Nunn, c'est nous parler de théologie, de croyance par le biais de la télévision; le médium n'est pas anodin puisqu'il est lui même devenu la nouvelle religion. Il y a plus de postes télés que de croix accrochées aux murs des occidentaux, aujourd'hui. L'homme articule sa vie autour de la technologie de l'information. Et le scénario y fait écho à plusieurs reprises par rapport au travail à effectuer avec la caméra notamment.


Mon interprétation peut sembler saugrenue, sans doute chacun pourra y voir ce qu'il voudra, mais elle me suffit. Une subtile mise en abîme sur le médium, une critique de l'américain moyen (ce n'est peut être pas pour rien si les protagonistes sont des sportifs et non des chercheurs), un discours sur la religion, bref une oeuvre d'une intelligence remarquable. On pourrait tergiverser là dessus durant des heures, et j'avoue de toutes façons n'être pas assez documenté pour tenir une argumentation solide défendant mon point de vue. Passons donc au concret.


Si l'intérêt du scénario ne réside pas dans son mystère, c'est bien dans la façon dont les personnages évoluent. C'est assez remarquables. Tous sont tels des pantins cassés en attente d'une rédemption. Chaque personnage semble souffrir. Et chacun trouvera la paix. Directement ou indirectement grâce à John. C'est subtilement écrit. La grande force de la série c'est de réussir à tenir en haleine grâce à une alchimie parfaite entre le mystère et les dialogues, car, même si les objectifs de John sont très vite énoncés, à ce stade de la série, ils ne sont pas intelligibles. Malgré tout, on veut continuer à voir où tout cela mènera. On ne comprendra donc pas tout, mais pendant tout ce temps, le spectateur se sera attaché aux personnages et sera heureux de les voir s'en sortir.


Le montage est également impressionnant. Une telle fresque avec tant de personnages, le tout amené sans jamais laisser tomber qui que ce soit. Certains plans, s'il n'est pas possible d'en percevoir la signification exacte ont au moins le mérite de rythmer intelligemment l'oeuvre. Je pense à de nombreux plans où il ne se passe rien d'autre qu'un personnage regardant le lointain, nous rappelant ainsi son existence et sa souffrance. La mise en scène est efficace, évite le brouillon; les plans sont clairs et lisibles, le réalisateur ne s'entache pas d'un style à la mode, se contente de s'effacer derrière une écriture impeccable, si pas de la mettre en valeur.


J'aurais bien été tenté de mettre 9/10 car il est vrai que j'ai regretté ne pas ressentir des frissons à chaque épisode (ce fut le cas pour les 3 premiers et le dernier). Mais le scénario m'a paru écrit avec une telle intelligence que je ne peux me résoudre à mettre moins de 10/10. Cette façon de construire un récit, ne cachant jamais au spectateur qu'il est en train de regarder une série (je pense aux longs monologues à la limite du face caméra et de certaines mises en scène rappelant qu'il ne s'agit là que d'une fiction) m'a particulièrement touché. Ça m'a rappelé ce que j'ai ressenti en regardant 'Tree Of Life'. Un film peut être bien, une histoire peut être belle tout en jouant avec le médium, en en discutant directement. C'est une voie trop peu utilisée aujourd'hui pour s'exprimer et je le regrette énormément.


A noter enfin la présence d'acteurs de seconde zone. Ici ils prouvent tous qu'ils sont capables des meilleurs interprétations à l'instar des plus reconnus. Il s'agit probablement et tristement de l'oeuvre dont ils pourront être le plus fier, puisqu'ils sont tous déjà retournés à leurs productions habituelles. Dommage pour eux. En tous cas ce choix m'a touché car j'ai eu l'impression qu'il faisait écho au message de la série comme quoi la télé a le pouvoir de tout amplifier dans le bien ou dans le mal. J'ai même cru percevoir une critique sur l'image hypocrite donnée à l'événement 9/11 (vu les références auxquelles ils font).


Bref, une série qui me semble parfaite à tout point de vue, une écriture parfaite, une mise en scène adéquate, des interprétations bluffantes (même Luke Perry, sisi), juste le regret de n'avoir pas frissonné tout au long, ce qui ne signifie pas non plus que l'émotion était absente, et que donc je recommande. Bien sûr le propos conceptuel de l'oeuvre fait qu'on ne la regarde pas de la même manière qu'on regarde 'Starsky & Hutch' ou 'Bored to Death' (sans être péjoratif puisque j'aime ces deux séries là aussi) cela étant précisé il n'y a pas de raisons d'être déçu. A voir!


Petit ps: en y réfléchissant un peu je dirais même qu'il s'agit d'une réflexion sur l'image tel que la façon de représenter la religion, ou un événement par la biais delà télé et l'internet. Ça va donc au delà de la simple critique de la télé: on touche à l'image en général. D'ailleurs il s'agit de cela sur la fin: vendre la famille Yost, en faire une bonne image. C'est remarquable! Soyons honnête! J'en bande encore!

Fatpooper
10
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le 1 mars 2012

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