Enfant j’étais lorsque les premiers épisodes de cette série étaient diffusés le soir. Parfois je regardais d’un œil distant, sans réellement comprendre ce qu’il se passait. Depuis lors, Alexandre Astier est devenu une référence dans le paysage médiatique francophone, et Kaamelott s’est incrit comme une œuvre culte avec une fanbase solide. Tant et si bien que de nombreux amis me la conseillaient sans cesse ! Qu’avais-je à perdre ? Il était temps de découvrir la fameuse série médiéval-fantastique française, une combinaison plutôt rare s’il en est !
Sans surprise, Kaamelott m’a fidélisé dès les premiers épisodes, et ce qualificatif revêt une certaine importance. Trois minutes trente constituait la durée des quelques centaines d’épisodes avant que la série adopte un nouveau format. Était alors privilégié une mise en scène théâtrale, des décors souvent identiques mais bien construits et des petites « histoires » sans incidence semblable à des sketchs, dans un univers qui se construisait au fur et à mesure.
Bon nombre de répliques sont ressorties à maintes reprises dans les conversations ou sur Internet, tels que les célèbres « Le gras c’est la vie », « On en a gros », « Je ne vois pas le rapport avec la Bretagne » et bien d’autres. Au-delà de cet aspect humour « simpliste », Kaamelott se révélait déjà bien plus intelligent qu’il n’y paraît. Beaucoup de comique repose sur les répliques (il y a aussi du comique de situation et de gestuelle, bien entendu), mais les dialogues sont si bien ficelés, si bien construits, qu’ils s’enchaînent avec fluidité et provoquent l’hilarité. Bien sûr, tous les épisodes ne se valent pas, mais on pardonnera vu leur nombre.
Et cet humour omniprésent parvenait déjà à caractériser les personnages. Perceval, de loin mon préféré, d’apparence simplet et pourtant futé dans un certain sens. Léodogan et Séli, couple « brutal » et réactionnaire à la répartie cinglante. Guenièvre, niaise et stupide aux primes abords, néanmoins touchante et sincère. Que ce soit la gourmandise de Karadoc, l’incompétence de Merlin, la lâcheté de Bohort, la malchance de la Dame du Lac, chaque personnage a marqué son empreinte par son style et ses caractéristiques. Parfois même les plus secondaires ! Les maîtresses d’Arthur se crêpent le chignon de façon rigolote, Mevanwi est drôle malgré son côté « garce manipulatrice » à rater involontairement tout ce qu’elle ourdit, et, au-delà du duo Perceval/Karadoc, la mère et la tante d’Arthur, en commères sévères, assurent dans leur rôle, de même que les deux « ados » Yvain et Gauvain si maladroits et pourtant attachants ! Quelques secondaires sont toutefois un peu ratés : le roi burgonde est lourd et surjoue, pareil pour l’inquisiteur incarné par Elie Semoun, et je ne suis pas non plus fan de Kadoc. Mais ils sont disparates et minoritaires donc on pardonne !
Mais comment aborder cette série sans évoquer le Roi Arthur, incarné par Astier lui-même ? Arthur ne semblerait pas à sa place dans cette série : seul lucide parmi cette bande « d’idiots », il est pourtant celui le plus lié à chacun des personnages. Toujours à rejeter les plans bizarres de son beau-père, à réprouver l’amour de sa femme, à soupirer face aux stupidités de Perceval et Karadoc, à construire sa rivalité avec Lancelot, tantôt empathique, tantôt détestable puisque construit comme le principal antagoniste de la série. Au-delà de cet homme patient se terre un roi tourmenté, blasé, lassé par le pouvoir, et dont la déchéance correspond à une suite logique.
La série a basculé du comique au drame pour le mieux, puisque le livre V est mon favori. Dans une mise en scène plus cinématographique, avec davantage de moyens, où une trame se construit véritablement, Kaamelott s’est défini comme une série s’adaptant à ses nécessités. Elle a gagné en profondeur, en tragique, le tout pour le mieux, car elle a offert des scènes poignantes et marquantes.
La fin du livre V est particulièrement émouvante : de la tour du pêcheur à l’aubergiste jusqu’à la baignoire, Arthur se découvre infertile, du moins le dit-on, et en perd le goût au pouvoir comme à la vie… D’un sauvetage éclair il sera sauvé dans le livre VI servant de préquelle. Là où il offrira le pouvoir à son rival Lancelot pour regagner le calme, mais ne gagnera qu’à être pourchassé, à s’exiler là où il avait tout perdu, à Rome
Kaamelott n’a donc pas volé sa réputation et mérite amplement sa place. Elle a excellé dans l’humour et dans le drame, et maintenant, ses fans attendant impatiemment que cette aventure finisse en apothéose au cinéma. Meilleure série française ? Meilleure série historico-fantastique ? Quoi qu’il en soit, la légende arthurienne a été réécrite avec sincérité et virtuosité.