Curieux personnage que cet Alexandre Astier, je l'admire autant qu'il me casse les pieds. Je crois qu'il le cherche, qu'il est du genre génie imbu complaisant, et que le public (toujours lui aussi un peu des trois) le lui rend bien.
Dans mon entourage Kaamelott ça divise sec, entre pure daube, au féminin comme Vénus pourtant, ou pur génie au masculin, comme Gillette.
Ça me rappelle : Vénus et Gillette sont dans un bateau, tombent à l'eau de la grande mer des contrepèteries, ressortent en l'angélus, et vite.
C'est que je voulais vous parler du caractère gratuit d'Alexandre Astier, qu'il assume à fond et revendique, son art n'est pas le lieu de la politique, vise même tant que possible à l'absurde, pour la qualité d'écriture (car l'absurde décape) autant que pour nous rappeler la tarte à la crème, j'ai nommé la vanité des quêtes de l'homme.
Il a choisi les légendes arthuriennes, qu'il retourne à la moderne pour décrédibiliser tout ce qui s'y défend : l'honneur du chevalier, l'amour courtois, la quête collective... pile, en fait, dans l'esprit carnaval médiéval, déjà à l'époque, où il était permis par l'église elle-même entre Noël et l'Épiphanie, fin décembre début janvier, de rire de ce rire fou la bouche grande ouverte, de celui que l'on interdisait dans les monastères car les dents devaient rester un rempart, de ce rire que l'on appellera humour en rapport aux humeurs venteuses, c'est-à-dire le prout !
En terme de rigolade, c'est un peu le Mardi Gras qui suit le carême, si vous voulez. La grande bouffe après le régime.
Comme la comédie médiévale, le jeu ou la farce entre le XIIième et le XVème siècle, comme si l'homme ne changeait pas tant, Alexandre Astier propose pour faire rire sur la matière chevaleresque et courtoise (ici sur la matière de Bretagne donc), la position de l'ambivalence, de l'entre-deux carnavalesque où les codes sont mis à mal, pour le plaisir sans autre but qu'une libération passagère, c'est le lieu en théâtre de la pluralité des niveaux de signification, servi par l'absurde et le non-sens, Alexandre Astier le revendique, il veut rire et c'est tout, chacun y verra ce qu'il veut, la satire d'un royaume de fous, tous sans exception, du peuple aux nobles en passant par la bourgeoisie, à travers les yeux d'un roi abasourdi, ou le tragi-comique d'un roi impotent au sein d'une quête qui le dépasse complètement, bien qu'il y mène tout le monde... ou bien les deux.
Il me casse juste un poil les pieds quand il fait de la philosophie soudainement sur les plateaux télé, qu'il nous dit par exemple qu'un extraterrestre capable de venir jusqu'à la Terre n'aurait alors, étant donné notre niveau de développement, aucune raison de s'y arrêter. Comment peut-il dire cela lui, véritable initié, quand on connaît la propension de l'intelligence humaine à se fasciner pour toute forme d'intelligence nouvelle ? Pourquoi cela ne serait-il pas réciproque ? Disons en tout cas que nous ne pouvons pas être aussi catégorique qu'il l'est, et que sa conviction d'absurdité prend des allures de certitude dans ces cas-là...
Quoiqu'il en soit quelque chose me fascine et me fait dire que sur les plateaux il fait surtout son show, parce que la série Kaamelott se termine sur un retour aux traditions latines et aux valeurs courtoises. Alors on peut y voir un simple désir d'user de ces modes de narration pour créer de nouvelles sortes d'émotions, pour se renouveler, ou alors on peut y voir un moyen de contrer par le sublime cette terrible citation célèbre, par laquelle il termine son spectacle l'exo-conférence:
Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie.
... Ou alors un peu des deux.