... Ce qui participe évidemment du charme d'un shônen adapté en série animée participe aussi de ses défauts, car le marché nippon n'est décidément pas le même que le nôtre.
Un manga n'est pas un roman, mais transposer ce medium partiellement écrit en mise en scène dialoguée pose soucis apparemment. La mise en scène est là, et sacrément là, précise, inventive dans la diversité des plans et leurs perspectives, pourtant il semble impossible de ne pas tout expliquer en voix off. TOUT.
Ça tient peut-être à la cible principale de ce marché japonais, organisé en classes d'âge et de sexe. L'anime est violente, mais les cerveaux visés seraient-ils quand même trop jeunes pour appréhender les enjeux, les valeurs et les conflits fondamentaux de l'intrigue avec pour seul support l'arc narratif des personnages et cette fameuse mise en scène ? Je ne sais pas, mais pololo, que c'est lourd...
Et long. Un épisode de L'Attaque des Titans, c'est 25 minutes :
- 5min de "previously"
- 5min de générique (sur la S1 du rock FM ampoulé assez horrible, mais ça n'engage que moi... )
- 10min de ralentis au cours desquelles tu écoutes les pensées d'un personnage que tu avais déjà comprises
- 5min pour le reste, souvent le cliff' de fin d'épisode à vrai dire.
Et ça, ça n'a pas changé depuis Olive et Tom.
Une fois ces éléments formels dépassés, la série est très bonne. L'Attaque des Titans explore un monde à moitié médiéval, une sorte d'Arche de Noé des humains (les personnages s'appellent aussi bien Berthold que Rivaille ou Mikasa), imprégné d'une mystique mixte. Des éléments de la chrétienté côtoient des forces shintoïstes, et donc animistes avec cette imagerie d'intelligences obscures et de corps étranges, disproportionnés, mi-humains mi-animaux, que l'on peut aussi trouver chez Miyazaki.
A cela ajoutez un questionnement sur les relations entre cette mystique apocalyptique et la condition sociale, les systèmes de castes et la lutte des classes, le tout dans une ambiance d'égalité des sexes presque perturbante. Certains personnages féminins ont le corps de Kate Moss et la force de l'incroyable Hulk ! Bon... certains personnages masculins y ont le corps de Griezman et la force de Hulk... Mais finalement, là comme dans l'ensemble, il est question d'une valeur prédominante de la culture japonaise : le dépassement de soi.
Outre les longueurs évoquées, grandiloquence, exaltation rigide et quasi absence de second degré peuvent rebuter, mais la profondeur du propos et l'exotisme de l'imagerie ne sont pas ses seuls atouts : le scénario surprend souvent. Si le manichéisme s'est ancré jusqu'en Chine, il a dû s’arrêter aux portes du pays du soleil levant. Ici comme dans n'importe quel bon manga, héros et vilains ne sont pas des frères ennemis ; ils sont faits de la même matière, qui dérive au gré de l'environnement mais que chacun peut (et doit) transcender.