La Reine du fond des temps
7.5
La Reine du fond des temps

Dessin animé (cartoons) Fuji TV (1981)

Pour aller droit au but et sans détour la série « Princess Millenium » est une Aude à l’amour et à la paix. Elle aura agi sur moi comme une bouffée d’air pur insufflant un zeste d’espoir au sortir de ce long tunnel noir qu’aura été pour beaucoup l’année 2020. L’ironie du sort a fait que j’ai entrepris de voir cette série à la fin d’une des pires années de notre histoire récente alors même qu’elle traite dans son scénario du mythe communément partagé de la fin des temps. Ironique quand on sait que le titre en version française n’est autre que La Reine du Fond des temps, un intitulé qui pour une fois résonne bien mieux à nos oreilles que celui de la version originale, et qui de surcroit fait écho par le plus grand des hasards à la période extrêmement sensible que nous traversons présentement dans notre existence collective bien réelle : La fin de la décennie 2010’s… Fissure chronologique et moment dialectique qui marque bel et bien une fin de cycle.


Tout comme les protagonistes de la série le subissent de plein fouet au travers de ces 42 épisodes, nous sommes actuellement nous-même en plein milieu d’une tempête pessimiste poussée par les vents des ruses de l’Histoire. Il ne se passe plus un jour sans que de nouveaux stigmates ne viennent lacérer nos vies par de multiples troubles qui s’empilent les uns à la suite des autres au fil des mois qui s’égrènent. Quand dans le même temps la décadence jaillit par tous les pores de ce grand corps malade que son devenu – en une décennie à peine – les réseaux sociaux. Repère de la lie, mais d’où il peut encore parfois émerger quelques prurits de solidarité.


Je l’ai dit et le maintien, regarder La Reine du fond des temps en cette période fracassée est d’une nécessité sanitaire. C’est une série bienveillante, douce et chaleureuse. Par magie elle ne se contente pas seulement de nous offrir une intrigue palpitante et bien ficelée mais s’efforce non sans peine de sauver des abimes les valeurs les plus nobles enfouis en chacun de nous pour les célébrer et les porter en triomphe. Et ça fait du bien !


A sa sortie en 1981 cela n’avait probablement pas le même effet qu’aujourd’hui. Mais 40 ans plus tard dans le monde métastable de 2020, un monde ou les ardeurs humanistes sont toutes bafouées et ridiculisées, un monde où l’irénisme est moqué par une masse de pseudos nietzschéens désaxés – voir par ceux-là même sensés en être les gardiens – ce conte nous apparait comme le souffle d’oxygène pure, indispensable à la remobilisation et à la cohésion. Mais ne vous y trompez pas, malgré les apparences Princesse Millénium est loin de se cantonner au rôle de simple dessin animé pour ado, c’est même tout l’inverse. Elle va plutôt nous forcer à nous regarder en face pour mieux voir ce que nous avons bien pu faire des grands principes qui animaient nos sociétés modernes au sortir des dernières crises et grands conflits mondiaux. J’en veux pour preuve ce passage marquant et d’une subtilité cinglante ou –


Au moment de quitter la terre pour se sauver de la catastrophe imminente, une femme distinguée de la haute élite mondaine détourne son regard n’arrivant pas à soutenir celui des indigents qui la fixent incrédules devant son privilège tombé du ciel (ou du portemonnaie). Regard de ces petites gens dont la condition hiérarchique les retient ici-bas pour les vouer à une fin aussi misérable que certaine.


Les passages de l’animé montrant la réalité crue de cette dichotomie sociale au travers du choix de la fameuse liste sont insoutenables.


Scène d’une justesse froide qui vient ainsi nous forcer à assumer ce que nous avons pendant trop longtemps considéré comme des priorités au détriment d’élément plus essentiels.


Bien que se déroulant ou Japon, l’histoire laisse de côté cet ethnocentrisme propre aux productions nippone (et ce n’est pas une critique, c’est même ce qui bien souvent fait leurs charmes) lorsque les enjeux en font ressentir le besoin. Ici une fois n’est pas coutume ce n’est pas uniquement du cœur des japonais dont il est question mais de celui de la terre entière qui est mise en péril. Elle l’est non pas à cause du danger extérieur que représente Râ–Métal (qui ne fait que révéler et exacerber les antagonismes déjà bien vivace) venant verticalement abattre sa sentence, mais par la discorde interne et l'absence de solidarité horizontale.


La Reine du Fond des temps agit à la fois comme le symbole et le carburant dont l’humanité avait besoin pour se retrouver elle-même et se sortir de l’indifférence généralisé qui caractérise nos époques. Elle replace l’éthique au centre de la chose publique pour la matérialiser en acte, dans le même élan elle extirpe la Morale de la notion abstraite et liquide dans laquelle l’avait enfermé à double tours les faux subversifs de tous bords. Leiji Matsumoto, l’auteur épris de justice de cette série, s’est fait un malin plaisir à se cacher derrière ses personnages géniaux pour réhabiliter (déjà il y a 40 ans) ses idées œcuméniques, en les repêchant du fond des eaux glacées du replis insensible, là où les avaient noyés une foule d’utilitaristes cyniques.


Cette série est un remède !

Saint-Just
8
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le 25 déc. 2020

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