Depuis le temps que j'en entendais les louanges, me voilà au terme de la première saison. Bilan globalement positif, avec quand même de gros bémols. Je m'explique : voilà une production française ambitieuse, bien menée, bien jouée, bien écrite, bien ancrée dans le réel, bien vraisemblable, bien photographiée, bien notée par la critique, bref, bien en tous points, dirait-on. On aurait mauvaise grâce à se plaindre. Donc plaignons-nous un peu... De ce dernier épisode fourre-tout et expéditif, pour commencer. Mais surtout d'un point de vue plus général, de l'effet de loupe des séries les plus populaires sur les travers les plus tordus de notre société. A la fois, c'est une forme de dénonciation plutôt efficace, mais j'ai bien peur qu'elle ne soit contre-productive. Là où James Bond restait volontairement dans le domaine de la caricature plaisante (et je ne dis pas que ça ne peut pas faire un mal idéologique certain...), ces séries réalistes présentent les paranos et les manipulateurs comme le top de l'intelligence humaine, et leur triomphe à la fin (oups, spoiler) lorgne méchamment du côté de l'apologie de la perversité dans les rapports diplomatiques. Sans se draper dans un angélisme bêlant, quand même, je tique. Les services secrets sont probablement un mal nécessaire, puisque tous les pays en sont dotés, mais ça rappelle quand même la logique délétère de l'escalade nucléaire. Nous voilà donc à financer avec l'argent de l'éducation et des hôpitaux des névrosés professionnels surentrainés à la paranoïa et au mensonge. Qu'ils pensent mettre ces compétences pathétiques au service du Bien (de la Fraaance!, et là, bon, ça se discute aussi...) me rend plus inquiète que confiante. Alors, bien sûr, la série ne vante pas vraiment les vacheries que ces demi-dieux bureaucratisés à l'extrême pour plus de sûreté commettent à l'encontre de civils naïfs ou de ressortissants étrangers abusés, mais il me semble quand même que le message sous-jacent, c'est que le jeu en vaut la chandelle et qu'on ne fait pas d'omelettes sans casser d’œufs. Moi, je trouve ça grave. Et surtout, ce Grand Jeu dont il se rincent la bouche avec gourmandise est un jeu de dupes, et personne n'en sort gagnant. Ce biais de compétition entre les pays et les gens est le plus grand leurre de l'expérience humaine et ne produit que des perdants, ou des victimes, ou des criminels. Et ça, ça ne va pas du tout et ça ne peut pas tenir lieu de réussite. Pas même télévisuelle.
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