Les Chevaliers... Il y a tant de choses terribles à dire qu'on pourrait en écrire une encyclopédie.

"L'amour, l'amitié, l'héroïsme et le dépassement de soi", c'est beau... mais ça ne suffit pas à faire une bonne histoire.


"Saint Seiya", c'est beaucoup de choses. C'est d'abord un manga hideux, mal narré et contradictoire, avec des personnages réduits à leur plus simple expression. C'est ensuite et surtout des séries animées et autres produits dérivés qui parviennent à creuser encore plus bas que la bande dessinée. Car oui, dans l'adaptation de 1986, par exemple, les armures n'arrêtent pas de changer de forme, les épisodes sont longs et lents, la mise en scène honteuse... (Bizarrement, on se retrouvera avec un accompagnement décent, l'une des seules qualités de cette création.)


"Saint Seiya", c'est l'œuvre où l'émotion l'emporte systématiquement sur toute logique, toute cohérence, toute qualité, à la longue. En ce sens, oui, c'est un véritable récit mythologique, qui ne cherche aucunement à être raisonnable ou crédible. C'est, de bout en bout, la grande fête du slip (l'apogée de tout cela étant le père des Chevaliers censé avoir engendré cent enfants de cent mères différentes !). Là, on est en plein dans le côté surréaliste des mythes et des légendes... un peu trop, même !
Si le terme "émotion" revient fréquemment, c'est parce qu'il s'agit bien, à la base, de la grande force de cette série. Oui, "Saint Seiya" est bourré d'émotion, d'émotion simple et brute, bien aidé en cela par les musiques généralement sublimes.


Le problème, c'est qu'au-delà de ces quelques sentiments, il n'y a RIEN. L'intérêt esthétique est annihilé par un manque général de recherche sur les décors, costumes et accessoires (même les armures, pourtant stars de tout le récit, tiennent de l'abomination psychédélique), sur l'eurythmie du récit, sur la cadence des combats, sur tout semblant de vraisemblance. En bref, au-delà du flou artistique permis par l'argument mythologique, "Saint Seiya" est tout simplement bâclé.


Le grotesque s'ajoute à l'imprécision quand les personnages semblent capables des plus grandes prouesses et au-delà, quand Masque de Mort peut frapper Shunrei à plus de dix mille kilomètres de distance, quand nos brillants héros ne cessent de ressusciter... ce statut divin de la quasi-totalité des protagonistes finit par enlever tout sens à leurs blessures et à leur souffrance, changeant "Saint Seiya" en une sorte de vaudeville où les combattants peuvent revenir où et quand ils en ont envie, où le courage, sorte de surcharge de puissance de la dernière chance, sauve toujours des ennuis, où vie comme mort n'ont plus de sens, de même que tout défi.


L'œuvre est également remarquable par sa répétitivité, d'abord uniquement présente dans les combats, ensuite trouvable dans les intrigues elles-mêmes. Les mêmes recettes de rebondissements à coups de techniques cosmiques supposément invincibles et de grands sacrifices se retrouvent saison après saison. Le problème est aggravé par un syndrome "Dragon Ball Z" de montée en puissance toujours plus dramatique, les ennemis arrivant bien entendu à point nommé pour, de plus en plus puissants, se confronter à des héros eux aussi en pleine ascension, sans bien sûr qu'une échelle de pouvoir précise ne soit définie (essayez un peu de trouver quel est le plus puissant des Chevaliers d'Or, histoire de rigoler). L'apogée de cette absurdité toujours multipliée se trouve dans le fameux Plan de l'Éclipse, assez prodigieux en soi.


Que dire, également, de la relation malsaine entre Athéna et Seiya, toujours présentée comme "noble" alors qu'elle confond amour et allégeance, sentiments et idolâtrie, et, qu'en définitive, Athéna, la déesse enlevée à répétition (mais jamais blessée, bien sûr), voit son rôle se réduire à l'exploitation éhontée de son harem d'éphèbes ?


Rien ne tient debout, aucun des personnages n'a la moindre passion, rien n'existe en dehors des péripéties sur lesquelles la caméra est immédiatement centrée, et la continuité se fait l'écho de cette vacuité, avec une amnésie scénaristique cent mille fois répétée.


"Saint Seiya", c'est un peu l'antithèse du bon animé. C'est aberrant, incohérent de bout en bout, mal rythmé, mal mis en scène, bourré de chevaliers poisson et robots qui réapparaissent jamais parce qu'il fallait vendre des jouets, d'arcs de remplissage honteux, d'épisodes inutiles, de flash-backs insultants, de plans démentiels au sens premier du terme ("Avant de se séparer, prenons chacun une clochette. Comme ça, si l'un d'entre nous a besoin d'aide, on pourra facilement le retrouver"... textuel), alourdi par une distribution aussi clonesque que psychologiquement unilatérale, de concepts insensés et occasionnellement pourris de principes misogynes (les femmes chevaliers doivent tuer ou épouser les hommes qui parviennent à les démasquer), échouant à boucler une bonne moitié de ses arcs narratifs, à établir ou renforcer la moindre once de mythologie, sciant, cachant ou oubliant chacun de ses tenants et aboutissants méthodiquement, réutilisant jusqu'au bout les mêmes ficelles avec un enthousiasme émouvant, et bien sûr techniquement totalement à la ramasse avec des décors brossés en trois minutes et des plans fixes à la pelle sur nos amis les Chevaliers... C'est pendant des heures que l'on pourrait continuer.


Cet animé n'arrête pas d'être mauvais.

R_Lafarge
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le 8 févr. 2011

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