... de toi ou de l'Histoire, lequel imite l'autre?"


On dit parfois que l’Histoire est la meilleure des fictions. En ce sens, Legend of the Galactic Heroes (Logh) reste, malgré son grand âge, une sommité, un chef-d’oeuvre culturel.


Cependant, l’Histoire a beau souvent se répéter, elle ne se ressemble jamais. L’auteur des livres d’origine, Tanaka Yoshiki, l’a parfaitement compris. Au delà du fait que Logh se déroule dans cadre futuriste (les années 3590), cette série ne se contente pas d’un simple copier-coller du passé de la Terre et nous offre au contraire un avenir influencé mais neuf, tout en demeurant irrémédiablement humain, terriblement humain.


Logh reste une fiction, avec un point de départ et une conclusion. L’histoire se déroule au milieu du 4e millénaire, la conquête spatiale s’est achevée à l’échelle galactique et la terraformation a permis une expansion spectaculaire. Malheureusement, l’humanité est déchirée par un conflit sanglant entre l’Empire et la démocratie de l’Alliance des Planètes Libres. Alors que les pertes humaines s’empilent depuis plus d’un siècle en une masse statistique incalculable, deux figures vont s’élever pour bouleverser leur époque : celle de Reinhard von Müsel du côté de l’Empire, et de Yang Wenli du côté de la démocratie.


La richesse du scénario a de quoi faire passer n’importe quel synopsis pour une blague de mauvais goût donc je m’en tiendrai là. Globalement, Logh est un space-opera se déroulant dans un cadre fortement militaire et politique. Même si Logh n'est pas sans grandiloquences, que du contraire il déborde de théâtralité, la grande force de l'anime réside dans son écriture et dans la justesse avec laquelle cette série traite ces sujets.


Prenons les deux héros principaux par exemple. Comme le titre bien pompeux l’indique, cette saga nous décris les combats de deux hommes de génie mais ne s’en contente pas. Loin de se cloîtrer à la définition classique du « héros », c.-à-d. une personne qui incarne un système de valeurs et les fait exister par sa grandeur et/ou son sacrifice, Yang Wenli et Reinhard sont avant tout des êtres soumis aux règles des mortels. Ils réalisent des exploits autant qu’ils réalisent le poids, les limites et les contradictions de ce en quoi ils croient. Ces deux héros, adulés par ceux prêts à mourir au nom d’une chimère sont autant les leaders des possibles que les jouets d’un présent implacable.


Est-ce là époustouflant de révélation ? Non. Est-ce là un degré d’estime envers l’intelligence du spectateur ? Définitivement et la série s’efforce autant que possible à ne jamais s’écarter des rails de ce réalisme, de cette puissante sobriété. Les dialogues refusent la simplicité sans être nébuleux, les réflexions morales sont là mais ne tombent jamais dans le prêchi-prêcha, les drames de la guerre sont légions mais ne force jamais le larmoyant.


En préparant cette critique, j’ai listé une dizaines de points sur lesquels m’appesantir tant l’éclat de l’oeuvre inspire au dialogue. Mais ce ne serait agréable ni pour mes doigts ni pour vos yeux, aussi, me contenterai-je de souligner en quoi Logh se démarque du reste : ses bras titanesques, ou autrement dit, son ampleur monumentale.


Tout d’abord, la série en elle-même comporte 110 épisodes. Ajoutons à ça trois films et deux « prequels », il y a déjà là un paquet d’heures devant soi. Certes, il existe de nombreuses séries qui doublent et triplent cette somme mais pour une histoire aussi structurée que celle de Logh, il est assez parlant de constater que plus d’une centaine d’épisodes sont nécessaires pour narrer la trame principale. Le rythme des intrigues est certes lent mais ne perd jamais son temps et nous entraîne inlassablement d’épisode en épisode sans (quasiment) jamais se briser dans son élan.


Logh n’est pas seulement très confortable dans son montant pharaonique de dialogues, il les utilise à très bon escient en embrassant un horizon très large. Les différents camps et acteurs politiques, l’opinion publique comprise, sont minutieusement explorés. Si l’on excepte les omissions volontaires, aucun point de vue n’est négligé et le scénario prend soin de rester causal de bout en bout. Logh n’hésite pas également à se verser dans les détails en ce qui concerne les coulisses des mémoires : les principaux personnages voient leur passé révélé et l’humanité monopolise plusieurs épisodes afin de retracer l’histoire du 3e et 4e millénaire sous un format de documentaire, spécialistes et historiens fictionnels à l’appui.


Le nombre de personnages existant est proprement hallucinant. Sur les +- 660 personnages nommés (merci Tvtropes), on peut compter une dizaine de héros/héroïnes clés, au moins une cinquantaine de rôles semi-principaux (merci mon pifomètre), et avant tout la sensation que chaque intervenant s’intègre parfaitement au décor et remplit une fonction bien spécifique. Aucune redondance ne m’a sauté aux yeux.


On pourrait se sentir un peu perdu devant tout ce casting mais Logh réussi parfaitement à gérer la horde. Les personnes ayant un minimum d’importance possèdent chacun leur « moment de gloire » ou des caractéristiques particulières pour leurs permettre de se distinguer. De plus pour chaque épisode leur nom est affiché pour rappel On se surprendra après les vingt-six premiers épisodes, considérés comme l’introduction, à reconnaître les individus les plus mineurs. La méthode est on ne peut plus efficace.


Si tous les personnages ne sont pas toujours des entités complexes, Logh essaye la plupart du temps de donner aux différents acteurs des aspects multidimensionnels. C’est le cas bien évidemment pour les deux protagonistes dont les personnalités sont extrêmement abouties, très visible chez Yang Wenli, mais pas uniquement comme le prouvent par exemple Reuenthal (Norio Wakamoto à son apogée) ou Oberstein.


Logh bien sûr n’est pas sans défauts. Des graphismes vieillis, même si le chara-design reste encore excellent. Des batailles rarement engageantes et fouillies. Un humour tantôt génial et tantôt noeud-noeud. Peu de personnages féminins : 4-5 dignes d’êtres mentionnées et bien que prépondérantes et dotées d’une forte personnalité, elles sont toujours dépendantes envers un pôle masculin. Karin en particulier m'a parue sous-utilisée. Ah ! Et un narrateur absolument abominable, pire qu’un trailer avec ses spoils (j’y reviens).


Deux grosses faiblesses qui m’ont véritablement ennuyé. Premièrement, le début de Logh est la partie la plus faible. Les onze premiers épisodes explorent beaucoup la décadence des deux camps et ne nous épargnent pas toutes les imbécilités dont les dirigeants et généraux sont capables. Deuxièmement, le culte des Terraïstes, les adorateurs de l'ancienne Terre oubliée : il est réellement dommage que le seul aspect religieux de Logh (si l'on excepte les invocations au Walhalla) soit aussi mal présenté, stéréotypé et simplet. Un contraste total quand on voit à quel point le reste de la série vogue au gré de teintes bien plus grisées.


Il y aurait beaucoup de détails sur lesquels parler, beaucoup de subtilités que je remarque en filigrane lors de mon second marathon (rien de tel pour se changer les idées après une session d’examens en filière d’Histoire !). Entre son ironie tragique omniprésente, ses thèmes aussi indémodables que les musiques classiques qui composent son OST, ses observations sur le militarisme toujours mordantes de vérité et ses considérations affinées concernant l’autocratie et la démocratie, Logh n'a pas pris une ride et brille d'actualité.


Ainsi, malgré des critiques justifiées ; des comportements idiots, des visuels qui n’ont pas toujours bien vieillis et des arcs narratifs moins bons que d’autres, même en fin de série, Legend of the Galactic Heroes est une aventure grandiose que je ne peux que conseiller à tous ceux qui seraient vaguement intéressés par les poncifs du space-opera et de l'épique romancé. Cette oeuvre n’a peut-être pas révolutionné la japanimation, mais avoir réussi à adapter une oeuvre aussi immense, avec autant de changements pertinents et avec autant de constance, est un accomplissement qui n’a jusqu’à présent jamais été égalé dans cette industrie. Un classique inoubliable pour tous ceux ayant le temps et la volonté de s’y plonger.



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Intéressés par Legend of the Galactic Heroes ? Pour l’aborder dans son intégralité, j’ai deux conseils dont j’aimerais faire part :


Ne regardez sous aucun prétexte ces foutues previews ! Chaque fin d’épisode vous crache à la figure les éléments les plus importants qui vont se passer par la suite. Une horreur absolue.(évitez les forums et les vidéos youtubes sur le sujet tant qu’à faire)


Comme précisé plus haut, la série se compose de pas mal d’oeuvres adjacentes : libre à vous de simplement vous contenter de la série principale ou de suivre l’ordre chronologique en commençant par les « prequels », en attendant voici l’ordre que j’ai suivi et que je recommande :


-Le film : « My Conquest is the Sea of Stars »
une bonne introduction tout simplement.


-Le film : « Overture to a New War »
reprend les deux premiers épisodes de la série plus en profondeur et avec des graphismes bien au-dessus de la moyenne.


-La série principale : Legend of the Galactic Heroes.
libre à vous de sauter les deux premiers épisodes si vous avez vu le film ci-dessus, vous manquerez juste un ou deux détails.


De mon point de vue, il s’agit à la fois d’intégrer d’autres oeuvres tout en n’ennuyant pas le spectateur par des détours inutiles : ces trois éléments se raccrochent directement à l’histoire principale et s’enchaînent naturellement.


Une fois la série principale terminée, on peut alors prolonger l’expérience par les deux prequels. Il est important de regarder dans l’ordre :


« A Hundred Billion Stars, A Hundred Billion Lights »


Et ensuite :


« Spiral Labyrinth »


Des débuts datant de 1988, Spiral Labyrinth se termine en 2001. Si vous êtes arrivé jusqu’à ce stade, vous aurez probablement envie de finir la collection avec le film « Golden Wings », qui est loin d’être la meilleure partie du lot cependant.


Enfin, il faut préciser que Logh n’a jamais pu être importé en Occident, en Europe comme ailleurs si ce n’est le premier film en France, ce qui n’avance pas à grand chose. Rendons honneur à tous les fans qui ont dédié un temps considérable (des années) à la traduction afin de rendre la légende accessible. Personnellement je regarde toujours avec les sous-titres anglais mais il me semble que la traduction française est également disponible.

Skidda
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le 30 janv. 2013

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Skidda

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